La mixité sociale dans les écoles et collèges parisiens

Service

Mise à jour le 17/10/2022

Collégiens devant le collège Pierre Mendès France (20e)
Paris est historiquement l'une des académies les plus ségréguées de France. La Ville de Paris a lancé en 2018 l’Observatoire parisien de la mixité sociale et de la réussite éducative (OPMIRE) pour aider à comprendre les mécanismes de ségrégation sociale et scolaire et proposer des solutions favorisant une plus grande mixité.

Mixité sociale et réussite éducative :
de quoi parle-t-on ?

La mixité sociale fait référence à la cohabitation au sein d'un même espace (tel que l'école), d'individus issus de milieux sociaux-économiques différents. Une classe, une école ou un collège sont ainsi considérés comme mixtes si leur composition sociale est hétérogène et conforme à la composition de la population de référence, par opposition à un établissement où elle serait homogène, c'est-à-dire ségréguée, c’est-à-dire différente de la composition sociale de la même population de référence. Ainsi, il est important de noter que la ségrégation peut s’observer aussi bien dans des établissements scolaires où les élèves appartenant à des milieux défavorisés sont sur-représentés par rapport à la composition sociale du secteur de recrutement, que dans des établissements qui concentrent les élèves des catégories les plus favorisées.
La réussite éducative vise le développement de l'enfant et du jeune dans une approche globale dépassant la simple dimension scolaire, intégrant à la fois le bien-être, les compétences psychosociales et les relations sociales ainsi que la réussite académique.
Elle prend en compte tous les temps de l'enfant et du jeune et vise à leur donner les moyens pour s'intégrer pleinement dans la société. Cet objectif constitue le cœur du Projet éducatif de territoire (PEDT) mis en œuvre par la Ville de Paris en collaboration avec l’Académie, la CAF et la Préfecture.

Les effets de la mixité sociale, mythes et réalités

Quel lien entre mixité et résultats scolaires ?

Les études sur la mixité sociale révèlent que son influence directe sur les résultats scolaires est faible voire nulle. Dans le détail, on observe un effet légèrement positif pour les élèves très performants ou ceux en grande difficulté, tandis que ceux ayant des résultats plus moyens peuvent connaître un léger recul. Ces résultats montrent que la croyance d’un nivellement des résultats scolaires par le bas, largement répandue parmi les parents, n’est pas fondée.

Quel lien entre mixité sociale et cohésion sociale ?

L'évaluation indépendante de dispositifs visant à promouvoir la mixité sociale, mis en œuvre en 2016 dans 22 collèges, montre des effets significatifs sur le développement du bien-être et des compétences psychosociales de l’ensemble des élèves : « les élèves de milieu favorisé rapportent une plus grande estime de soi scolaire, un optimisme plus élevé, une meilleure qualité des relations amicales, et une attitude plus favorable vis-à-vis de la solidarité. Les élèves de milieu défavorisé rapportent également un plus grand optimisme, un meilleur climat scolaire, un plus grand sentiment de sécurité au collège, des relations amicales de meilleure qualité et une plus grande propension à coopérer ».

Quel lien entre mixité sociale et trajectoires scolaires et professionnelles ?

Par ailleurs, la mixité sociale a également un effet très positif sur la réduction des inégalités, en contribuant à élargir les horizons de choix des élèves issus de milieux défavorisés et favoriser une plus grande diversité de parcours d’études supérieures et de trajectoires professionnelles, permettant de les diriger vers des emplois à la rémunération plus attractive.

Un observatoire pour comprendre et lutter contre les phénomènes de ségrégation

Pourquoi un Observatoire parisien de la mixité sociale et de la réussite éducative (OPMIRE) ?

