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Entretien avec Daniel Pennac, parrain de Libraires d'un jour

Mise à jour le 24/06/2022
Daniel Pennac
Chaque année, Libraires d'un jour (anciennement le Pari des libraires) est porté par une personnalité. Le 24 juin, Daniel Pennac parrainera la manifestation. Sa série des Malaussène (Au bonheur des ogres, La Fée Carabine…) et ses essais (Comme un roman et Chagrin d’école) sont des best-sellers traduits dans le monde entier. Karine Henry, de la librairie Comme un roman (3e), s’entretient avec celui qui est également le parrain de la librairie.

Quel est votre rapport avec la librairie ?

C'est un rapport essentiellement urbain. La librairie comme lieu ouvert, où l’on accueille matin et soir des clients dans tous les arrondissements de Paris, ça n’existe que chez nous. Les librairies font partie de mon paysage en tant que piéton. Elles sont comme des bistrots où je m’arrête pour feuilleter des livres. C’est unique. Ça n’existe pas en Angleterre, en Allemagne, en Italie…

Et vous lisez beaucoup ? Quand ?

Je ne lis pas tant que ça, je ne lis pas non plus en profondeur. J’ai dans ma maison, un peu partout, les livres de mes habitudes, que je place sur mon chemin. Parmi eux tu trouveras Montaigne, La Bruyère, Le livre de l’intranquillité de Fernando Pessoa, mais aussi Tintin ou Little Nemo. Les uns et les autres sont dispersés dans un certain nombre de pièces, y compris les toilettes, de façon à ce que je n’aie pas à les chercher et qu’ils soient où je me trouve. Je n’ai pas un livre de chevet mais tous mes livres préférés, depuis que je suis gosse, sont à mon chevet. Bien entendu il y a les découvertes de saison, les nouveautés, etc. Mais rares sont les découvertes qui accèdent à la dignité du livre de chevet.

Il y a quand même des livres que vous avez défendus comme Joseph Ponthus…

Oui ceux-là sont dans ma bibliothèque. J’ai La Porte de Magda Szabo, Christian Bobin, Joseph Ponthus, Même les anges de Christèle Wurmser, Silvia Avallone… C’est-à-dire que je pratique officiellement ce que nous pratiquons intimement avec nos amis. Le vrai vecteur du bouquin, c’est l’affection. Je passe le livre à une copine, à un copain, etc. Mais c’est aussi l’affection pour le livre. J’ai connu Joseph Ponthus et j’ai adoré ce garçon. Quand j’ai lu À la ligne j’avais été émerveillé par ce texte. Il se trouve que l’auteur est également merveilleux. C’est tellement bon qu’on ne peut pas se contenter de le communiquer aux amis. Il faut communiquer au plus grand nombre possible. Alors quand vous êtes vous-même un écrivain un peu connu, et qu’on vous propose de faire un bandeau, vous le faites.

Dans votre essai titré Comme un roman, vous défendez les droits du lecteur. Il y a le droit de lire n'importe quoi, le droit d'arrêter quand on veut, le droit de se taire…

Ce qu’on a oublié avec ces « droits du lecteur » c’est que, dans Comme un roman, chaque droit était une tête de chapitre. Et tous de nature pédagogique. Je venais de réconcilier mes gosses avec la lecture, et certains d’entre eux commençaient à se foutre de ceux qui ne lisaient pas. Alors évidement je les engueulais. Je leur disais « Tu n’as pas le droit de t’approprier tes lectures, tout ce que tu peux faire éventuellement c’est en être le passeur : donner envie ou lire à voix haute, raconter un roman… » C’était ça, le droit de ne pas lire. Le droit de sauter des pages, je l’ai écrit en réaction aux propositions d’un éditeur qui m’appelait toutes les semaines pour me demander de faire des abrégés de classiques. Non ! Je n’allais pas caviarder Madame Bovary en prétendant que Flaubert avait fait un peu trop descriptif ici, un peu trop long là. Non ! C’est impensable de demander à quelqu’un de tailler dans les classiques.

On a le droit de sauter des pages

Daniel Pennac
En revanche, le droit de sauter des pages permet, lorsque tu es enseignant, d’apprendre à tes élèves à suivre le fil narratif d’un livre en sautant les pages qui résistent à leur première lecture… Quitte à les relire plus tard. Le droit de grappiller, lui, est un cousin du droit de relire. Par exemple, Pessoa, je le grapille. Il ne m’est jamais arrivé de lire in extenso Le livre de l’intranquillité. Pourtant je le connais, j’en ai lu l’intégralité. Je grapille dans Saint-Simon, je grapille dans Les Essais, dans La Recherche, dans le Voyage au bout de la nuit, dans Cent ans de solitude. C’est ma façon de les relire.

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