« En attendant Godot » est sans doute l’œuvre la
plus célèbre de Samuel Beckett. Et si vous ne connaissez pas son travail, il
est bien d’en lire un bref résumé avant de l’aborder : on ne lit pas et on
ne va pas voir du Beckett comme on irait voir le dernier Spielberg…
Si d’aucuns décrivent le scénariste et écrivain irlandais
comme une des figures emblématiques du théâtre de l’absurde, lui s’en
défendait. C’est pourtant bien dans ce courant que se glisse « En
attendant Godot », qu’Alain Françon a mis en scène de sorte qu’elle reste
très abordable pour le grand public. Même si chacun mettra ce qu’il voudra
derrière la qualification « d’absurde ».
Sur les planches de la Scala, un arbre sans feuille, un bout
de rocher, un sol gris, des costumes gris, et une grande toile de fond qui
pourrait symboliser aussi bien un ciel qu’une montagne. Dans ce paysage aride,
presque lunaire, dans lequel s’immiscent quelques furtives mais intenses
couleurs bien à-propos, les deux personnages principaux, Vladimir et Estragon,
attendent un certain Godot dont on ne sait rien. On attend Godot, et on ne sait
pas vraiment pourquoi. Et Godot ne vient pas.
Une attente qui donne lieu à des punchlines drolatiques,
philosophiques, parfois les deux, captivantes pour un spectateur déjà hypnotisé
par une mise en scène humaine et un rythme très enlevé, dont on n’a pas l’habitude
chez Beckett. Le travail de Françon a ceci d’exceptionnel qu’il teinte l’ensemble
d’espoir et d’humanité, personnifiés par nos deux protagonistes dont la
profonde affection l’un pour l’autre transparaît au fur et à mesure de la pièce. Et comment ne pas mentionner les incroyables performances d'acteurs, notamment l'exceptionnelle tirade de « l'esclave » (il n'en a qu'une seule), un moment de théâtre remarquable qui reste gravé dans les esprits.
Incontournable pour qui veut s’initier à du Beckett et/ou du
Françon. Indispensable pour tous les autres.