On a coutume de l’appeler Barbe-Bleue. En réalité, la pièce mythique créée en 1977 par Pina Bausch (1940-2009) s’intitule Blaubart. Beim Anhören einer Tonbandaufnahme von Béla Bartóks Oper „Herzog Blaubarts Burg“.
Long mais précis. C’est en rembobinant furieusement la bande-son d’un magnétophone qui diffuse l’opéra de Bartók que Barbe-Bleue enclenche son désir à volonté et se jette sur sa proie féminine qui lui tend les bras. Cet élan vorace, sauvage, sans cesse reconduit, marque d’un coup de tampon profond ce spectacle ourlé d’effroi. Les étreintes entre les hommes et les femmes qu’elles soient debout, assises ou allongées, explosent de violence, vrillées dans un engrenage mortel. La douloureuse obsession de la chorégraphe à jeter le couple dans le même cercle dévastateur de pulsions prend ici un ton terrifiant. Pendant que des guirlandes de femmes et d’hommes de dos et la nuque ployée défilent, la fatalité emporte cette lecture sidérante du conte de Perrault. Les feuilles mortes de la scénographie imaginée par Rolf Borzik (1944-1980) crissent, un chef-d’oeuvre se dresse devant nos yeux.