Dans le cadre du festival L'Automne de la science, le sociologue Arnaud Saint-Martin reviendra sur l'envers du décors de la course à l'espace
Apollo, Ariane, Artemis… les programmes
spatiaux se présentent à nous comme les épisodes d’une glorieuse épopée.
Les motifs ont varié, flattant l’élan pionnier, la science, la quête de
ressources nouvelles et plus récemment d’une hypothétique « planète
B », mais le script est resté le même : en se projetant dans l’espace,
l’humanité accomplit sa destinée.
Les archives de la conquête spatiale contredisent pourtant cette
fable. Loin du rêve humaniste, ses objectifs sont avant tout militaires,
dès les premières expérimentations des ingénieurs nazis bientôt
reconvertis dans l’aérospatiale aux États-Unis pour mener de front la
course à la Lune, aux satellites et aux missiles. Dans le sillage des space enthusiasts
au sein des gouvernements et des armées, une puissante industrie s’est
développée, surfant sur le marché des télécommunications et de la
surveillance, spéculant sur les projets d’expansion cosmique les plus
farfelus. Cet « astrocapitalisme » se caractérise aujourd’hui par une
fuite en avant destructrice : tandis que les puissances spatiales et les
milliardaires du New Space visent la Lune et Mars, débris et pollutions s’accumulent au sol et dans le ciel.
Si l’enchantement perdure, c’est qu’une vaste conquête des esprits
est à l’œuvre, dont on verra que l’héroïsation des astronautes – hier
intrépides aventuriers, aujourd’hui scientifiques éclairés – n’est
qu’une dimension parmi les plus durables. Il existe pourtant d’autres
usages de l’espace, ni guerriers ni marchands, plus contemplatifs et
plus soutenables, qui offrent une voie alternative vers les étoiles.
Arnaud Saint-Martin est sociologue, chargé de recherche au CNRS. Ses
recherches alternent entre l’histoire des sciences et techniques,
notamment astronomiques, et l’étude des transformations de
l’astronautique, de la guerre froide à l’avènement du « New Space ».