Comment
un pays de moins de 350 000 habitants peut-il engendrer une telle
profusion de musicien·ne·s
- 120 groupes locaux rien que pour l’édition 2022 du festival
Icelandic Airwaves, sans compter la programmation
off croisée au coin d’un bar ou au détour d’une librairie ?
Certes,
on retrouve certain·e·s musicien·ne·s
dans plusieurs groupes, souvent de registres très différents d’ailleurs, mais
quand-même…
Longues
nuits d’hiver, sans doute, ennui de la vie loin de l’agglomération de
Reykjavik, peut-être, mais quand-même…
Interrogé·e·s
à ce sujet, mes ami·e·s
islandais·es haussèrent les épaules :
« la musique est enseignée à l’école aussi sérieusement que les autres
matières alors on la pratique naturellement. » Et
toc !
Autre
étonnement : la diversité des genres représentés. L’influence de la
tête chercheuse
Björk n’est pas si évidente, celle de l’ovni
Sigur Rós
encore moins, la scène métal - peut-être un lien avec le Danemark -
est présente mais pas écrasante. Mais aller à Airwaves et arpenter les rayons
des disquaires (pas moins de 7 dans le seul centre de Reykjavik) c’est écouter
du punk féminin et féministe (
Hórmónar),
du rap d’influence
Wu-Tang Clan (
Cell7), de la musique expérimentale
d’influence pop (
Ólöf Arnalds)
ou classique (
Ólafur Arnalds),
des héritiers de
Simon et Garfunkel
(
Árstíðir,
dont l’un des musiciens joue dans un groupe de métal), d’autres de
Radiohead période lyrique (
CeaseTone,
dont le chanteur est aussi musicien pour un rappeur,
JÓIPÉ), de la pop sautillante ou
mélancolique, et même de la bossanova en islandais !
Mais
tout cela pourrait faire de la mauvaise musique, ou du moins pas terrible, ou
pas innovante… sauf que non.
La
scène musicale islandaise est à la fois prolifique, de qualité et audacieuse.
Il
y a bien ça et là des groupes dont il est évidement qu’ils ne sont pas à
maturité, quelques artistes qui ne dépareilleraient pas dans le top 50 du
mainstream anglo-saxon, mais le niveau général est étonnamment élevé et il
n’est pas rare de voir des ados donner un set dans un bar ou un magasin de
sport, entre deux portants, avec la conviction qu’on imagine avoir animé le
mouvement punk à ses débuts.
Le
musée du rock islandais, à l’ouest de Reykjavik, témoigne d’ailleurs d’une
histoire largement passée sous les radars de
notre presse spécialisée jusqu’aux turbulents
Sugarcubes
(premier groupe de Björk de 1986 à 1992), et
notamment de l’arrivée sur l’ile de la première guitare électrique, pendant la
seconde guerre mondiale à la faveur, si l’on peut dire, de la présence
militaire britannique puis américaine (l’Islande n’a jamais eu d’armée et la
base américaine ne s’est retirée qu’en 2006) ; cette influence britannique
(et même plus précisément écossaise, Glasgow étant un autre bastion musical,
les deux villes partageant en outre l’amour du foot et de la bière) donnera
lieu dans les années 80 à une vague punk aussi brève qu’ébouriffée.
Étant
portée naturellement vers la pop rock britannique des années 70 à 90
(génération des
Inrocks en somme), Reykjavik est le lieu où je
m’aventure sans hésitation sur des territoires éloignées de mes bases.
Le
parti pris de ces quelques images est de capter l'énergie, la vibration de ces
artistes dont je n'ai sélectionné que les moins connu·e·s
en France, la plupart ne tournant pas hors d’Islande, ou seulement en
Scandinavie.
Espace Musique & cinéma, 2e étage.
Vernissage le samedi 21 janvier 2023, à partir de 18h.