Le saviez-vous ?

Quatre lieux ont été débaptisés à Paris depuis 2001… et bientôt un cinquième !

Mise à jour le 15/12/2023
Le square Louise Michel (18e).
La nomenclature d’une ville n’est pas figée. S’il n’est pas question de renier l’histoire, rebaptiser des rues à Paris s'est toujours fait au fil du temps. À l’aune du vœu du Conseil de Paris de débaptiser l’avenue Bugeaud (16e), le point sur ce procédé.
Saviez-vous que le boulevard Voltaire (11e) s’appelait boulevard du Prince Eugène de 1857 à 1870 ? Ou que l’avenue Franklin D. Roosevelt (8e) n’a pris ce nom qu’en 1945 à la mort du président américain, qui remplaça alors celui du roi italien Victor-Emmanuel III ?
Changement de régime, légitimité historique écornée… les dénominations à Paris bougent régulièrement pour des raisons diverses. On peut encore citer d’autres exemples connus, comme la place Royale devenue place des Vosges (4e), l’avenue Alexandre III devenue avenue Winston Churchill ou encore la place de la Concorde (8e) qui a connu trois dénominations : place Louis XV, place de la Révolution puis place Louis XVI, avant de marquer la réconciliation des Français après la Terreur et de les appeler à la « concorde ».
La place des Vosges (4e)
Place des Vosges, anciennement appelée place Royale
Crédit photo : Sophie Robichon / Ville de Paris
Aujourd’hui, ces changements ne se font plus qu'en de très rares occasions. L’objectif est que le nom honoré ne porte pas atteinte à l’image de la ville et ne heurte pas la sensibilité des habitants.

Retirer le nom d'un sinistre personnage

La dénomination d’une voie ou d'un équipement public relève de la compétence du conseil municipal. Elle doit donc obligatoirement faire l’objet d’une délibération, comme ce sera le cas, d'ici l'été 2024, pour l'avenue Bugeaud (16e). Le vœu, adopté à l'initiative de la maire de Paris lors du Conseil de Paris du 13 décembre 2023, ouvre la voie à cette future délibération.
Avant d’être fait maréchal de France, Robert Bugeaud (1784-1849) s'est en effet rendu coupable d’exactions durant la colonisation de l'Algérie par la monarchie de Juillet. Nommé gouverneur général de l’Algérie, il met en pratique de son propre chef les « enfumades », qui consistaient à asphyxier les populations pour accélérer la conquête des territoires. Ces véritables crimes de guerre font scandale dès son époque : même en France, ses contemporains sont scandalisés et jugent ses actions comme des atrocités.
Bugeaud n’était pas non plus tendre avec les Parisiens : il a lui-même théorisé la meilleure façon de réprimer les insurrections populaires et républicaines sous la monarchie de Juillet, et il s’est fait connaître comme « l’homme de la rue Transnonain », du nom d’un massacre survenu dans l’actuelle rue Beaubourg, en 1834. Enfin, dans ses écrits, le maréchal Bugeaud fait preuve à plusieurs reprises de racisme et d’antisémitisme
La décision de retirer son nom de la nomenclature parisienne s'appuie non seulement sur l’indignation de nombreux Parisiens, mais aussi sur la consultation par la Ville d'un grand nombre d’historiens, de chercheurs et de collectifs associatifs. En France, d’autres villes ont fait le même choix : à Marseille, l’école Bugeaud a changé de nom en 2021, et à Périgueux, un panneau pédagogique a été apposé sous la statue du maréchal pour rappeler la brutalité du personnage.
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Depuis 2001, Paris a procédé à quatre « débaptisation »… et bientôt une cinquième !

