Cette rétrospective consacrée à l’artiste américain, parmi les plus influents de la fin du 20e et du début du 21e siècles, propose un nouveau regard sur cette œuvre majeure et inclassable, à travers ses plus importantes pièces, dont certaines appartiennent à la Collection Pinault.
Dès ses années d’études à Los Angeles, Mike Kelley (1954-2012) s’empare du genre de la performance, s’inspirant des pratiques féministes militantes pour mettre en avant une approche innovante de la création, déstabilisant les canons. Il participe à plusieurs groupes de musique tout au long de sa vie, dont la formation proto-punk Destroy All Monsters dès 1974, et travaille régulièrement en collaboration avec d’autres artistes. Ses œuvres les plus célèbres sont alors des sculptures hand-made à l’humour grinçant, puis des installations faites à partir de jouets en peluche mettant en évidence les conditionnements genrés et marchands des plus jeunes. La mémoire traumatique et les dysfonctionnements de l’éducation sont des idées développées tout au long de sa carrière qui trouvent leur culmination dans l’exposition « Day Is Done » (2005), partiellement reconstituée à la Bourse de Commerce.
« Ghost and Spirit » présente une séquence de différents corpus d’œuvres ou d’environnements immersifs de l’artiste, parmi lesquels sont présentés, dans la Rotonde, les spectaculaires Kandors, villes du futur sous cloches de verre. Affleurent aussi dans le parcours les « histoires mineures » — comme il les appelait — de sa propre pratique : dessins, photographies et écrits préparatoires éclairant le visiteur sur sa pensée.
L’œuvre de Mike Kelley s’est toujours nourri de références sous‑culturelles et d’une tension entre la profondeur de la pensée critique qu’il développait et l’apparente superficialité d’une esthétique pop jouant parfois sur la séduction, ou d’une esthétique trash. Il n’aura cessé de mettre en scène également le rôle de l’artiste et la manière dont celui-ci apparaît ou disparaît.
Visionnaire, Mike Kelley aura été un grand explorateur de notions aujourd’hui toujours pertinentes dans le feu des débats contemporains : mémoire collective et individuelle, rapports de genres, de classes sociales… L’artiste originaire de Détroit (Michigan) s’intéresse en particulier à la façon dont la subjectivité individuelle est façonnée par les structures de pouvoir familiales et institutionnelles au sein de la société américaine capitaliste postmoderne.
Dans une note pour une performance jamais réalisée au début des années 1980, Mike Kelley se questionnait sur la différence entre un fantôme et un esprit (« ghost and spirit ») : le premier finit par disparaître quand le second persiste. Il pensait être un fantôme, et pourtant son esprit exerce encore, notamment sur les générations d’artistes plus jeunes. C’est cette « influence persistante » (« A spirit has a lingering inluence », écrit-il) de l’esprit de Mike Kelley qui traverse l’exposition.
Exposition organisée par Tate Modern (Londres) en collaboration avec Pinault Collection (Paris), K21 — Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen (Düsseldorf) et Moderna Museet (Stockholm). Commissariat général : Catherine Wood, Director of Programme, et Fiontán Moran, Curator, International Art, Tate Modern.
Commissariat Bourse de Commerce : Jean-Marie Gallais, conservateur, Pinault Collection.