Tout peut s’oublier, c’est des histoires de rupture.
Chacun.e déroule son histoire, sa peine, sa colère, se met à nu au sens propre
comme au figuré. C’est des personnes si courageuses et si fortes et si belles
qui reprennent le pouvoir sur la narration, qui dépassent leurs deuils et
grandissent. C’est les moments partagés d’empouvoirement, de care et
d’adelphité qui resteront marquées dans nos mémoires.
Tout peut s’oublier c’est un très beau non sens. C’est le
troisième vers de la chanson de Brel, ne
me quitte pas, il faut oublier, tout peut s’oublier. C’est cette envie qui
nous prend au moment fatidique d’annuler toutes les erreurs et toutes les
fautes et tous les doutes. C’est la pulsion de l’ivresse pour oublier, ne
serait ce que quelques instants la douleur qui nous submerge. C’est faux, tout
simplement.
On n’oublie rien. On reconstruit.
Marion J est un.e photographe engagé.e queer et féministe
qui documente les mouvements sociaux et crée des univers qui questionnent
l’amour, l’intime, la norme et l’interdit. Iel a découvert l’univers de la photographie
en étant modèle pendant quelques années, une expérience pour le moins
contrastée, très marquée par le male gaze. Iel a commencé à expérimenter de
l’autre côté de l’objectif, voulant sortir de l’objectification, clamer /
réclamer son agentivité et créer un espace collaboratif avec les modèles. Iel a
donc exploré de multiples domaines photographiques, nourri son regard encore et
encore, découvert l’excitation du reportage de manifestation, dans une
perpétuelle recherche de sens. Lassé.e d’observer souvent (toujours?) les mêmes
points de vues, discours et corps représentés, iel a finalement trouvé son
espace d’action entre évocation et provocation, entre représentation esthétique
s’inspirant de la sculpture et la peinture classique et représentation
militante, questionnant à la fois nos points de vue et ce que l’on nous donne à
voir, sous l’angle du queer gaze.