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Honoré de longue date par Paris, mort pour la France, Missak Manouchian entre au Panthéon

Mise à jour le 13/02/2024
Street art à l'effigie de Missak Manouchian, passage Surmelin.
Le 21 février prochain, quatre-vingts ans après son exécution par les nazis, le résistant arménien Missak Manouchian entre au Panthéon, accompagné de son épouse Mélinée. À travers lui, c’est à tous les résistants étrangers morts pour la Libération que la France rend hommage. Paris ne les a jamais oubliés, perpétuant le souvenir du groupe Manouchian via des appellations de rues, places, squares…

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.

Ainsi se conclut le célèbre poème L’Affiche rouge composé par Louis Aragon en 1955, et chanté par Léo Ferré, en mémoire du poète arménien résistant Missak Manouchian et de 21 de ses compagnons d’infortune fusillés au mont Valérien le 21 février 1944. Olga Bancic, seule femme parmi les condamnés du groupe, sera, elle, décapitée à Stuttgart le 10 mai 1944.

Plus de 200 actions menées

Guerre 1939-1945. Affiches dans Paris occupé, Paris.
Guerre 1939-1945. Affiches dans Paris occupée, Paris
Crédit photo : André Zucca / BHVP / Roger-Viollet
Ces 23 résistants ont été mis à mort après avoir été arrêtés par la police française, remis aux autorités allemandes, sommairement jugés et condamnés pour terrorisme. Arméniens, Polonais, Hongrois, Italiens, Roumains… et souvent juifs, fait aggravant aux yeux des nazis, ils étaient tous membres de l’organisation créée par le Parti communiste : les Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI).
Eux appartenaient plus précisément au groupe Manouchian, rendu tristement célèbre avec la publication d’une affiche rouge, honteuse, collée à 15 000 exemplaires dans tout Paris et destinée à faire peur. Elle représente une dizaine de membres de la section, hirsutes, précisant pour chacun d’eux leur origine étrangère et le nombre d’attentats commis. Avec cette mention : « Des libérateurs, eux ? La libération par l’armée du crime ! ».
C’est pour ne pas oublier leur combat contre l’occupant et pour la libération de la France que Missak Manouchian fait son entrée au Panthéon le 21 février, quatre-vingts ans après sa mort. Lui, le poète arménien orphelin — ses parents sont morts durant le génocide arménien —, communiste et résistant, y retrouvera d’autres écrivains tels Victor Hugo et Émile Zola, et d’autres résistants comme Jean Moulin et Germaine Tillion. Afin de ne pas les séparer, sa femme Mélinée, qui a partagé tant de ses combats, reposera avec lui dans le mausolée. Actuellement, le couple est enterré au cimetière d’Ivry, en face du carré des fusillés.
Avec l’entrée de Missak Manouchian au Panthéon, c’est à tous les étrangers morts pour la France durant la Seconde Guerre mondiale que le pays rend hommage. Ils ont été trop souvent oubliés, voire parfois gommés des livres d’histoire.
L'affiche rouge présente les membres du réseau Manouchian comme de dangereux terroristes.
L’affiche rouge présente les membres du réseau Manouchian comme de dangereux terroristes.
Crédit photo : DR

Arrêtés par la police française

Entre 1942 et début 1944, le groupe de Missak Manouchian — qui a pris la tête des FTP-MOI parisiens à l’été 1943 — prend des risques insensés pour lutter contre l’occupation allemande dans la capitale : déraillement de trains, attaque de convois, assassinat de soldats d’occupation — dont le général Julius Ritter, responsable de l’envoi en Allemagne de la main-d’œuvre française, via le service du travail obligatoire (STO). Globalement, entre juillet 1942 et novembre 1943, au moment de son arrestation, le groupe mène plus de 200 actions diverses.
Mais les très efficaces et zélées « brigades spéciales » de la police française, chargées de la répression contre les résistants et communistes, finissent par démanteler le réseau au terme de longues filatures et en raison des confessions d’un cadre du groupe torturé par la police de Vichy. Mélinée Manouchian s’en sortira de justesse.
Missak Manouchian et sept résistants de son groupe. 3ème à partir de la gauche : Manouchian, Boczov, Grywacz, X et Elek.
Missak Manouchian (3e à partir de la gauche) et sept résistants de son groupe
Crédit photo : Collection Roger-Viollet / Roger-Viollet

Depuis 1954, les hommages ont fleuri à Paris

Bien avant le 21 février 2024, Paris a rendu hommage à Missak et Mélinée Manouchian ainsi qu’aux membres des FTP-MOI. Places, rues, squares, plaques jalonnent la capitale en mémoire de ces héros et héroïnes.
Dès 1954, une rue Groupe-Manouchian est inaugurée (20e). On y trouve trois plaques, dont l’une est une reproduction de la sinistre affiche rouge. Dans ce même 20e arrondissement, deux fresques murales figurent, pour l’une Mélinée Manouchian et, pour l’autre, Missak Manouchian et ses camarades.

