En écho à l’exposition « Ler dla canpane » présentée lors de la réouverture de la Fondation à Paris en 2019, la présente exposition pourrait s’intituler « Ler dla ville » : après le paysage dressé à la vertical, peuplé d’arbres, de vaches et de cyclistes, c’est au tour des « Marionnettes de la ville » (par opposition aux « Marionnettes de la campagne ») de peupler les œuvres de Jean Dubuffet.
Dès les années 1940, Dubuffet multiplie les vues de son quartier, représentant les passants de la place de L’Estrapade, située à deux pas de son atelier, rue Lhomond dans le Vième arrondissement de Paris. Tous les éléments du paysage urbain qui traverseront son œuvre sont déjà présents à cette période : immeubles, enseignes de commerces, transports publics et automobiles, passants dont certains se soulageant le long des murs couverts de graffiti comme dans les lithographies des Murs.
Dubuffet anticipe de vingt ans les rues bariolées et folles de sa série Paris Circus. La ville moderne et son agitation offrent un grouillement permanent. La récente frénésie consommatrice des parisiens intéresse également Dubuffet qui se déplace pour croquer les étalages des grands magasins comme les Galeries Lafayette ou Le Bon Marché. Il étudie également les dineurs du restaurant Rougeot, bouillon Chartier, toujours situé au 59 boulevard du Montparnasse, à quelques pas de son domicile rue de Vaugirard.
Avec le cycle de L’Hourloupe (1962-1974) et ses Édifices, il ne s ’agit plus de représenter la ville et ses rues mais de les habiter. Projeter le spectateur dans l’image, créer un paysage mental dans le réel : après avoir dessiné la ville, Dubuffet la construit. Apparaissent des morceaux de mur incurvés et tout distordus percés d'ouvertures baptisés Éléments d'architecture contorsionniste. Pièces de construction hybrides, entre paysage et architecture, que Dubuffet combine pour former des rues, des quartiers, une ville… mais une ville de fantasmes, tout en façades, traitée comme un décor de théâtre.
Avec la fin de L’Hourloupe, et le retour au dessin et à la peinture, l’espace urbain redevient la scène d’une circulation dense, traversée par quelques automobiles, mais dont les piétons sont les acteurs principaux. Ainsi dans la série des Partitions (1980-1981), les immeubles sont de nouveau relégués au dernier plan, pour laisser la priorité aux passants qui envahissent la toile. Personnages hiératiques, aux dimensions parfois imposantes, qui déambulent et se côtoient, tout en étant enfermés dans une bulle, en solitaire ou par petit groupe.
À l’opposé de la « campagne tranquille » la ville et son agitation constante offrent un spectacle sans fin et discontinu, dont les protagonistes, agités tels des marionnettes, viennent peupler une inédite « Cité Fantoche ».