Le saviez-vous ?

Haussmann et Marville : une histoire de l'urbanisme et de la photographie

Mise à jour le 05/04/2023
Tirage de Charles Marville d'un lampadaire à gaz à cinq branches, commande de la Ville de Paris pour documenter le mobilier urbain.
À l’occasion des 170 ans du lancement des travaux d’Haussmann, la Bibliothèque historique de la Ville de Paris nous a ouvert les portes de son fonds de 800 négatifs et de 130 tirages de Charles Marville (1813-1879). L’occasion de revenir sur la transformation de Paris vue par ce photographe chargé de documenter ces bouleversements urbains.
Charles Marville (1813-1879) est nommé photographe de la Ville de Paris en 1862. La photographie est encore une invention récente, mise au point à la fin des années 1830 par Nicéphore Niepce et Louis-Jacques-Mandé Daguerre. La Ville de Paris fait appel à Charles Marville dans un contexte bien particulier : Haussmann, nommé Préfet de la Seine en 1853, s’applique à redessiner complètement le visage de Paris. À Marville la charge de documenter ces travaux.
Son travail constitue un témoignage précieux du grand bouleversement vécu par la capitale en l’espace de vingt ans. Les négatifs et tirages photographiques du photographe sont conservés, entre autres, à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Une partie de la collection a été numérisée et est accessible à partir du portail des bibliothèques. Une autre partie se trouve au musée Carnavalet.

Photographier le Paris qui va disparaître…

Fraîchement nommé à la Ville de Paris, Charles Marville arpente les rues parisiennes pour les photographier avant le début des travaux. Il rassemble ses tirages dans un ouvrage intitulé Album du Vieux-Paris, en 1865. Une série de 425 photographies est réalisée.
Aujourd’hui, la plupart de ces rues aux noms amusants (rue de la Limace, rue de la Licorne, cour du Dragon, etc.) ont disparu, rasées pour faire place aux nouvelles avenues souhaitées par Napoléon III.
Si les rues semblent désertes, ce n'est pas parce que Paris est confinée. À cette époque, les photographes sont contraints par des temps de pose longs qui peuvent durer jusqu'à plusieurs minutes. Autrement dit, c'est le temps qu'ils doivent laisser l'obturateur ouvert pour laisser passer la lumière. Plus ce temps est long, plus les cibles mouvantes apparaissent floues.

Puis le Paris qui va naître…

Ce sont là les photographies les plus connues, et aussi les plus spectaculaires, que nous a laissées Marville. La Bibliothèque historique conserve par exemple les négatifs du percement de l’avenue de l’Opéra. Aujourd’hui, ces négatifs ont acquis une valeur patrimoniale et historique importante. Ne les consulte pas qui veut, ils sont protégés des manipulations, de la lumière et de la poussière.
Mais dès la fin du XIXe siècle, alors que Marville est décédé, la bibliothèque fait appel à Charles Émonts pour réaliser des tirages à partir des négatifs. Disponibles à la consultation, ces tirages rencontrent un franc succès. À tel point qu’un siècle plus tard, dans les années 1980, c’est au photographe Albert Séeberger qu'est confiée la mission de tirer une nouvelle fois les plaques de verre négatives de Marville.
De nouveau, les tirages sont offerts à la consultation à la place de ceux de Marville et d’Émonts, considérés comme trop fragiles et précieux.

Le mobilier urbain à l'honneur

Lorsqu'on s'intéresse à Marville et à son travail, on pourra être surpris par l'abondante présence de lampadaires, colonnes Morris et autres urinoirs publics. Mais là encore, Marville répond à une commande publique pour documenter l'implantation du mobilier urbain dans la ville.
Capitale moderne, propre et dynamique, Paris est dotée d'un éclairage public de qualité et esthétique, parfois alimenté au gaz. Les urinoirs publics, destinés aux hommes, répondent aussi à une logique d'hygiène défendue par Haussmann. Enfin, les colonnes Morris permettent à la foule de suivre l'actualité culturelle foisonnante de la capitale. En 1878, ses photographies de mobilier urbain valent à Marville de recevoir une médaille lors de l'Exposition universelle.
Fait amusant, ces mêmes colonnes Morris, recouvertes d'affiches de théâtre, ont servi aux historiens de la photographie pour dater plus précisément les tirages.
« Les historiens s'appuient aussi sur les dates de construction des immeubles et les bottins de l'époque qui recensent les commerces, ajoute Bérengère de l'Épine, responsable du département des photographies. Grâce à tous ces indices, ils parviennent à dater les différents négatifs. »

Entretenir et conserver le patrimoine photographique

Conserver des photographies est un travail délicat qui requiert des compétences techniques et du doigté, comme nous l'avait expliqué Agnès Gall-Ortlik, la responsable de l'atelier de restauration et de conservation de photographies (ARCP).
« L'ARCP est notre principal partenaire pour conserver nos collections, explique Bérengère de l'Épine. L'équipe est venue sur place pour nettoyer, dépoussiérer et restaurer les négatifs et tirages de Marville et Émonts. Elle a même conçu des boîtes sur mesure pour conserver ces objets photographiques. » Le travail de Marville, Émonts puis Séeberger n'est pas près de disparaître. Il pourrait même être complété par de nouveaux tirages, effectués cette fois par la photographe de l'ARCP.

Pour aller plus loin

  • Marville, Marie de Thézy, éditions Hazan, 1994

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