Connaissez-vous l'histoire de la baignade dans la Seine ?

Focus
Mise à jour le 21/07/2023
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Dès 2025, la baignade dans la Seine sera à nouveau possible à Paris sur trois sites, grâce à un long et méticuleux travail de dépollution du fleuve. Une sorte de retour vers le passé, car les bains dans la Seine sont une vieille tradition parisienne. Petite histoire de la baignade dans la Seine et de sa reconquête.

La traversée de Paris à la nage en 1943 (en vidéo) !

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Bientôt un retour aux sources ?

Le 28 novembre 1988, Jacques Chirac, alors maire de Paris, lance : « J'irai me baigner dans la Seine devant témoins pour prouver que la Seine est devenue un fleuve propre. » Il évoque l’année 1994. Le défi ne sera pas tenu à cette échéance. Il faudra attendre 36 ans et les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 pour voir les premiers baigneurs dans une Seine rendue apte à la baignade. De fait, les épreuves du triathlon, du para triathlon et la natation marathon se dérouleront au cœur de la capitale au niveau du pont Alexandre III, reliant les 7e et 8e arrondissements.
Mieux, en 2025, plonger dans le fleuve sera accessible au grand public à trois endroits précis : le bras Marie (Paris Centre, Parc des Rives de Seine) ; le bras Grenelle, entre le port de Grenelle et les rives de l'île aux Cygnes (15e) ; Bercy, au niveau de la Passerelle Simone de Beauvoir, en contrebas du Parc de Bercy (12e).
Une sorte de retour aux sources, car, on le sait peu, mais les bains à Paris dans la Seine ont été longtemps une vieille tradition.

Des bains très appréciés depuis le XVIIe siècle

Selon les archives, la mode des bains dans la Seine apparaît au milieu du XVIIe siècle le long du quai Sully. Particularité, on se baigne dans le plus simple appareil. Les femmes restent cependant de leur côté, plus ou moins protégées par de grandes toiles tendues. Mais dès la fin du siècle, les bains dénudés sont interdits. Toute une organisation se met alors en place pour répondre à la mode des baignades. Des bateaux, piscines flottantes avant l’heure, proposant des bains froids (bientôt suivis de bateaux à eau chaude) apparaissent sur la Seine. Les hommes et les femmes sont séparés. Ces structures flottantes disparaitront au profit des bains-douches terrestres.
Il n’y a d’ailleurs pas que les humains qui pratiquent les baignades. Nos amis les chiens se jettent aussi à l’eau. Jusqu’au début du XXe siècle, il n’était pas rare de trouver sur les quais des laveurs et tondeurs de chiens professionnels qui les baignaient pour leur faire un brin de toilette. Un métier aujourd'hui disparu…
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Un maître-nageur nommé Deligny

Mais revenons aux humains. Très vite, les bains dans la Seine sont organisés. Ainsi, c’est en 1801 que la célèbre piscine Deligny - du nom de l’un des premiers maitres-nageurs qui donnaient des cours le long des quais du 7e arrondissement – est érigée sur une douzaine de barges et alimentée par l’eau de la Seine. À la fin du XIXe siècle, on compte une vingtaine de piscines flottantes similaires au bassin Deligny.
Puis la capitale s’équipe progressivement de piscines « terrestres » et le nombre de bassins fluviaux diminue. La piscine Deligny coule en 1993. La Ville de Paris décide alors de créer la piscine flottante Joséphine Baker qui est mise en service en 2006 sur la Seine, dans le 13e arrondissement.
Mais avant cela, des courageux continuent de se baigner directement dans la Seine. Les championnats de France de plongeons y sont même organisés le 22 juin 1913.
En 1923, le couperet tombe : la baignade est désormais interdite dans le fleuve sous peine d’amende, en raison des dangers causés par la navigation fluviale et la pollution.

Une reconquête progressive

L’ère du « tout voitures » connait ses prémices à compter des années 1930. Progressivement, les rives parisiennes de la Seine vont se transformer. En 1942, l’élargissement de la chaussée du quai Saint-Michel (5e arrondissement) est achevé. Le tunnel du quai Malaquais (6e) est quant à lui mis en circulation en 1946 et la voie express rive droite est livrée en 1967. Mais déjà, une résistance aux « autoroutes urbaines » voit le jour. Ainsi, le projet des années 1970 de créer une voie express rive gauche au pied de Notre-Dame suscite de nombreuses polémiques et est définitivement abandonné en 1974.

De la piétonisation des rives…

Il faut attendre le début des années 2000 pour voir s’ébaucher un début de reconquête des rives de Seine. En 2001, la voie sur berge rive droite est fermée à la circulation automobile de mi-juillet à mi-août. À la même époque, l’opération Paris Plages (2002) est lancée sur les espaces ainsi libérés. Bientôt, avec le plan « Paris Respire », la totalité des voies sur berge de la rive gauche, ainsi qu’une partie de celles de la rive droite, est réservée aux « circulations douces » le dimanche.
Par étapes et non sans difficulté - notamment des recours juridiques -, le projet de piétonisation pérenne des bords de la Seine rive droite, annoncé en Conseil de Paris en 2015, est définitivement adopté en 2018. Avec la création du « Parc Rives de Seine », sept kilomètres de berges sont rendus aux piétons et aux mobilités douces, de la Bastille à la tour Eiffel.
« L’interdiction de la circulation automobile édictée par la mairie de Paris est justifiée par la nécessité de préserver un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO », relève le tribunal administratif dans sa décision. Les rives de Seine sont de fait inscrites au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1991.
Puis viendra le tour de la rive gauche. Au total, 10 hectares sont reconquis.

… à la dépollution de la Seine

Reste à s’attaquer à la dépollution de la Seine. La Ville de Paris n’est pas seule à se mobiliser. Une multitude d’acteurs publics s’engagent dans ce chantier titanesque : préfecture de région, conseils départementaux en amont et en aval de Paris, Agence de l’eau Seine Normandie, L’alliance des ports Le Havre-Rouen-Paris, appelée « Haropa ». Au total, 1,4 milliard d’euros sont budgétés pour rendre la Seine propre.
L’objectif, au-delà de la pratique de la baignade, est surtout de redonner vie et de protéger tout l'écosystème du fleuve. Cela passe notamment par un traitement bactériologique des eaux usées à la sortie des stations d’épuration et par la suppression des rejets d’eaux usées des immeubles dans les cours d’eau qui finissent ensuite dans la Seine.
À titre d’exemple, afin d'assainir le cours du fleuve, plusieurs ouvrages sont en cours de réalisation. C'est le cas du bassin de stockage des eaux pluviales d'Austerlitz, d'une capacité d'environ 50 000 m3, qui doit être mis en service en 2024.
Les premiers résultats de cette mobilisation arrivent. Début juin 2023, les analyses de l'eau de la Seine effectuées sur la base de la réglementation européenne en vigueur ont donné des « résultats excellents ». Déjà à l'été 2022, sur le site des épreuves olympiques de nage en Seine, 91 % des mesures quotidiennes étaient bonnes pour la période du 20 juillet au 11 août.
Plus de 35 ans après les propos de Jacques Chirac, le pari est donc en passe d’être gagné. Mais, au-delà de la simple baignade, l’objectif est devenu plus ambitieux à l’heure du réchauffement climatique: transformer la Seine en un véritable corridor écologique.
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