Rien que sa carrière est une tristesse. Langdon est le fils d'un officier de l'Armée du Salut, il monte sur les planches à dix ans, à la fin du 19ème siècle, et tourne dans les cirques ambulants, les spectacles de vaudeville, les « medicine shows » où des charlatans vendent des potions miracle, comme dans les westerns. Sa maigre gloire, il la doit à un sketch, « Johnny's new car », grâce auquel il vivote des années. Il commence le cinéma en 1923, plait à Mack Sennett, l'empereur du cinéma comique, tient la vedette de quelques courts métrages et fonde sa propre maison de production. Son premier long métrage,
Tramp Tramp Tramp (1926, avec Joan Crawford en vedette féminine), écrit par un jeune gagman nommé Frank Capra, est un succès, confirmé par les deux films suivants réalisés par le même Capra,
The Strong Man (1926) et
Long Pants (1927). Langdon est alors l'égal des plus grandes vedettes, Chaplin, Lloyd, Keaton. Il touche $ 7 500 par semaine, c'est-à-dire une fortune. Tout cela dure deux, trois ans tout au plus. On a dit que son désir d'indépendance, son ambition toute neuve, lui ont été fatale. Le premier film qu'il tourne dans son coin,
Three's a Crowd (1927), est un échec commercial. C'est pourtant un film étonnant, les dernières bobines sont magnifiques. Mais c'est fini, Langdon est fini, à peine arrivé il est fini, il n'intéresse plus personne, il ne sait pas réaliser un film de toute façon : Capra, viré du plateau sur le tournage de
Long Pants, que Langdon achève seul, dira que le petit comique de l'Iowa, qui évidemment lui devait tout, avait pris la grosse tête, qu'il n'avait même pas compris et donc su exploiter ce qu'il y avait de drôle chez lui, qu'il ne connaissait rien à la mise en scène, etc. Le parlant arrive, Harry n'est pas drôle quand il parle, il traine dans des deux bobines, retrouve un peu de travail grâce à Laurel & Hardy dont il fut le coscénariste et se trouve même partenaire à l'écran du seul Oliver Hardy dans
Zenobia (1938). Trop tard, l'âge d'or est terminé depuis longtemps, et Harry Langdon meurt comme il a le plus fait rire : en silence.