Exposition de photographies, estampes, cyanotypes, dessins et films au programme !
LANDSCAPE GAME
Jouer avec le paysage
Le voyage
dans un pays comme l’Islande représente une aventure sensorielle et
émotionnelle. On est transporté dans un espace insolite, plongé dans un climat
austère où l’été n’est qu’un rêve, où le rythme du jour et de la nuit bouscule
les repères temporels. On découvre des paysages qui nous dépaysent, qui nous
dépassent par leur ampleur. Et cet exotisme nordique nous propulse dans une
sorte d’exaltation.
Ayant elle-même vécu cette aventure il y a quelques années, Guillemette
Chénieux réunit pour cette exposition dans sa galerie du Coin de Ciel, trois
artistes qui, chacun à sa manière, rendent compte de cette expérience puissante
et font partager leur jeu du paysage.
Les photographies de Christophe Gibourg sont comme le premier coup d’oeil qu’on
jetterait sur ces espaces en ouvrant soudainement vers l’extérieur la porte
d’une pièce obscure – camera oscura. Regard innocent, dépourvu de toute attente
et de tout préjugé, mais en même temps vision primordiale qui fixe l’essentiel.
Mais pour rendre compte de ce moment de virginité de l’oeil il joue de
l’artifice de cadrages, de filtres et de retouches. Les images qu’il nous
montre ne sont pas les « belles images » convenues qu’on rapporte de voyage.
Elles ne sont pas non plus empreintes de la nostalgie du « ça a été » qui
caractérise pour Roland Barthes toute photographie. Elles sont le témoignage
d’une re-création de ces espaces sur laquelle peut se construire la vision du
spectateur.
Stéphanie Rivray ne se contente pas de fixer les souvenirs de paysages, en
touriste qui dessinerait « sur le motif ». C’est en magicienne qu’elle rejoue
les visions prodigieuses de son voyage. De retour dans son atelier parisien,
elle restitue après coup l’émotion des nuages, des laves et des herbes battues
par les vents, en usant de monotypes – impressions sur le papier de dessins
fait à l’encre sur une plaque de plexiglas – ou bien de cyanotypes – sortes
d’ombres chinoises bleues révélées par des substances douteuses
d’empoisonneuse. On ne sait plus s’il s’agit d’un voyage ou d’une
fantasmagorie, d’un sort qu’elle nous aurait jeté. Elle triche au jeu du
paysage et c’est ainsi qu’il est plus vrai que vrai.
Ivan
Toulouse ne prend pas de photos, il explore les paysages en les dessinant.
Comme un aveugle qui se mettrait à voir, le croquis est pour lui une conquête
de la vision. Il est le signal de l'expérience vécue. Il est action,
jubilation, désir. Dans la durée de sa production et le travail de mémoire vive
qu'il implique (du motif au support et du regard à la main), l'exercice
graphique est un émerveillement. Mais le carnet est intimiste. Alors,
restituant la dimension spectaculaire des grands espaces, ceux de l'Ouest
américain ou de l'Islande, projeté sur écran, le dessin est amplifié – et le
mot de projection prend ici tout son sens –, sonorisé aussi par des
enregistrements pris sur place. Tout cela joue des petits films, tournés sans
caméra, dans lesquels le spectateur se trouve immergé.
Ernst
Waffner – Octobre 2024