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Une stratégie budgétaire 2023 marquée par un contexte de crise inédit

Mise à jour le 14/11/2022
Le Conseil de Paris de ce mois de novembre examine les orientations budgétaires de la Ville pour 2023. Les finances de la collectivité souffrent de facteurs extérieurs comme l’inflation et diverses décisions étatiques. Elles sont aussi affectées par la poursuite du désengagement de l’État dans le financement des collectivités locales. Le budget proprement dit, lui, sera voté en décembre.
La crise sanitaire et économique liée au Covid-19 a considérablement affecté le budget parisien depuis trois ans, tant en dépenses qu’en recettes, en fonctionnement comme en investissement. Le coût total de cette crise pour les finances de la Ville est estimé à 1,2 milliard d’euros en moindres recettes et en dépenses exceptionnelles, notamment par la mise en œuvre de dispositifs de solidarité pour les plus fragiles.
Alors que l’embellie se profilait en 2022, la crise énergétique et sociale est survenue. L’impact de l’inflation sur les dépenses de la Ville est considérable. Malgré un plan de sobriété rapidement mis en place, les factures d’énergie de la collectivité vont connaître en 2023 un surcoût d’au moins 100 millions d’euros. Par ailleurs, les revalorisations du revenu de solidarité active (RSA) et du point d’indice des fonctionnaires – autant de mesures prises qui ne sont pas du ressort de la Ville, même si elles sont indispensables en période d’inflation – ont engendré une hausse importante de la masse salariale.

Un contexte difficile

Parallèlement, l’État n’apporte quasi aucun soutien à la Ville. Il continue même à réduire les ressources liées à la fiscalité locale des entreprises en décidant par exemple la suppression (sur deux ans) de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), versée par les entreprises aux collectivités.
Lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances (PLF) 2023 au Parlement – texte finalement adopté sans vote, via l’emploi de l’article 49-3 de la Constitution –, la Ville avait soutenu des amendements qui lui auraient permis d’équilibrer le budget parisien sans que cela ne coûte rien à l’État : augmentation de la taxe de séjour pour les clients des palaces et des hôtels 5 étoiles, majoration de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires, etc. Mais ces amendements n’ont pas été retenus.
Certes, un effort sur les dépenses de gestion est mené avec, par exemple, le plan sobriété, mais cela n’est pas suffisant pour financer les investissements indispensables aux transformations, notamment écologiques.
Aussi, côté recettes, en matière de fiscalité locale, il ne reste plus quasiment qu’un seul levier à la disposition de la Ville : celui de la taxe foncière payée par les propriétaires parisiens, soit moins de 40 % des foyers de la capitale. Le vote d’une réévaluation de la taxe foncière de sept points permettrait d’augmenter les recettes de 586 millions d’euros et ainsi d’assurer le maintien de services publics de qualité et les investissements massifs au service de la transition écologique.
C’est dans ce contexte difficile que l’exécutif parisien soumet au débat, lors du Conseil de Paris de ce mois de novembre, son rapport d’orientations budgétaires afin de présenter les grandes tendances structurant le budget de la Ville pour l’exercice 2023. Le budget proprement dit sera, lui, examiné lors du Conseil de Paris de décembre.

À fiscalité constante, des recettes stagnantes

Les recettes de fonctionnement, autour de 9 milliards d’euros (fiscalité, dotations, etc.), resteraient quasi stables, à fiscalité constante, en 2023 par rapport à 2022. Dans cet ensemble, les recettes fiscales (taxes foncières, fiscalité immobilière, taxe sur l’enlèvement des ordures ménagères, etc.) représenteraient 5,8 milliards d’euros en 2023 si l'augmentation du taux de taxe foncière (TF) est actée.
Certaines de ces recettes fiscales restent exposées aux aléas de la conjoncture économique liés à la crise énergétique. Il en va notamment des « droits de mutation à titre onéreux » (DMTO), communément appelés « frais de notaire », dus lors de toutes transactions immobilières.
Durant la crise sanitaire du Covid (avec le confinement), les transactions immobilières, et donc les DMTO, ont fortement chuté de 14 %, soit 224 millions d'euros de recettes en moins. Le marché s’est progressivement redressé en 2021 et 2022 (1,65 milliard d’euros de recettes attendues). Toutefois, en 2023, avec un contexte de resserrement de l’accès au crédit immobilier (dû à la hausse des taux d’intérêt), il convient de considérer les perspectives de recettes de DMTO avec prudence.
Avec le retour attendu du tourisme en 2023, la Ville espère retrouver un niveau de recettes de taxe de séjour semblable à celui de 2019, soit 95 millions d’euros. En 2020, avec la crise du Covid, ces recettes étaient tombées à 44 millions. En 2024, avec les Jeux olympiques et paralympiques, la Ville attend un doublement de cette taxe de séjour.

