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Rencontre

« Comment donner du sens à ces missions de tranquillité publique du quotidien ? »

Mise à jour le 10/07/2019
Jacques de Maillard
A la suite d'un audit des Parisiens à l’automne 2018, la Maire de Paris a annoncé début 2019 la création prochaine du Police municipale parisienne, dont les missions de tranquillité publique et de lutte contre les incivilités seraient dévolues aux agents de la Direction de la prévention, de la sécurité et de la protection créée en 2016, à savoir les ASP, les ISVP et les AAS. Pendant un mois, trois chercheurs sont allés à la rencontre de ces agents pour mieux connaître leurs besoins et élaborer une « doctrine » afin que cette police soit la plus efficace possible.

Trois questions à…

Mathieu Zagrodzki (à gauche ci-dessous), chercheur associé au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip) et auteur de « Que fait la police ? Le rôle du policier dans la société », éditions de l'Aube, 2017
Jacques de Maillard (à droite), professeur de science politique à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), directeur-adjoint du Cesdip et auteur de « Polices comparées », éditions L.G.D.J., 2017.
Sebastian Roché (au centre), directeur de recherche au CNRS, auteur de « De la police en démocratie », Grasset, 2016.
Mathieu Zagrodzki, Jacques de Maillard et Sebastian Roché
Crédit photo : François Grunberg / Ville de Paris

Qu’est-ce que la création de cette police municipale parisienne implique pour les agents de la DPSP ?

Mathieu Zagrodzki : Jusqu’ici, la DPSP était constituée de trois grands groupes : les AAS (agents d’accueil et de surveillance) qui ont une mission de surveillance des parcs et jardins en étant visibles et de médiation, plutôt que des missions de répression ; les Agents de surveillance de Paris (ASP), plutôt positionnés sur les questions de circulation et de stationnement ; et les Inspecteurs de sécurité de la Ville de Paris (ISVP), dédiés à la sécurisation des rues et à la verbalisation des incivilités. Si les contours précis de cette police municipale parisienne sont encore à définir, l’enjeu de sa création est d’arriver à la polyvalence des équipes. Des agents, même s’ils vont garder leur spécificité, vont être amenés à intervenir sur tous types de problématiques liées à la tranquillité, à la circulation, au stationnement et à la lutte contre les incivilités.
Aujourd’hui, les ASP et les ISVP travaillent sur des territoires complètement différents. Pourquoi ne pas créer des équipes mixtes qui patrouilleraient de manière plus régulière ? En termes d’organisation, l’une des préconisations que nous avons développées est de mettre en place des circonscriptions communes à ces deux groupes d’agents.
Ensuite, si, par exemple, les ISVP sont très formés aux gestes techniques et professionnels en intervention (GTPI), les ASP ne le sont pas. Il faudrait aligner leur formation, afin que tous les agents puissent s’emparer de toutes ces problématiques.
Jacques de Maillard : Par ailleurs, il y a aussi la question de la reconnaissance de leur uniforme, et donc de leur capacité à être reconnu sur l’espace public, de leur légitimité aux yeux des Parisiens. Ce qui pose d’autres enjeux : l’écoute des Parisiens et la capacité à faire remonter leurs demandes, mais aussi la question du risque. On est certes plus reconnu, mais on devient aussi plus identifié comme « policier »… Il faut pouvoir former tous ces agents aux GTPI d’une part, et au contact avec l’usager d’autre part.

Vous avez sondé les agents de la DPSP pendant plusieurs semaines sur cette future police municipale. Quel est leur ressenti ? Se sentent-ils prêts à assurer ces nouvelles missions ?

Mathieu Zagrodzki : Nous avons rencontré plus de 150 agents sur un peu plus de trois semaines, et nous avons ressenti une forte attente de leur part vis-à-vis de la réforme. Ils avaient besoin d’être écoutés.
Chez les ASP, qui étaient jusqu’au 1er janvier 2018 sous l’autorité de la préfecture de police de Paris, le ressenti est plutôt positif, dans la mesure où ils reviennent à une « labellisation » qui leur appartenait : policier. Du côté des ISVP, il y a aussi une vision plutôt favorable. Certains agents l’attendaient depuis des années. D’autres répondent qu’ils n’ont pas signé pour ça. Enfin, il y a ceux qui sont proches de la retraite, avec un peu plus de réticences.
Ce qui est sûr, c’est que cette nouvelle police municipale ne pourra pas se construire contre les agents. Même si on crée un corps unique et polyvalent, il faut qu’il y ait des filières spécialisées pour qu’ils puissent exprimer leurs compétences et assurer les missions qui leur correspondent.
Jacques de Maillard : Pour compléter, il faut aussi préciser que ces agents ont connu des réformes successives ces dernières années. Il y a donc un sentiment paradoxal, à la fois de lassitude et d’attente. Nous préconisons donc que leurs compétences professionnelles soient valorisées, transformées en élément de formation, et qu’ils soient associés à la définition des objectifs et des indicateurs d’activité de cette future police municipale. Ils ont beaucoup à dire sur la façon dont ils voient évoluer leur métier à l’avenir. La question centrale étant : comment donner du sens à ces missions de tranquillité publique du quotidien, en allant au-delà de la seule idée de la verbalisation ?

Vous avez d’ailleurs travaillé à la question de la gouvernance et à la définition d’une doctrine propre à cette future police municipale… Pouvez-vous nous en dire plus ?

Sebastian Roché : La gouvernance est un système de principes et d’obligations qui conduisent la police municipale. Quand on crée une nouvelle police, on doit lui donner une mission, en l’occurrence, pour Paris, assurer la tranquillité de l’espace public, et on doit lui dire comment elle va garantir cette mission : c’est ce qu’on appelle la doctrine. C’est elle qui gouverne l’action des agents, la manière de réaliser les missions, et non pas juste les gestes professionnels. Rechercher la confiance, résoudre les problèmes et être accessible sont par exemple trois principes que l’on pourrait établir et qui guideraient la mise en œuvre des modes d’action.
L’ambition de la maire de Paris est de dire que les Parisiens seront la boussole de cette police municipale. Il reste à savoir quel mécanisme va permettre de consulter les Parisiens pour jauger la satisfaction des Parisiens. Et comment connaître leurs priorités ? Comment vont-ils influencer l’action de cette police ? Il faut les consulter de diverses manières. D’où l’idée de créer un Comité pour la Police municipale, organisme qui aurait une autorité de décision, de sanction et de régulation, et qui vérifierait si oui ou non les priorités des Parséisiens ont été traitées et les attentes prises en compte par la police. Ce serait une grande nouveauté qui s’inscrit dans le modèle de démocratie participative voulu par Anne Hidalgo.

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