Klonaris/Thomadaki, « J'accède à l'Ange par ton extase »

Depuis les années 1970, les cinéastes et artistes Maria Klonaris et Katerina Thomadaki n’ont cessé de tracer des chemins inexplorés et d’affirmer leurs dissidences. Hybrides et protéiformes, leurs œuvres défont les frontières établies entre les médiums artistiques, les cultures et les champs des savoirs. Dès le départ, elles ont revendiqué un statut de « double auteure femme » et affirmé à travers leur « cinéma corporel » une « féminité radicale » capable de « déchirer tout ce qui pèse sur elle et la contraint », à commencer par l’opposition binaire entre masculin et féminin. Par la suite, elles ont développé d’importants cycles d’œuvres inspirés par d’autres « corps dissidents » comme ceux de l’Hermaphrodite (1982-90), de l’ « Ange » intersexe (1985-à aujourd’hui) ou des Jumeaux fusionnés (1995-2000). Révélant en chacune de ces figures son pouvoir de transgression des normes symboliques mais aussi biologiques et anatomiques, elles ont très tôt dénoncé l’idéologie de la « nature » comme un ordre figé, anticipant les débats et théories actuels sur le genre et la matérialité des corps.

Aujourd’hui, à Bétonsalon, dix ans après la disparition de Maria Klonaris, Katerina Thomadaki revisite et prolonge le Cycle de l’Ange, inauguré en 1985 et poursuivi pendant quatre décennies. Ce vaste ensemble d’œuvres dans une diversité de médias — photographie, vidéo, son, texte, performance, installation — prend comme point de départ la photographie médicale d’une personne intersexe qu’elles associent à l’imaginaire de l’ange, faisant de iel « le messager de l’effondrement des limites des sexes ».