Une conférence qui rend hommage à une communauté souterraine et mésestimée qui s’est battue pour créer des espaces de sociabilité et d’entraides ; dont la place dans l’histoire queer mérite d’être revalorisée et qui continue, encore aujourd’hui, d’aider de nombreuses personnes à s’affirmer dans leurs identités.
"The rather nebulous bounds of good taste"
queering anderotizing the canon with fanfiction.
« This is to confirm our conversation that we do not object [anymore] to fan-written stories involving homosexual characters, as long as they, too, remain non-explicit about sex and within the rather nebulous bounds of good taste. »1
Apparue à la fin des années soixante
sous la plume d’adolescente, d’auteures et universitaires fans de Star Trek, la
fanfiction désigne ces travaux de fiction créés par détournement et adaptation
de récits préexistants, généralement issus de la culture mainstream (films,
jeux-vidéos, séries, comics, romans, etc.).
Elle est affaire d’accommodation :
son auteur.e pirate le canon d’une histoire référente, qu’iel adapte et
reprise, jusqu’à ce que celle-ci fasse écho à ses propres attentes et désirs.
La fanfiction est l’héritière d’une
science-fiction qui, dès les années vingt, s’élabore en dialogue avec sa communauté
de lecteur·ice·s (par le biais des magazines, de fanzines et de conventions)
ou, comme l’explique Justine Larbalestier, d’une science-fiction qui se
comprend comme activité sociale tout autant que littérature2. Mais
si la science-fiction a quitté depuis longtemps le domaine de la pulp, la
fanfiction continue d’être jugée vulgaire et de mauvais goût.
La raison de ce dénigrement tient,
comme nous le verrons, du fait qu’elle est un objet littéraire principalement
queer et pornographique écrit, le plus souvent, « par des femmes, pour des
femmes » (Joanna Russ).
1 extrait d’une des « Open Letters to Star Wars Zine Publishers » envoyées en 1981 par Maureen Garret, conseillère légale pour Lucasfilm.
2 Cf. Larbalestier, The Battle of the Sexes in Science Fiction, Middletown 2002.
La communauté des auteur·es et des
lecteur·ices de fanfiction constitue un « queer female space » dont les
gestes politiques et productions culturelles ont silencieusement influencé, en
l’espace d’un demi-siècle, plusieurs histoires : celle de la
science-fiction et du milieu geek ; celle de la zine culture (papier
et vidéo) ; celle d’internet.
archiveofourown.org, par exemple, un site
de fanfiction souvent présenté comme une « cyber utopie féministe »,
constitue l’un des fonds d’archives de création queer les plus importants du
monde. C’est, également, le deuxième site de littérature anglophone le plus
fréquenté sur internet.
Iris Lafon est chercheuse en
histoire de l’art contemporain et commissaire d’exposition indépendante.
Ses travaux, teintés d’histoire
sociale et d’archéologie des médias, porte sur les dispositifs de monstration
et de diffusion des œuvres (catalogues d’exposition, cartons de vernissage, etc.).
Elle s’attache, plus spécifiquement,
à dessiner une histoire des tactiques expositionnelles et archivistiques de communautés
artistiques et culturelles marginalisées, des alternative spaces new-yorkais
aux plateformes internet des fandoms queer. Elle a fondé, avec Valérie
Leclercq, ladestructiondesespacesvides, une plateforme curatoriale qui allie recherches
visuelles, musicales et para-académiques. A travers celle-ci, elles programment Our Story à CINEMATEK (Bruxelles),
le rendez-vous mensuel consacré à l’image en mouvement queer.