L’abstraction
est sans doute l’événement artistique majeur du XXe siècle. Dans un
monde en quête de repères, ce mouvement est né de la nécessité de trouver de
nouvelles façons de voir. Le surgissement de l’abstraction a profondément
transformé notre perception du réel, de la nature et du spirituel. De nouvelles
formes de pensées, l’accélération des progrès scientifiques et techniques ont
ouvert une brèche inédite qui continue d’infuser la création contemporaine. Un
autre horizon s’est ouvert sur un univers de couleurs, de matière et de
lumière. Les peintres se sont dégagés des apparences au profit de formes
idéales.
En
Bretagne, le terrain est particulièrement choisi pour accueillir cette
révolution. Depuis la venue prophétique de Gauguin, les artistes du monde
entier continuent d’y affluer, attirés par sa géographie et sa culture
ancestrale. Cette quête de l’esprit nouveau s’enracine ainsi dans la profondeur
et le mystère des paysages de la limite. Un motif, aussi évocateur qu’infini,
va irriguer les œuvres abstraites : l’océan. Dans ses paysages inondés de
brumes et de lumières, le peintre Turner avait entrevu cette possibilité de
franchir la ligne. Son héritage est plus que jamais d’actualité. L’abstraction
océanique nous invite à aller au-delà du rebord pour l’inconnu. Métaphore
d’autant plus lumineuse qu’elle apparaît comme l’écho de l’intériorité humaine,
sans cesse ballotée entre tempête et accalmie. Sur les toiles, l’énergie. Au
milieu des eaux, tout est mouvement, relation, résolution. Le ciel et la mer
s’unissent, les profondeurs font surface, les ultimes traces de terres balisent
l’espace, la palette se réduit à des signes de bleus, de gris de verts aux
allures de monochrome. L’épaisseur des vents, les masses, les vagues, la
lumière comme éblouissement, définissent de nouvelles immensités.