La création par la Ville de Paris, en collaboration avec l’Académie, de l'Observatoire parisien de la mixité sociale et de la réussite éducative découle de deux constats majeurs :
  1. La ségrégation sociale existant au sein des établissements scolaires parisiens
  2. La forte corrélation entre les résultats scolaires et l’origine sociale des élèves
La ségrégation sociale scolaire s’explique en grande partie par la spécificité de l’offre scolaire privée parisienne qui accueille une proportion toujours croissante des enfants et des jeunes scolarisés à Paris. À la rentrée 2024, 37,6 % des collégiens étaient scolarisés dans des établissements privés, qui accueillaient huit fois moins d’élèves issus de milieux sociaux défavorisés que leurs homologues publics.
À la rentrée 2024, 24% des collégiens du public provenaient de milieux sociaux défavorisés contre seulement 3% des collégiens du privé.
Au niveau national, 10 % des collèges accueillent moins de 15 % d’élèves issus de milieux défavorisés tandis que 10 % accueillent plus de 63 % d’élèves issus de ces mêmes milieux. Cette très forte polarisation sociale s’accompagne d’un important déterminisme sur les performances scolaires des élèves.
L’enquête PISA pointe régulièrement la France comme l’un des pays de l’OCDE où le poids de l’origine sociale sur les performances scolaires est le plus fort.
Dans ce contexte, l’axe de recherche sur la concurrence des offres publique et privée est une priorité de l’OPMIRE (voir ci-dessous l'analyse de l’origine sociale des collégiens).
Mais d’autres facteurs contribuent également à cette situation :
  • La ségrégation résidentielle, à savoir la concentration de populations défavorisées ou favorisées dans certains quartiers, que la sectorisation scolaire peut difficilement réguler dans les quartiers les plus ségrégués.
    Pour en savoir plus : Note de l'Atelier parisien d'urbanisme, Apur, sur la Mixité sociale et la ségrégation dans la Métropole du Grand Paris
  • L'évitement de certaines écoles et collèges publics, à travers des dérogations ou le recours à des cursus spécifiques en langues ou des disciplines sportives et artistiques.

L’analyse du poids du privé et de l’origine sociale des collégiens

L’enseignement public face à l’attractivité du privé parisien
L'Académie de Paris figure parmi les académies les plus touchées par la ségrégation en France, en raison de la ségrégation résidentielle et de l'attrait de l'enseignement privé. L'OPMIRE en fait un axe prioritaire de son travail, mettant l'accent sur les déterminants du choix des familles à travers notamment les représentations et les stratégies qui en découlent.
L’augmentation de la proportion d’enfants et de jeunes scolarisés dans le privé
La part de l'enseignement privé à Paris, en constante augmentation ces dernières années, s'explique principalement par la baisse démographique observée depuis environ quinze ans. Cette diminution est entièrement supportée par l'enseignement public, tandis que le secteur privé continue de maintenir son nombre d'élèves. Selon les projections démographiques, sans changement significatif de dynamique, la part de l'enseignement privé dans les collèges parisiens pourrait atteindre 50 % dans dix ans, accueillant la grande majorité des jeunes issus de milieux favorisés.
Une différenciation sociale importante entre établissements publics et privés
À la rentrée 2024, 37,6 % des collégiens parisiens étaient inscrits dans des établissements privés, un chiffre qui grimpe à 50 % pour les milieux sociaux les plus favorisés. Cet écart, qui témoigne d’un phénomène d’évitement, soulève des enjeux majeurs de mixité sociale, d'autant que les établissements privés ne communiquent pas sur leurs critères de recrutement. Par exemple, dans les collèges privés parisiens, 77 % des élèves sont issus des milieux très favorisés, contre seulement 3 % des milieux défavorisés.
Ces disparités entre les secteurs public et privé sont également visibles à travers l’Indice de Position Sociale (IPS), un indicateur statistique de l'Éducation nationale qui évalue la composition sociale des écoles et collèges à l'échelle nationale, à manier avec prudence dans le contexte parisien où de nombreuses spécificités (très forte hétérogénéité sociale, concentration de familles en situation de grande exclusion, … ) influent sur le poids des origines sociales.
En 2024 à Paris, où l’IPS des collèges publics et privés varie de 72 à 162, la moitié des collèges privés avaient un IPS supérieur à 148, contre 117 pour les collèges publics, avec près de 70% des collèges privés à l’IPS supérieur à 140, contre moins de 10% des collèges publics.
Pour en savoir plus
L’OPMIRE poursuit 3 missions principales :
- Quantifier le phénomène de ségrégation sociale et scolaire et améliorer la compréhension de cette réalité, tant entre établissements qu'en leur sein.
-Proposer des solutions pour favoriser davantage de mixité dans les établissements scolaires parisiens.
- Accompagner les initiatives telles que la mise en place des secteurs multi-collèges, le renforcement et la modulation des dotations pédagogique en fonction de critères sociaux et scolaires, le développement des passerelles éducatives, l’accompagnement des refontes de sectorisation.
Le programme de travail 2025
L’attractivité des écoles publiques face au privé concurrentiel
- Thèse de doctorat sur les motivations des familles dans leurs choix scolaires
- Étude sur le recours au privé dans le premier degré
- Bilan de l’éducation prioritaire 2015-2022
La continuité et la fluidité des parcours éducatifs
- Thèse de doctorat sur le processus de sectorisation (en cours d’achèvement)
- Évaluation des passerelles éducatives
- Évaluation de l’impact des refontes de sectorisation
Le rôle et la place des familles
- Accompagnement des équipes éducatives pour faire participer les familles à l’évaluation des actions
- Élaboration d’un programme d’interventions auprès des famille
L'équipe de l’OPMIRE
L’OPMIRE est composé d’un responsable (Guillaume Huet), d’un bureau d’études comptant deux démographes (Julie Vitrac et Inès Dapra) et deux cartographes-géomaticiennes (Zoé Boularan et Manon Despaux) et d’une doctorante en convention CIFRE (Johanna Estany)

