Cette sélection de photographies est extraite de la série Les années sauvages : Pictures from My Past et A Bunch of Skate friends 1996 - 2006.
Au milieu des années 90, je n’avais pas d’argent. Je veux dire pas d’argent du tout. Je faisais des photos de skate pour différents magazines qui payaient à peine les développements et les frais de voyage. Quand nous n’étions pas à Paris à skater, chiller sur le spot, ou faire la fête en matant des vidéos dans les endroits minuscules où nous vivions, nous nous retrouvions pour des roadtrips mémorables, presque toujours « à l’arrache ». Pour ne pas nous les faire voler, nous dormions souvent sur nos sacs dans lesquels se trouvaient flashs, appareils, câbles, pellicules, walkman, K7, quelques livres, trois ou quatre tee-shirts, un ou deux slips, parfois une brosse à dents, et plus rarement une serviette et du savon. Nous n’étions pas très nombreux et nous nous reconnaissions encore dans la rue à l’usure de nos chaussures, surtout le pied du Ollie. Et puis le skate est devenu un marché comme un autre, avec ses marques, ses modes, ses codes, et une certaine fermeture d’esprit.
Je suis parti ailleurs, mais j’ai continué de photographier mes amis, de faire du skate. La majorité de ces photos ont été prises entre 1995 et 1998, certaines ont été perdues lors d’un dégât des eaux, ne laissant que quelques portraits en marge de photos de skateboard plus classiques. Aujourd’hui, comme la plupart des photographes de skate de cette époque, je regrette de ne pas avoir plus « tourné la caméra dans l’autre sens », ce qui, sans doute, donne encore plus de valeur à ce moment dans le moment, ou ce qu’il en reste. Ces photos sont dédiées à mes amis et à tous ceux qui figurent sur ces images.
Artus de Lavilléon, mai 2023
Auteur du manifeste de l’art posthume (2004), connu pour ses dessins noirs et blancs et ses collaborations avec les magazines et marques,
Artus de Lavilléon a également réalisé de nombreuses expositions, installations, performances, pièces de théâtre, documentaires, et participé à la fondation de lieux (L’épicerie, Nim, L’APA) et magazines liés au skateboard, à la mode, ou à l’art.