Focus

Juliette Gréco a désormais sa place à Paris

Mise à jour le 05/10/2021
Place Juliette Gréco
Juliette Gréco s'est éteinte le 23 septembre 2020, à l'âge de 93 ans. Le destin de l'inoubliable interprète de « Sous le ciel de Paris » est indissociable de la capitale. Née à Montpellier, elle disait de Paris qu'elle « l'avait mise au monde ». Un an plus tard, Paris lui rend hommage à travers l'inauguration d'une place à son nom, dans le 6e arrondissement.
Inauguration
En l'honneur de l'artiste, une place porte désormais son nom dans le 6e arrondissement. Située à l'angle des rues de l'Abbaye et Bonaparte, la place a été inaugurée le jeudi 23 septembre 2021.
L'histoire de Juliette Gréco avec la capitale se noue dans la douleur, au cœur de la tragédie de la Seconde Guerre mondiale. Née à Montpellier, Juliette est scolarisée avec sa sœur Charlotte à Montauban, où leur mère résistante participe à une filière d'évasion vers l'Espagne et Gibraltar. Cette dernière est arrêtée en 1943, et les deux sœurs doivent s'enfuir par le premier train pour Paris, sans se douter qu'elles sont suivies par un des agents de la Gestapo de Périgueux.
Elles sont brutalement capturées cinq jours plus tard place de la Madeleine et emmenées au siège de la Gestapo, au 80, avenue Foch. Charlotte y est torturée, et Juliette violemment battue, avant qu'elles ne soient toutes les deux emprisonnées à la maison d'arrêt de Fresnes. Tandis que sa mère et sa sœur ainée sont déportées à Ravensbrück, Juliette est libérée en raison de son jeune âge.
Elle se retrouve alors seule et sans ressources sur l'avenue Foch, avec un ticket de métro pour seule richesse, et se rend chez la seule personne de sa connaissance résidant dans la capitale, Hélène Duc, qui a été sa professeure de français, et dont la mère réside près de l'église Saint-Sulpice. L'adolescente y est logée, et est contrainte de s'habiller avec les vêtements des garçons de la maison, inventant malgré elle, au jour le jour, un style que certains qualifieront plus tard de « style Saint-Germain »…

La muse de Saint-Germain-des-Prés

C'est en effet à deux pas de l'église Saint-Sulpice que se trouve le quartier Saint-Germain-des-Prés, où Juliette découvre, à partir de 1945, le bouillonnement intellectuel de la rive gauche, ainsi que l'engagement politique à travers les Jeunesses communistes. Elle noue des relations amicales avec de jeunes artistes et intellectuel·le·s du quartier, notamment Boris Vian et Jean-Paul Sartre, qui lui permet de s'installer à l'Hôtel La Louisiane où il réside. Hasard de l'existence, c'est là qu'elle rencontrera en 1949 un autre locataire célèbre, celui de la chambre 76 : le trompettiste Miles Davis, avec qui elle vivra une histoire d'amour passionnée.
Dans l'un des établissements de la rue Dauphine, le Tabou, elle découvre par hasard une grande cave voûtée inutilisée que le patron appelle « le tunnel ». Juliette et ses amis trouvent l'endroit idéal pour y faire de la musique et danser tout en discutant de philosophie, et il suffira d'une semaine pour que les curieux affluent pour observer cette étrange faune dont les membres se qualifient « d'existentialistes ».
Juliette, qui est déjà la muse de Saint-Germain-des-Prés sans aucune œuvre à son crédit, décide alors de justifier sa célébrité en optant pour la chanson. C'est ainsi qu'elle interprète son premier titre, Rue des Blancs-Manteaux, né de la plume de Sartre et du compositeur Joseph Kosma.

Une icône parisienne déploie ses ailes

Au début des années 1950, Gréco dispose déjà d'un riche répertoire. Elle décroche le prix Sacem en 1951 pour Je hais les dimanches, part en tournée au Brésil en 1952, fait son Olympia en 1954, joue à New York… et multiplie aussi les rôles au cinéma avec des cinéastes aussi prestigieux que Jean-Pierre Melville, John Huston ou encore Jean Renoir. De figure incontournable de la chanson parisienne, son succès dépasse désormais les frontières de la capitale pour se faire international. Ce n'est qu'au début des années 1960 qu'elle se consacre entièrement à la chanson, pour ne plus jamais la quitter, et la belle histoire de Gréco avec la capitale se poursuit.
En 1965, elle se produit gratuitement dans les maisons des jeunes et de la culture de la banlieue parisienne, devant un public constitué d'étudiants et d'ouvriers, et joue en 1966 au Théâtre national populaire, aujourd'hui appelé Palais de Chaillot, aux côtés de Georges Brassens. En 1968, elle inaugure la formule des concerts de 18 h 30 au Théâtre de la Ville. Elle y interprète l'une de ses plus célèbres chansons, Déshabillez-moi.

Abd Al Malik, Benjamin Biolay, Olivia Ruiz…

Après de nombreuses années jalonnées de succès et de tournées internationales, elle retrouve l'Olympia en 1993, puis donne un récital au théâtre de l'Odéon à Paris en 1999. Durant les années 2000, à la faveur d'hommages à sa prestigieuse carrière et de collaborations avec de jeunes artistes (Abd Al Malik, Benjamin Biolay, Olivia Ruiz…), Juliette Gréco est régulièrement sur le devant de la scène française, et joue à de nombreuses reprises dans les salles parisiennes qu'elles a enchantées par le passé. Lors de sa tournée d'adieux en 2015, intitulée Merci, elle se produit pour la dernière fois au Châtelet, au théâtre des Champs-Élysées et à La Cigale.
Le 6 février 2016, elle donne deux derniers concerts exceptionnels dans la capitale, l'un au musée du Louvre devant la sculpture de la Victoire de Samothrace, puis un autre le 7 février, jour de ses 89 ans, au Théâtre de la Ville de Paris, celui-là même… qu'elle avait inauguré en 1968.

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