Contact : [dasco-opmire puis paris.fr après le signe @]dasco-opmire@paris.fr[dasco-opmire puis paris.fr après le signe @]

La gouvernance de l’OPMIRE
Le comité de pilotage
Le comité de pilotage de l’OPMIRE définit le programme de travail et en suit l’avancement. Réuni annuellement, il est présidé conjointement par Patrick Bloche, premier Adjoint à la Maire de Paris en charge de l’éducation, de la petite enfance, des familles, des nouveaux apprentissages, du Conseil de Paris, des relations avec les arrondissements et de la transformation des politiques publiques, et par Julie Benetti, Rectrice de la région académique d’Île-de-France, Rectrice de l’Académie de Paris, Chancelière des universités de Paris et d’Île-de-France.
Il est composé de l’ensemble des groupes politiques du Conseil de Paris, des services de la Ville et de l’Académie, des membres du conseil scientifique (voir ci-dessous), d’un représentant de l’enseignement catholique de Paris et des fédérations parisiennes de parents d’élèves.
Le conseil scientifique
L'OPMIRE s'appuie sur un conseil scientifique composé de chercheurs et d’experts travaillant sur la ségrégation sociale et scolaire ainsi que la réussite éducative. Ce conseil a pour mission d’orienter les travaux de recherche et le programme de travail, tout en créant des liens entre la Ville et les chercheurs.
Il mutualise les données et les réflexions, et peut alerter et formuler des préconisations au comité de pilotage de l'OPMIRE.

Des actions en faveur de la mixité et la réussite éducative

Favoriser la mixité sociale au sein des établissements et structures accueillant les jeunes, de la petite enfance à l’adolescence : une priorité du Projet éducatif de territoire (PEDT) 2021-2026
Condition de la réussite de tous les enfants, l’enjeu est de mobiliser tous les leviers pour atteindre l’ objectif d’une mixité sociale accrue dans les établissements en agissant à la fois sur la sectorisation et sur l'image et l'attractivité des établissements. Cela implique de capitaliser sur les expérimentations réussies ou de déployer de nouvelles approches, tout en consolidant les dispositifs de soutien aux établissements les plus fragiles.

La sectorisation des familles dans les écoles et les collèges

La sectorisation consiste à définir une zone de recrutement propre à chaque école ou collège public. Les enfants qui résident dans cette zone ont vocation à fréquenter l’établissement correspondant.
Cette compétence relève de la Ville de Paris pour le premier degré et le second degré pour les collèges, en coordination avec les mairies d’arrondissement et les services académiques. Tout ce qui a trait à l’affectation des élèves (inscriptions, dérogations, … ) relève de la compétence de la Ville pour le premier degré et de l’Académie pour le second degré.
Chaque année, plusieurs arrondissements voient leurs secteurs de scolarisation (premier ou second degré) révisés avec divers objectifs : prendre en compte l’ouverture ou la fermeture d’une école, gérer les fluctuations des effectifs dans un ou plusieurs collèges, et améliorer la mixité sociale au sein des établissements.


