« Se refaire une santé », « se réinventer », « patienter » : des restaurateurs racontent

Rencontre

Mise à jour le 09/06/2020

 Terrasse du restaurant Ju'
Dès le 2 juin, les restaurateurs ont de nouveau eu la possibilité de rouvrir leurs commerces, mais uniquement en terrasse, qu'ils peuvent créer ou agrandir temporairement selon des modalités spécifiques. Comment se sont-ils adaptés à ces nouvelles conditions de travail ? Nous sommes allés interroger trois d'entre eux.
Réouverture
À compter du 15 juin, Paris passe en zone verte. Ce qui entraîne la réouverture des café et restaurants, à l'intérieur comme à l'extérieur. Les autorisations d’extension ou de création de terrasses restent possibles jusqu’au 30 septembre.

« L'extension de terrasse, c'est la possibilité sur le plus long terme de se refaire une santé »

Julien est aux commandes du Ju' (photo en tête d'article), restaurant français de la rue des Archives (4e). Il est aujourd'hui soulagé de reprendre son activité et faire retravailler son équipe.
Depuis le 2 juin, nous avons pu installer notre terrasse et l’étendre sur le trottoir. En respectant les distances entre les tables et grâce à cette extension, nous avons pu installer toutes les tables que nous avons dehors en temps normal. Nous laissons une voie de passage pour les piétons. Cela fonctionne très bien. Dès les premiers jours, nous avons fait le plein. Ce qui nous permet de retrouver un chiffre d’affaires correct.
Nous respectons la charte d’ouverture de 8 h à 22 h. Nous perdons certes la tranche horaire 22 h à 2 h, mais c’est pour un bien général par rapport aux nuisances sonores. Et nous invitons vraiment les autres restaurateurs à respecter cette charte car cela sert à tous les restaurateurs. Nous avons eu une visite de contrôle sur l’affichage de la charte et la disposition que nous faisons, cela s’est très bien passé. Quand nous pourrons ouvrir à nouveau notre salle, grâce au maintien de la possibilité d’extension extérieure jusqu’au 30 septembre, nous allons pouvoir nous refaire une santé.
Restaurant le Ju' à emporter

Nous maintenons la vente à emporter, mais il y a moins de demande car les clients préfèrent retrouver le plaisir de la terrasse.

Julien
gérant du ju' (4e)
Nous avons bien pâti du confinement. A partir du 6 mai, nous nous sommes mis à la vente à emporter, matin, midi et soir jusqu'à 22 heures. Nous proposions moins de plats mais nous avions maintenu notre formule vedette plat-boisson au même prix. Dans ce quartier, nous travaillions surtout pour le déjeuner, notamment grâce au personnel de la grande enseigne au coin de la rue de Rivoli. Le soir, c'était beaucoup plus calme. J'avais seulement cinq personnes qui travaillaient.
Aujourd’hui je peux rappeler beaucoup plus de personnel. Nous maintenons la vente à emporter, mais évidemment il y a moins de demande car les clients préfèrent retrouver leurs habitudes et le plaisir de s’installer en terrasse.
Le Ju'
16, rue des Archives, 75004 Paris
Tél. : 01 42 78 11 47
Page Facebook

« J'ai dû me réinventer complètement »

Giulia Guarino, la cheffe du restaurant napolitain sans gluten « Mimi, Cave à manger » (6e) s'est lancée dans la vente à emporter avant de rouvrir sa terrasse le mardi 9 juin.
La cheffe Giulia Guarino
« Quand j'ai su que les restaurants devaient fermer, je suis tombée des nuages ! J'étais dans les Vosges, sans connexion internet, je l'ai appris dans les journaux le dimanche. Mes deux employés, mon serveur et mon plongeur ont dû passer au chômage technique. En tant que propriétaire et cheffe de restaurant, j'ai reçu des aides de l'État pour payer les factures et les loyers… Car en mars, l'activité a baissé de 70 % et en avril, n'en parlons même pas : je n'ai ouvert que les trois derniers jours !
À partir du 27 avril, je me suis lancée dans la vente à emporter. C'était tout nouveau pour moi. J'ai dû me réinventer complètement. Il faut penser à réaliser des plats simples de manière à ce qu'ils ne soient pas abîmés ou décomposés une fois mis en boîte et transportés. Par exemple, je ne propose pas de pâtes : je suis Italienne, et je peux vous dire que c'est une torture de devoir les réchauffer, elles deviennent collantes. Chaque semaine, je cuisine un nouveau menu, souvent des alliances terre-mer, typiques de la cuisine napolitaine. Le tout sans gluten, car je suis moi-même intolérante.