Des pertes de recettes dues à des réformes portées par l’État

S’agissant, cette fois, des recettes provenant des entreprises, les différentes réformes mises en place par l’État vont supprimer d’importantes recettes en 2023, sans que l’on connaisse encore véritablement les montants des compensations prévues par l’État.
Concernant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dont les recettes devaient en 2022 avoisiner 484 millions d’euros, l’État a décidé sa suppression sur deux ans dans le projet de loi de finances 2023. Cette perte serait compensée par l’attribution à la Ville d’une fraction du produit national de la TVA. Or, à ce stade, on ne connaît pas les contours de cette compensation.
Quant à la contribution foncière des entreprises (CFE) – environ 328 millions d’euros de recettes attendues en 2022 –, une autre réforme étatique a décidé d’affecter à compter du 1er janvier 2023 les recettes de cette taxe à la Métropole du Grand Paris (MGP). Certes, il y a aura là aussi une compensation, mais le « dynamisme » fiscal est moindre.
Le problème est le même en matière de fiscalité sur les ménages. Depuis 2018, la taxe d’habitation (TH) est progressivement supprimée. En 2021, déjà, 46 % des ménages parisiens ont été exonérés de TH. En 2023, plus aucun ménage n’y sera soumis (sur la résidence principale). Cette suppression est compensée par l’État par l’attribution d’une fraction du produit de la TVA nationale. Résultat : en 2022, la Ville devrait percevoir 700 millions d’euros, contre 676 millions en 2021, en raison du dynamisme prévisionnel de TVA nationale attendue. En 2023, cette « compensation » via la TVA pourrait atteindre 776 millions d’euros.
Mais en cas de retournement de la conjoncture, ce qui est plausible, les recettes de TVA seront alors moindres… Par ailleurs, la Ville conserve encore les recettes de TH sur les résidences secondaires. Elles devraient s’élever en 2023 à 200 millions d’euros, contre 190 millions en 2022.
Reste la taxe foncière (TF), payée aux deux tiers par les ménages et pour un tiers par les entreprises. Son taux est resté stable à Paris (à 13,5 %) depuis 2014. Dans les autres métropoles de plus de 100 000 habitants, la TF a progressé de 1,9 point entre 2021 et 2022 pour atteindre un taux moyen de 43,21 %.
Si la fiscalité restait inchangée sur la TF, ses recettes passeraient de 1,096 milliard d’euros attendus en 2022 à 1,132 milliard en 2023. Une hausse de sept points du taux de TF (de 13,5 % à 20,5 %) sur le bâti et de 8,64 points sur le non-bâti (de 16,67 % en 2002 à 25,31 % en 2023) permettrait 586 millions de recettes supplémentaires.

Des dotations de l’État en baisse

Parallèlement à ces pertes de recettes et comme les années précédentes, les dotations versées par l’État à la Ville continuent de diminuer.
La dotation globale de fonctionnement (DGF) est la principale dotation versée par l’État. Elle est en baisse constante depuis 2014. En 2021, le montant notifié de DGF a atteint 31 millions d’euros. Selon les projections réalisées, la DGF serait réduite à néant en 2022 en raison de certains mécanismes fiscaux, et cela sera également le cas en 2023 et les années suivantes. Quant à la dotation de décentralisation, son montant annuel reste quasi stable depuis 2015 à 16 millions d’euros.
In fine, en 2023, pour la quatrième année consécutive, les versements de l’État resteraient inférieurs aux contributions parisiennes à la solidarité locale et nationale, via les dépenses de péréquation (719 millions d’euros attendus en 2023, en hausse de 17 millions par rapport à 2022). La péréquation est un mécanisme de redistribution qui vise à réduire les écarts de richesse, et donc les inégalités, entre les différentes collectivités territoriales au niveau national.
À noter que, en consolidant les différents fonds de péréquation municipaux et départementaux, Paris finance au total 21 % de la péréquation nationale.

