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Rencontre

Muriel Robin, marraine du Refuge : « Être homosexuel n'est pas dur, être rejeté l'est »

Mise à jour le 08/10/2020
Muriel Robin se tient debout devant un micro avec en fond, le sigle du refuge.
Depuis dix-sept ans, Le Refuge héberge et accompagne des jeunes LGBT+ de 14 à 25 ans mis à la porte de leur domicile à cause de leur orientation sexuelle. Marraine de la fondation, la comédienne Muriel Robin se mobilise pour sensibiliser aux LGBT-phobies et à leurs conséquences dévastatrices. Entretien.

Pourquoi avez-vous décidé de vous engager auprès du Refuge ?

Pourquoi ? Parce que je déteste l'injustice. Et cela m’a paru naturel. Le hasard a fait que j’allais jouer à Montpellier et j’avais entendu parler de l’action du Refuge, j’ai voulu les rencontrer.
S’il faut le répéter encore et encore : on ne choisit pas d’être homosexuel­. C’est quelque chose qui vous arrive. Ces enfants sont rejetés par leur famille. Pourtant, quand on a quelque chose d’un peu différent des autres, on a besoin d’être encore plus entouré, plus sécurisé. Vivre ces rejets parfois très violents, de la part d'une famille entière, est inévitablement bouleversant.

Être marraine, cela permet de faire passer un message : vous n’êtes pas tout seul, vous n’avez pas à dormir en sweat-shirt, dans un parc.

Muriel Robin
Comédienne, marraine du refuge
Être marraine, cela permet de faire passer un message : vous n’êtes pas tout seul, vous n’avez pas à dormir en sweat-shirt, dans un parc. Quand on se retrouve à 15, 16, 17, 18 ou 19 ans à la rue, fille ou garçon, sans rien, c’est une injustice. Le simple fait que je sois devant eux, moi-même homosexuelle et populaire, j'apporte une réponse positive à leur problématique : on peut aussi être aimé, on y arrive. Ils ne sont pas seuls.

Avez-vous connu des situations de rejet, de violence ?

Au niveau de ma famille, pas du tout. Dans la rue, j’ai subi des agressivités, j’ai été traitée de « sale gouine ». C’est violent. C’est violent que ça devienne une insulte, alors que ce ne l'est en aucun cas. Les choses ont bougé au niveau des lois parce que la sexualité n’a pas à être une insulte.
Au niveau de ma carrière, à l'époque, faire son coming-out était préjudiciable. Mais le monde bouge. Aux États-Unis, Kristen Steward parle sans problème de son homosexualité alors que Jodie Foster l’a cachée pendant trente ans. Certains acteurs homosexuels ne le disent toujours pas, de peur pour leur carrière. Il faut essayer de ne pas être dans le mensonge, d’être soi-même. Je suis moi-même et finalement, je m'en sors pas trop mal !

Comment assumer, jeune, cette différence ?

Depuis plusieurs années, c’est moins tabou, mais il reste un boulot énorme à faire sur l’acceptation de la différence. Les coups et les insultes de la famille peuvent faire très mal. Quand on entend « Tu es une merde, tu ne vaux rien. J’ai honte ! », c'est terrible, il va falloir s’en remettre.
La fondation Le Refuge leur permet de ne pas être seuls avec cette différence. Le travail de Nicolas Nogieur et Frédéric Gal [NDLR : président et directeur général du Refuge] leur permet de se réinsérer, de retomber sur leurs pattes et aussi de se remettre de cette violence, verbale ou physique.
Tout d’un coup, ces jeunes sont dehors, sans n’avoir rien fait à personne. Pardon, mais tomber amoureux, c’est de l’ordre de la jambe cassée. On ne se dit pas « tiens je vais ressentir quelque chose pour cette personne ! » Ça arrive, ce n’est pas choisi !
On a besoin d’aide, d’amour, de mots. Le Refuge réalise ce travail qui n’est pas fait par les familles. Dans une antenne en Suisse, j’ai rencontré une maman qui n’acceptait pas du tout que son fils soit homosexuel. Ensemble, ils ont fait un travail, ils en ont parlé . Elle m’a dit : « j’allais passer à côté de tellement de choses, je suis tellement heureuse ! » Elle a appris quelque chose auquel elle n’avait pas accès, dans un premier temps.

Quel est votre message aux parents ?

Leur dire : "Attendez, l'orientation sexuelle de votre enfant vous fait peur ? C’est normal." Les parents ont le droit de penser que cela ne les arrange pas. Avant, ils le vivaient mal parce que, d’un coup, ils pensaient à leur descendance. Mais cela n’est même plus au cœur du sujet. On a beau dire, écrire tout ce que l’on veut dessus, c’est en route.

Apprendre l'homosexualité de son enfant n'est pas anodin, mais il n'y a aucune raison de condamner.

Muriel Robin
Comédienne, marraine du refuge
Les parents aussi peuvent demander à se faire aider, à mettre des mots sur la situation. Parler à quelqu’un qui n’est pas contre l'homosexualité, livre un livre, ou appeler Le Refuge pour parler, se rassurer. Ce n’est pas une nouvelle anodine, mais il n’y a aucune raison de condamner.
Pour un enfant, c’est la pire des choses d’être rejeté, pour son identité et l'estime de soi. Être homosexuel ou même transsexuel, ce n’est pas dur. C'est être rejeté qui l’est.
Je veux aussi leur assurer que le jeune n’y est pour rien. Il ne s'est pas levé le matin en se disant : « Tiens, je vais être homosexuel­, comme ça, ça va bien enquiquiner mes parents. Peut-être même qu’ils vont me rejeter. Au travail, ça va être plus compliqué. Je vais peut-être me faire taper dans la rue. » Non, non et non ! Il n’y est pour rien. Je dis alors aux parents qu'il faut accompagner, donner de l’amour, de la compréhension et de l’espace. L’amour et les mots, il n’y a que ça.

Comment cela peut se concrétiser ?

Quand on est au cœur de cette situation, il faut partir du postulat que son enfant n’y est pour rien. Il faut essayer de voir où est l’injustice, se souvenir de situation qu'on a pu vivre à notre époque, les jugements sur les choix de vie des uns et des autres, les tenues vestimentaires, d'autres combats qu'ils ont eu à mener.
En tout cas, on ne met pas dehors en plein hiver un gamin de 15 ans parce qu’il est en train de se regarder dans la glace avec une robe. On ne coupe pas un pied parce qu'il fait mal. Il faut revenir à la base : pas d'injustice, pas d’incompréhension. Et de l’amour, toujours de l'amour.
« Du rejet au refuge », une expo photo aux Halles
Jusqu'au 18 octobre, sous la Canopée des Halles, l’exposition photo « Du rejet au refuge » dévoile 17 portraits de jeunes passés par Le Refuge ces 17 dernières années. Des jeunes qui ont décidé de porter la voix des milliers de personnes victimes de LGBT-phobies chaque année juste parce qu’elles sont ce qu’elles sont. Confrontés à des situations de violences infra-familiales, parfois en lutte contre eux-mêmes, ils veulent montrer que malgré le rejet familial et/ou sociétal, on peut se reconstruire et vivre sa vie pleinement.

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