Bientôt un jardin Mélinée-Manouchian dans le 20e

Une place porte le nom de Joseph Epstein, grand dirigeant des FTP-MOI de la région parisienne, fusillé au mont Valérien le 11 avril 1944. Toujours dans le 20e, très prochainement, après une délibération votée en février en Conseil de Paris, un jardin sera dénommé « Mélinée Manouchian », près de la porte de Vincennes.
Square Marcel Rajman
Square Marcel-Rajman (11e)
Crédit photo : Clément Dorval / Ville de Paris
Dans le 11e arrondissement, la mémoire de Marcel Rajman, éminent combattant juif polonais du groupe Manouchian, est particulièrement honorée. Marcel Rajman était un enfant de cet arrondissement, vivant — avec son jeune frère Simon, également résistant, déporté, mais qui survivra — au 1, rue des Immeubles-Industriels (où figure une plaque), près de la place de la Nation. Au 13, rue Merlin, on trouve aussi le square Marcel-Rajman, ainsi que son buste.
Le meilleur ami de Marcel Rajman était Henri Krasucki, lui aussi membre de la FTP-MOI (mais dans une autre section), arrêté et déporté à Auschwitz, et qui deviendra bien plus tard secrétaire général de la CGT. Une place Henri-Krasucki a été inaugurée dans le 20e où il a longtemps habité.
Quant à Olga Bancic, toujours dans le 11e, un square porte son nom rue Godefroy-Cavaignac, une autre plaque en sa mémoire est apposée depuis 2015 dans le 14e, au 114, rue du Château, où elle vécut.
Plaque Olga Bancic, 114 rue du château.
Plaque Olga-Bancic, 114, rue du Château (14e)
Crédit photo : Clément Dorval / Ville de Paris

Des plaques mémorielles dans de nombreux arrondissements

Au 19, rue au Maire (Paris Centre), lieu où Missak Manouchian réunissait les résistants des FTP-MOI, une plaque mémorielle « à la mémoire de ceux de l’affiche rouge » cite tous les membres du groupe tués par les nazis.
Dans le 13e, prochainement, une promenade Celestino-Alfonso sera inaugurée. D’origine espagnole, Celestino Alfonso a été combattant dans les brigades internationales venues à l’aide des républicains espagnols durant la guerre civile en Espagne. Revenu en France, il devient résistant durant la Seconde Guerre mondiale et intègre les FTP-MOI. Il a participé avec Missak Manouchian à l’assassinat de Julius Ritter.
Dans le 14e, aussi, la mémoire de Missak et Mélinée est honorée avec une plaque apposée au 11, rue de Plaisance, où vécut le couple Manouchian.
Enfin, deux autres plaques rendent hommage à des résistants FTP-MOI. L’une dans le 19e au 37, rue de Meaux en mémoire de Léon Goldberg, un jeune juif polonais spécialiste des déraillements de trains dans le groupe Manouchian. L’autre, depuis 2015, au 2, rue Labrouste (15e) pour se rappeler qu’il s’agissait là de la dernière « planque » de Joseph Epstein.
Pour aller plus loin sur le groupe Manouchian
De très nombreux ouvrages, documentaires, films existent sur Missak et Mélinée Manouchian et les FTP-MOI. En voici une petite sélection.

À lire :

Ils étaient juifs, résistants et communistes, d’Annette Wieviorka. Dans cet ouvrage, la célèbre historienne retrace l’itinéraire de ces combattants de l’ombre parfois oubliés, « juifs, résistants, communistes », dont elle a recueilli les témoignages.
Le Tombeau de Tommy, d’Alain Blottière. Un roman poignant autour de la figure de Thomas Elek, un jeune juif hongrois lycéen à Paris qui s’engagea dans le groupe Manouchian.

À voir :

L’Armée du crime, de Robert Guédiguian. Réalisé en 2009, le film retrace le parcours du groupe de résistants communistes des FTP-MOI mené par Missak Manouchian.
Des terroristes à la retraite, documentaire français de Mosco Boucault, sorti en 1985, qui retrace l’engagement des FTP-MOI.
https://www.youtube.com/watch?v=WvDAd9hbFJw

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