Grande Fantaisie: la péniche de toutes les cultures

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Mise à jour le 18/02/2021

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Installée depuis juillet 2014 face au 9, quai de l’Oise sur le canal de l’Ourcq (75019), la péniche Grande Fantaisie fait rimer vie de quartier et activités culturelles. À son bord, Jérôme Lafay et Nourdine Oumeddour, amis depuis vingt ans, tiennent bon le cap.
C'est en milieu de matinée que nous retrouvons Nourdine, sur sa péniche, à quelques encablures du parc de la Villette. Une ribambelle d’enfants est tranquillement installée au bar tandis que d’autres entrent et sortent tout contents. «Ici c’est sirop à l’eau, gratuit pour tous les enfants du quartier, explique en souriant Nourdine, c’est notre façon d’ouvrir le lieu à tout le monde. Cela leur donne aussi l’occasion de monter sur un bateau et au fil du temps, de s’intéresser peut-être à ce qu’il s’y passe.» Le ton est donné.

Un pont entre deux rives

La péniche a été baptisée Grande Fantaisie en hommage à Jean-Christophe Massinon, un ami artiste décédé et dont une des toiles portait ce nom. «Il était de Nancy comme nous. Il intervenait beaucoup dans les quartiers et avait la volonté de rendre l’art accessible à tout le monde. C'est notre credo aussi et notre façon pour qu’il soit encore un peu avec nous» raconte Nourdine. Et c'est bien dans l'objectif de créer avant tout un lieu culturel, qu'avec Jérôme, ils ont ouvert ce lieu. «On a deux univers de prédilection, les arts graphiques et les arts du spectacle mais on étudie toutes propositions. On essaye de mixer les disciplines et aussi de mixer les habitants. On est entre deux rives, avec, de ce côté du canal, une population qui vit dans la plus ancienne cité HLM du 19e et de l’autre côté du canal, une autre population qui arrive dans des immeubles flambant neufs, à 11.000 euros le mètre carré».
Tout le monde peut monter à bord et les propositions artistiques sont gratuites. Les deux compères mettent leur salle de 100m², très lumineuse, au sous sol, gracieusement à disposition. La péniche offre ainsi une programmation hétéroclite. Nourdine raconte : «On travaille beaucoup avec l’association Entr'Aide qui est très présente sur ce quartier. Elle vient ici mener des ateliers de contes pour les enfants, par exemple. On accueille aussi les enfants de l’école de la place de Bitche qui viennent les mardis et vendredis après-midi pour des ateliers de danse ou de capoeira dans le cadre de l’aménagement des rythmes éducatifs (ARE). Dernièrement, on a eu des conférences photos ou des débats autour du documentaire. On a aussi fait une rencontre-dédicace avec un auteur de bande dessinée. On va aussi accueillir une danseuse chilienne. Et le dimanche après-midi, on fait des bals où les seniors se mêlent aux plus jeunes.» Ici les choses se font au gré des rencontres, des coups de cœur et avec les connaissances qu'ont pu tisser Nourdine et Jérôme avant de se lancer dans leur projet.

Car les deux quadragénaires n’ont pas toujours eu le pied marin. Nourdine a été longtemps chef d’édition pour le monde.fr et Jérôme était consultant dans des agences de communication. Ainsi, tisser des liens, entretenir des réseaux et rencontrer des gens, c’est un peu dans leur ADN depuis toujours. «Il y a vingt ans, raconte Nourdine, j’avais un club à Nancy, c'est là où on s’est connu avec Jérôme, on faisait des soirées et puis on est venu à Paris et on faisait encore des soirées sur une péniche de l’autre côté du bassin. On cherchait notre projet.» Et puis un jour, ils décident de monter leur lieu.

Un quai familier

Ils portent leur choix sur cette péniche de 1931. «Elle sort d’un chantier belge, il y en a eu 12 exemplaires et celle-là c’est la numéro 2 et c'est la dernière qui existe encore. Le logement est encore tout art déco avec les vitraux d'origine» raconte fièrement Nourdine. «On l’a rachetée à Dominique Fontanot : il a fait tous les travaux tout seul et a travaillé avec, pendant vingt ans. Elle était amarrée sous Notre-Dame puis à côté du musée de la Mode. Puis il a voulu arrêter et on est arrivé à ce moment-là. On a signé le 12 juin, le jour le mon anniversaire et le 18 juin on est arrivé ici.» sourit Nourdine. L'emplacement quai de l'Oise n'a pas été choisi au hasard, Nourdine connaît bien le coin, il a habité de l'autre côté du bassin puis avenue de Flandre et compte de nombreux amis, ici.
Deux saisons après leur installation, ils ont fait leur place : «On est content aujourd'hui, même si on travaille comme des fous, avoue Nourdine, on est partout, on travaille sur la programmation, on passe la serpillère comme on vérifie les assiettes. Tout est frais et fait maison : on va au marché, on a une pâtissière qui nous fait des gâteaux. On a élaboré une carte simple mais c’est bon et j'aime bien dire aux gens : quand vous mangez ici, vous financez un projet culturel.» Nourdine sourit, il se lève, il a à faire. Il serre la main à quelques enfants qui viennent encore d'arriver et leur lance: «Ça va l'école? C'était comment ce matin?» Les enfants soufflent: «On a eu un contrôle surprise». Des clients sont arrivés pour déjeuner sur la terrasse et dans la soirée il y aura une rencontre photographique. Le soleil a pointé son nez, quelques canards font clapoter l'eau. C'est un peu les vacances sur la péniche Grande Fantaisie.