Les murs de la Tour Saint Jacques accueille gratuitement et en plein air la belle exposition de Maï Lucas.
Au milieu des années 1980, la France découvre
l’émergence du hip-hop, alors perçu comme un phénomène culturel inédit où se
mêlent musique, danse, attitude et affirmation identitaire. Témoin privilégiée
de cette première scène parisienne, Maï Lucas photographie cette culture dont elle
fait partie intégrante et développe un langage visuel nourri par son énergie et
sa créativité. Animée par la nécessité d’en retracer les origines, elle part
rapidement aux États-Unis, à New York, dans les quartiers où le hip-hop s’est
formé avant de se mondialiser. Elle y découvre un environnement multiculturel
dense, marqué par la ségrégation urbaine, la précarité et la créativité quotidienne.
Maï Lucas s’attache alors à photographier l’écosystème social dans lequel cette
culture se construit : rues, fêtes de quartier, groupes d’adolescents,
dynamiques de style et de visibilité.
Pendant plus de vingt ans, elle retourne
régulièrement dans les mêmes secteurs de Brooklyn, du Bronx, de Washington Heights et de Harlem,
construisant un corpus unique où s’articulent continuité documentaire et
fidélité aux personnes rencontrées. Ses images restituent un moment historique
désormais révolu : celui d’un hip-hop encore enraciné dans la vie ordinaire des
quartiers populaires, avant son institutionnalisation par la mode, les médias
ou l’industrie musicale.
Le projet ALL EYES ON ME, présenté
sur les grilles de la Tour Saint-Jacques, réunit vingt-six photographies issues
de ce long travail d’immersion. Par son regard attentif, frontal et non
exotisant, Maï Lucas affirme la présence des jeunes qu’elle photographie dans
un espace social où leurs corps sont souvent dépréciés, surveillés ou
invisibilisés.
Maï Lucas propose une archive sensible d’une
culture qui, depuis la marge, a profondément transformé les esthétiques
contemporaines. Ce travail constitue un témoignage visuel de premier ordre,
révélant la force culturelle d’un mouvement né des périphéries sociales, et
devenu central dans les formes actuelles de la mode, de la musique et de l’art
contemporain. Loin des stéréotypes négatifs, ces images donnent à voir une
jeunesse pleine de vitalité et de dignité, en quête de reconnaissance, qui
produit ses propres codes et sa propre manière d’habiter le monde.
À travers cette exposition, la Ville de Paris et
la photographe Maï Lucas offrent un véritable pèlerinage visuel à travers un
monde afro-latino qui a profondément nourri notre imaginaire collectif.
Maï Lucas est une photographe franco-vietnamienne, née à Paris, spécialisée dans la création de ponts culturels. Elle collabore dans ses débuts avec la presse, les maisons de disques et réalise de nombreuses campagnes publicitaires en France pour se diriger vers une carrière dans les galeries.