Le funk carioca est un kaléidoscope de rythmes, de rituels, de territoires et d'identités. Les photographies de Vincent Rosenblatt, dont une sélection est présentée dans cette exposition, tentent de rendre compte des mouvements collectifs, des élans individuels et des détails corporels.
Qu'il soit guerrier, politique ou sexuel - le funk touche Vincent Rosenblatt, surtout quand il repousse les limites de la liberté d'expression. Depuis 2005, il cherche à préserver la mémoire fragile de ces rencontres, à dépeindre l'énergie, les gestes et les désirs d'une certaine jeunesse de Rio de Janeiro, du début du XXIe siècle. Attiré irrésistiblement par le son scandé par les murs d'enceintes géants et la crudité des paroles qui ébranlent, à chaque baile, les fondements de la bienséance sociale et l'illusion d'une démocratie raciale brésilienne, Vincent Rosenblatt a découvert un autre Rio.
Très vite, les DJ's, MC's et danseurs ont emmené le photographe de plus en plus loin, dans leurs favelas et périphéries là où le funk se crée et se danse. Les funkeiros ont partagé avec lui la responsabilité et le danger de produire des images de lieux « interdits » de représentation, car stigmatisés par une certaine presse et constamment menacés d'interdiction. Il savaient que les plus beaux bals étaient voués à la répression et à la destruction et que cette beauté éphémère devait être documentée.
Ces dernières années, dans un contexte d'interdiction latente des bailes de favelas, une génération de jeunes producteurs a réinventé les nuits de Rio. Dans des clubs populaires, les « fêtes noires » ont amplifié la révolution du funk carioca : la célébration de l'identité et de la diversité sans discrimination crée, le temps d'une nuit, des espace-temps sûrs pour vivre et rêver.
L'avis de la rédaction
Souvent, la jeunesse brésilienne est racontée par la presse à grands coups de reportages sensationnalistes. Au-delà des frontières du pays, on ne connaît finalement pas grand-chose de sa population issue des quartiers défavorisés. Et c’est cette carence qu’a cherché à combler Vincent Rosenblatt, après avoir entendu pour la première fois, depuis sa fenêtre, de drôles de sonorités s’échapper des favelas environnantes. Happé par l'énergie du funk carioca, un ovni musical qui mixe diverses influences allant des musiques électro au hip-hop, en passant par les tambours battants des religions afro-brésiliennes, le photographe a réussi à gagner la confiance des funkeiros et à leur offrir enfin « un espace pour une autre iconographie », comme il nous l'a lui-même confié.
Paris en mode baile funk sur les grilles de la tour Saint-Jacques
Pensée comme une traversée de la nuit jusqu’au petit matin, l’expo « Rio Baile Funk » présente 33 tirages qui retracent l’histoire de ce mouvement musical. On est d’abord immergés dans la fièvre et l’allégresse de ces fêtes portées par différents protagonistes – qu’ils soient danseurs, DJs, chanteurs ou producteurs –, venus brandir leur fureur de vivre dans une forme de catharsis. Puis on les retrouve au lever du jour, après avoir fait le tour des fêtes, sur des toits de maisons dans les favelas, pour s’adonner aux traditionnels entraînements, propres à cette scène.
J’ai essayé de raconter une histoire qui condense en un storyboard différents aspects de cette culture riche qu’est le funk carioca, et ce, de 2005 à aujourd’hui, à la façon d’une partition.
Vincent Rosenblatt
photographe
Croyez-nous, la sueur, la chaleur et l’énergie ultracommunicative qui se dégagent de ces photographies parviennent avec force à nous propulser loin, très loin de notre grisaille parisienne. Et ça fait du bien !
Vincent Rosenblatt vit et travaille à Rio de Janeiro depuis vingt ans, où il a séjourné pour une première fois en 1999-2000 grâce à une bourse d'échange de l'école des Beaux-Arts de Paris.