Pour la première fois dans la littérature
occidentale, la parole est donnée à une personne de couleur. D’après une
nouvelle injustement oubliée de Claire de Duras, parue en 1824, le spectacle
retrace, par le biais d’une poignante confession intime, l’histoire vraie d’une
jeune sénégalaise, exclue par la société aristocratique de l’époque, au sein de
laquelle elle a, pourtant, reçu la meilleure éducation. Sauvée, à l'âge de deux
ans de l'esclavage, par le chevalier De Boufflers, et offerte, peu de temps
avant la Révolution, à Mme de Beauvau, qui l'élève dans son salon
aristocratique de l'hôtel de Beauvau avec son propre petit-fils, Ourika
connaît, en effet, une enfance heureuse et reçoit une éducation raffinée,
jusqu'à ce qu'elle découvre sa différence et comprenne que tout avenir, même en
cette fin du Siècle des Lumières, lui est interdit à cause de la couleur de sa
peau.
Destin tragique faisant étonnamment écho à la
violence de toutes les exclusions qui, aujourd’hui, nous questionnent
quotidiennement. La narration de cette histoire réelle sous forme d’une longue
confession, d’une facture très classique, confère à ce premier roman magistral
de Madame De Duras une étonnante modernité quand il paraît en 1824. D’autant
qu’écrit sur un mode mineur qui le rend d’autant plus percutant, il aborde de
front la question, déjà vive, de l’exclusion raciale. Goethe, dit-on, a pleuré
en le lisant, Christine Angot en a parlé à la radio comme d’un chef d’œuvre
absolu de la littérature française.
Ce spectacle s’inscrit dans le cadre de la
manifestation « Ourika d’hier à aujourd’hui » organisée par l’Association
Mélane à l’occasion du Mois des mémoires de l’esclavage. Cette manifestation
s’articule autour de représentations de la pièce « Ourika » et d’un cycle de
lectures d’œuvres littéraires d’auteurs contemporains ("Poisson d'or"
de JMG Le Clézio, "Trois femmes puissantes" de Marie Ndiaye,
"Nickel Boys" de Colson Whitehead, et "La porte du chemin sans
retour" de David Diop) sur le thème de l’exil, du racisme et de
l’exclusion. Chaque représentation d’Ourika suit ou précède une lecture d’une
des œuvres citées (extraits choisis – 50mn).