Une hausse contrainte par l’inflation des dépenses de fonctionnement

Les dépenses de fonctionnement peuvent être grosso modo réparties en quatre catégories : les dépenses de gestion, la masse salariale, les dépenses de péréquation et les charges financières.
Or c’est peu dire que toutes ces dépenses sont soumises à des éléments extérieurs à la politique menée par la Ville : inflation, notamment sur le coût des énergies, hausse du point d’indice dans la fonction publique, hausse des taux d’intérêt, etc.
Les hypothèses retenues prévoient ainsi une augmentation des dépenses de 4,5 % entre 2022 et 2025… soit deux fois plus rapidement que les recettes (2,2 %).
Les dépenses de gestion pour assurer le fonctionnement des services publics sont particulièrement sensibles à la hausse de l’inflation. Sur l’exercice 2023, la hausse du coût de l’énergie devrait représenter un supplément estimé entre 60 et 102 millions d’euros pour la collectivité, dont 4,2 millions au titre des caisses des écoles et 2,6 millions pour le centre d’action sociale de la Ville de Paris. À titre d’exemple, les seules dépenses d’électricité (hypothèse médiane de 90 millions d’euros en 2023) seraient deux fois supérieures aux dépenses de 2021 malgré les gros efforts décidés dans le plan de sobriété énergétique.
Les dépenses sociales progressent du fait de la crise sociale qui a suivi la crise sanitaire. Pour le seul revenu de solidarité active (RSA), les dépenses pour 2023 sont estimées à 420 millions d’euros, contre 400 millions en 2022. Certes, le nombre estimé des allocataires devrait légèrement diminuer (62 408 contre 63 651 en 2022), mais les majorations de l’allocation intervenues en 2022 du fait de l’inflation ont renchéri le dispositif et l’hypothèse d’une nouvelle revalorisation de 3,5 % en 2023 a été retenue.
Les dépenses de personnel. En 2022, les effectifs pourvus ont très légèrement baissé de 1,5 %. En équivalent temps plein, ils atteignaient 47 492 au 1er octobre 2022. Au total, la masse salariale s’est élevée à 2,55 milliards d’euros, soit une progression de 3,1 % par rapport à 2021. En 2023, la masse salariale devrait représenter environ 2,7 milliards d’euros. Le nombre des recrutements sera limité (pour la police municipale et pour la préparation des Jeux olympiques et paralympiques, notamment). En 2024 et 2025, la hausse annuelle de la masse salariale serait de l’ordre de 1,6 %.