  • En 2001, dans les 1er et 8e arrondissements, la rue Richepanse, du nom d'un général de l'armée expéditionnaire de la Guadeloupe, chargé d'y rétablir l'esclavage, est devenue rue du Chevalier de Saint-George, rendant hommage à un compositeur, escrimeur et musicien français (1745-1799) né esclave à la Guadeloupe.
  • En 2002, dans le 15e, la rue Alexis Carrel, chirurgien et biologiste promoteur de l’eugénisme, fasciste et admirateur du nazisme, a pris le nom de Jean-Pierre Bloch (1905-1999), ministre du général de Gaulle et président d'honneur de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra).
  • En 2003, dans le 18e, le square Willette qui rappelait la mémoire d'Adolphe Willette, peintre et dessinateur connu pour son engagement antisémite, est devenu square Louise Michel, figure majeure de la Commune de Paris.
  • En 2013, dans le 12e arrondissement, le collège Vincent d’Indy (ce compositeur français a pris des positions anti-dreyfusardes et antisémites) a été rebaptisé collège Germaine Tillion, pour rendre hommage à cette grande résistante (1907-2008).
  • En décembre 2023, la Ville engage le processus de débaptisation de l’avenue Bugeaud (16e) - nom attribué en 1864 - pour lui donner le nom d’avenue Hubert Germain, dernier Compagnon de la Libération décédé en 2021.
Attachée à la préservation de son histoire et de son patrimoine, la Ville de Paris n’entend ni déboulonner les statues ni changer massivement les noms de ses rues. Les plaques de l’avenue Bugeaud seront ainsi transférées au musée Carnavalet, pour témoigner de ce moment de l’histoire de la capitale.
Qui était Hubert Germain
Dernier Compagnon de la Libération, mort le 12 octobre 2021 à l'âge de 101 ans, Hubert Germain s'était engagé dès le 24 juin 1940, à l'âge de 20 ans, au sein de la France libre. Il a pris part à plusieurs campagnes militaires contre le camp de l'Axe : en Syrie en 1941, en Libye en 1942, avant de poursuivre le combat en Tunisie, en Italie, lors des batailles de Bir Hakeim et Monte Cassino à l'occasion desquelles il s'illustre.

En 1944, il participe au débarquement de Provence. La force de ses convictions et l'exigence de son attachement à la démocratie l'amènent par la suite à poursuivre son engagement au service de l'intérêt général en qualité d'élu local, de député de Paris et de ministre dans les gouvernements Messmer (1972-1974). À son décès, la Nation lui a rendu un hommage solennel aux Invalides.

Hubert Germain (1920-2021), résistant et homme politique français, ministre des Postes et Télécommunications de 1972 à 1974. France, années 1970.
Hubert Germain (1920-2021), résistant et homme politique français, ministre des Postes et Télécommunications de 1972 à 1974. France, années 1970.
Crédit photo : Jacques Cuinières / Roger-Viollet
Il arrive par ailleurs que certaines dénominations s’effectuent sur des portions de voie, sans que la dénomination ne disparaisse. Trois exemples récents :
  • En 2011, une portion de la rue Sébastien Bottin (7e) a pris le nom de rue Gaston Gallimard, car l'histoire de cette rue est attachée à celle des Éditions Gallimard.
  • En 2021, dans les 7e et 15e arrondissements, une portion du quai Branly a pris le nom de quai Jacques Chirac afin de rendre hommage à l'ancien président de la République et ancien maire de la capitale, devant le musée du quai Branly-Jacques Chirac.
  • En 2023, une portion du quai Anatole France et de la place Henry de Montherlant (7e), longeant le musée d'Orsay, a pris le nom de quai Valéry Giscard d’Estaing pour honorer la mémoire de l’ancien président de la République qui a souhaité préserver l’ancienne gare d’Orsay et la transformer en musée du XIXe siècle.

Paris accompagne les habitants

Sur ses 542 mètres de long, l’avenue Bugeaud héberge un grand nombre de Parisiens – Joséphine Baker et Serge Gainsbourg y ont même habité un temps – et deux ambassades, dont la nouvelle adresse sera, courant 2024, avenue Hubert Germain. Pas de panique, la Ville a prévu un accompagnement pour aider les riverains à adopter ces nouvelles coordonnées.
Le lien sera ainsi fait avec la Poste pour mettre en place un double adressage pendant plusieurs mois. Quant aux services de secours (Pompiers, préfecture de police…), ils sont bien évidemment prévenus.
Pour tout ce qui concerne les papiers d’identité, la carte grise et les divers opérateurs, le changement de nom de rue équivaut à un déménagement.
En temps voulu, les résidents de l’avenue devront signaler à leurs interlocuteurs les modifications à apporter, sur www.service-public.fr notamment. Ces démarches sont gratuites.
En outre, il arrive que les rues débaptisées portent la mention « anciennement avenue XXX » sur les plaques. C’est ainsi le cas dans le 16e, rue du Pasteur Marc Boegner (une dénomination datant de 1980) qui porte encore une plaque « anciennement rue Cortambert ».
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