Des innovations dans les refontes de sectorisation visant à renforcer la mixité ont été mises en œuvre ces dernières années dans les 12e, 14e, 15e, 17e, 18e et 20e arrondissements.
Des sectorisations en « bande », s’étendant de la périphérie vers le centre, ont été développées pour mieux répartir les jeunes domiciliés sur les boulevards des Maréchaux entre plusieurs collèges. Parallèlement, des sectorisations discontinues ont été instaurées dans des quartiers à forte ségrégation résidentielle, comme les portes, où les jeunes prennent le métro pour se rendre dans un collège plus favorisé ou plus attractif.
A travers son étude des cas du 17e et du 15e arrondissement en 2024, l’École urbaine de Sciences Po souligne la nécessité d’accompagner les refontes de sectorisation dont l’objectif est la mixité sociale. Les résultats montrent les enjeux liés à la réputation des établissements, à l'intégration des élèves nouvellement sectorisés ainsi qu'à la création d'un réseau impliquant l’ensemble de la communauté éducative autour de ces projets.
Autre innovation, la création, à la rentrée 2017, de trois « secteurs multi-collèges » (SMC) dans les 18e et 19e arrondissements, où les zones de recrutement des collèges ont été fusionnées :
  • Edouard Pailleron/Henri Bergson
  • Marie Curie/Gérard Philipe
  • Hector Berlioz/Antoine Coysevox
Les bilans effectués en 2021 par Julien Grenet et Youssef Souidi, puis en 2023 par l’OPMIRE, montrent les avancées et les axes à améliorer. La composition sociale des collèges, s'oriente vers une baisse de la ségrégation, un climat scolaire apaisé et une réduction ou une stabilisation du recours au privé.
Renforcer la formation des enseignants, augmenter les moyens pour enrichir l’offre pédagogique, amplifier la communication avec les familles et de développer les passerelles entre les écoles élémentaires et les collèges constituent des facteurs clés de réussite à développer sur l'ensemble des sites.
Pour en savoir plus

Développer les passerelles éducatives

La Ville de Paris et l'Éducation nationale collaborent sur les projets « Passerelles », aussi appelés « Liaisons », pour accompagner les enfants et les jeunes, de la petite enfance au collège. Ces initiatives, déployées dans toute la ville, facilitent les transitions entre les niveaux scolaires et agissent comme levier pour favoriser l’adaptation et les apprentissages des enfants. La continuité pédagogique qu’elles consolident constitue un atout pour l’attractivité des écoles et collèges publics parisiens.
Une étude réalisée en 2023 montre l’importance d’associer les familles à la mise en œuvre de ces passerelles afin d'en maximiser les bénéfices pour l’attractivité des établissements. Elle confirme également la nécessité de consulter les enfants et les jeunes sur leurs attentes et besoins pour ajuster les projets en conséquence. Enfin, des évaluations d’actions et des outils d’aide à la conception de projets sont développés pour poursuivre le développement de ces passerelles.

La modulation de la dotation à l’élève

Depuis la rentrée 2020, le financement des frais de fonctionnement par la ville de Paris des collèges publics et privés sous contrat par la Ville de Paris est modulé selon trois indicateurs sociaux et scolaires :
  • L’indice de position sociale (IPS) moyen de l’établissement,
  • Le taux d’élèves boursiers (tous échelons confondus),
  • La moyenne des notes obtenues aux épreuves écrites du Diplôme National du Brevet.
Cette mesure a été mise en place avec un double objectif : promouvoir l’équité et encourager les collèges parisiens à contribuer à la mixité sociale. Elle constitue ainsi une piste prometteuse pour lutter contre la ségrégation scolaire dans la capitale.
Pour en savoir plus
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