Un effort d’investissement maintenu

En 2023, la Ville a fait le choix de maintenir l’investissement à un haut niveau pour répondre au changement climatique, offrir un haut niveau de service public et accueillir les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
Pour ce faire, plus de 1,4 milliard d’euros ont déjà été investis en 2021, puis 1,65 milliard sont attendus en 2022. En 2023, l’effort d’investissement atteindrait 1,7 milliard. Une dizaine de thématiques sont jugées prioritaires par la Ville en matière d’investissement. On peut citer :
  • Les grands projets pour rendre Paris plus verte. Avec notamment la poursuite des aménagements des portes de Paris (Maillot, Montreuil, la Chapelle) et des abords de Notre-Dame. Le dispositif « Embellir Paris » continue également sa montée en puissance. Avec par exemple la transformation des quartiers de la Goutte d’Or (18e), Secrétan (19e) ou encore Reuilly (12e). Au total, cet axe représente un investissement de 700 millions d’euros sur la période 2022-2025.
  • La création de logements sociaux et abordables. La Ville finance la construction et l’acquisition de logements sociaux dans la perspective d’atteindre 25 % de logements sociaux en 2025. La Ville de Paris participe également à l’amélioration de la qualité du parc privé. Et grâce à la création d’une « foncière logement abordable », l'offre de logements locatifs abordables va être renforcée (loyers compris entre 15 et 25 euros le m2, soit la valeur médiane du marché moins 20 %). Au total, les opérations pour cet axe devraient atteindre 1,8 milliard d’euros sur la période 2022-2025.
  • L’essor du vélo et des mobilités propres. Le plan vélo (250 millions sur la mandature) continue avec la création de nouvelles infrastructures cyclables. La Ville poursuit aussi le financement de l’extension du réseau de transports collectifs (extension de la ligne T3 du tramway entre Asnières et porte Dauphine, prolongement du RER Eole, valorisation de la Seine, etc.). Au total, cela représente 500 millions d’euros entre 2022 et 2025.
  • La lutte contre le réchauffement climatique. La Ville met notamment en place un grand plan de rénovation thermique des bâtiments (265 millions d’euros), des actions de lutte contre le plastique, la végétalisation des grands axes parisiens (50 millions), etc. Au total, 500 millions seront affectés à cet axe entre 2022 et 2025.
Bien entendu, l’innovation n’est pas oubliée, notamment pour promouvoir une alimentation durable ou pour développer les projets liés à l’insertion par l’activité économique, sociale et solidaire (500 millions d’euros investis en trois ans). Il en va de même de la réussite des enfants et des étudiants avec, par exemple, la création ou la restructuration de crèches collectives (boulevard Davout dans le 20e ou boulevard Lefebvre dans le 15e). Mais aussi, dans le supérieur, avec la « mise en sécurité » de la Sorbonne. Au total, l’effort pour l’éduction représente un investissement de 700 millions d’euros sur trois ans.
D’autres investissements – à hauteur de 200 millions d’euros sur trois ans – sont menés dans les domaines de la solidarité et de la santé, via, entre autres, la rénovation des Ehpad.
Le développement de la pratique du sport de proximité et les futurs Jeux olympiques et paralympiques (JOP) nécessitent aussi des investissements importants (500 millions d’euros sur trois ans) avec la rénovation de gymnases et de piscines (notamment celle de la rue Belliard dans le 18e pour un montant de 18 millions d’euros). Dans la perspective des JOP, de nouveaux équipements sont construits (Arena porte de la Chapelle) ou rénovés (stade Coubertin).
Enfin, Paris investit pour une ville plus propre et plus sûre, avec notamment le développement des différents modes de collecte sélective des déchets et le remplacement des véhicules de collecte des déchets moins polluants (151 millions investis au total). Dans un autre domaine, 15 millions d’euros serviront à l’équipement de la police municipale. Globalement, ce sont plus d’un milliard d’euros qui sont investis en trois ans dans la propreté, la sécurité et l’entretien du patrimoine.

Situation budgétaire

On l’a vu, les recettes de la Ville stagnent, alors que ses dépenses augmentent du fait de contraintes extérieures (inflation, hausse du point d’indice des fonctionnaires décidée par l’État, etc.).
Dans ses conditions, l’autofinancement (ou épargne brute), c’est-à-dire la différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement, se dégrade. En 2023, l’épargne brute dépasserait à peine les 200 millions d’euros. Or il en faudrait 250 millions supplémentaires pour atteindre le niveau minimum réglementaire (ce que l’on appelle l’épargne réglementaire).
S’agissant de la dette de la collectivité. Au 31 décembre 2022, la dette devrait s’élever à 7,75 milliards d’euros, contre 7,18 milliards fin 2021. Fin 2023, elle pourrait atteindre 7, 9 milliards d’euros, dont 1 milliard est dû à la crise sanitaire, ce que l’on appelle la « dette Covid ».
Ceci représenterait en 2023 un niveau d’endettement par habitant de 3 551 euros.
Il faut enfin signaler qu’à la fin 2022, l’intégralité de la dette parisienne est à taux fixe. En conséquence, le poids de la dette n’est pas dépendant d’un retournement de conjoncture. Autrement dit, les charges financières liées à la dette ne sont pas exposées à la hausse actuelle des taux. Le taux moyen d’intérêt jusqu’à l’échéance est ainsi de 1,38 %.
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