Bien que le cinéma soit né muet, le spectacle cinématographique n’en était pas moins musical. Dans les fêtes foraines, la musique attire le chaland, musiciens et bonimenteurs rythment le spectacle, les numéros de music-hall cèdent un peu de place aux projections, des sonorisations sur disques ou cylindres sont expérimentées, et la musique, sous la forme du simple piano ou d’un orchestre, entre de plain-pied dans la salle de cinéma. Elle s’impose pour figurer ou réhausser les intentions dramatiques des œuvres. Elle s’harmonise aux images et restitue leur présence puisque, comme l’écrivait Siegfried Kracauer, la musique « affirme et justifie le silence au lieu d’y mettre fin ».
Si l’accompagnement musical au cinéma adapte généralement des partitions préexistantes, nombreux sont ceux qui, comme Ricciotto Canudo présumant de l’apparition d’un véritable « Drame Musical de l’Écran », se réjouissent des collaborations artistiques qui naissent entre cinéastes et compositeurs.
Ce cycle met à l’honneur différentes collaborations et permet également d’explorer de nouvelles approches d'œuvres comme
L’Inhumaine de Marcel L’Herbier, le
Ballet mécanique de Fernand Léger et Dudley Murphy, avec la collaboration de Man Ray, ou
Entr’acte de René Clair.
Hormis la présentation des films avec ces musiques enregistrées pour les besoins des restaurations, les ciné-concerts tiennent le haut de l’affiche dans ce programme. Les élèves issus de la classe d’improvisation de Jean-François Zygel peuvent s’emparer à leur guise des partitions et proposer leur propre interprétation au piano de l’œuvre musicale sur des films comme
Salammbô de Pierre Marodon (1924) ou
La Dixième symphonie d'Abel Gance (1918).
Il n’est d’ailleurs pas anodin que le cinéma s’inspire de la vie de musiciens, chanteurs, cantatrices ou danseuses plus ou moins célèbres ou maudits, autant que des musiques du monde, pour conduire ses récits. La musique exprime et suscite les sentiments, produit parfois des effets apaisants ou thérapeutiques comme les accords du
Quinzième prélude de Chopin dans le film de Viatcheslav Tourjansky (1922) ou dans
Gunnar Hedes saga (Le Vieux manoir, 1923) de Mauritz Stiller.
Enfin, nous entendrons la voix d’Al Jolson dans
The Jazz Singer d’Alan Crosland (1927) et poursuivrons cette petite incursion dans le cinéma sonore avec cinq comédies musicales de genres divers.