J'ai déjà des réservations, des clients qui peuvent enfin se déplacer chez moi, qui reprennent leurs habitudes, ça fait plaisir !

Giulia Guarino
Cheffe du restaurant « Mimi » dans le 6e
Mardi 9 juin, je vais à nouveau servir en terrasse. Avec les règles de distanciation, je vais pouvoir installer deux tables de deux couverts chacune, contre les dix couverts auparavant. C'est important de bien respecter ces normes : d'une part, parce que le virus est encore là, d'autre part pour rassurer les clients, les inciter à venir en toute sécurité. J'ai déjà des réservations, des clients qui peuvent enfin se déplacer chez moi, qui reprennent leurs habitudes, ça fait plaisir ! Je vais étoffer ma carte pour le service dehors, pour qu'il y ait un choix entre deux plats et deux desserts. Avec le retour des réservations, je vais avoir plus de visibilité.
Puis, les passants voient que la terrasse est ouverte, qu'il y a du mouvement, c'est agréable. La gardienne de la copropriété voisine m'a invitée aussi à poser une ou deux tables devant la fenêtre de son logement au rez-de-chaussée. Je vais essayer d'en mettre d'autres un peu plus loin sur le trottoir de la rue du Cherche-Midi. Je réfléchis un peu avant d'étendre mon restaurant sur une place de parking, je suis encore un peu nouvelle dans le quartier…
En tout cas, même avec la réouverture de ma terrasse, je vais continuer la vente à emporter. Je découvre une nouvelle partie de mon projet, il change de visage. Certains clients sont ravis : enfin, ils peuvent déjeuner chez moi, car d'habitude, ils n'arrivaient jamais à avoir une place assise !
Mimi, Cave à manger
105, rue du Cherche-Midi, 6e
Tél. : 01 83 89 52 85
Page Facebook

« En tant que jeune entreprise, cela a été difficile à gérer »

Fatima et Shayan gèrent le restaurant afghan Kabul Kitchen, dans le 2e arrondissement. Ils ont rouvert le 12 mai pour proposer de la vente à emporter. Et depuis le 2 juin, ils peuvent accueillir une dizaine de clients sur place.
 Fatima Oujibou devant son restaurant le Kabul Kitchen
« Shayan et moi somme les deux gérants de Kabul Kitchen. J’ai rencontré Shayan il y a plusieurs années alors qu’il était réfugié en France, après avoir fui l’Afghanistan. C’est lui qui a eu l’idée du restaurant car il aime cuisiner et voulait faire connaître la cuisine afghane. De mon côté, j’avais déjà un petit salon de thé mais qui ne marchait pas très bien, donc nous l’avons transformé en restaurant.
Kabul Kitchen est né en février 2019. Nous sommes localisés dans un quartier avec une clientèle professionnelle et touristique. Du jour au lendemain, il n’y avait plus personne dans les rues. Le 14 mars, nous avons fermé le restaurant puis nous nous sommes confinés. En tant que jeune entreprise, cela a été difficile à gérer. Le restaurant commençait tout juste à avoir une clientèle stable et régulière et nous avions même réussi à embaucher un salarié supplémentaire.

Quand ça ira mieux, nous pourrons reprendre les distributions de nourriture aux réfugiés que nous avions l’habitude de faire avant la crise.

Fatima
gérante de Kabul Kitchen
Depuis le 12 mai, nous ne faisons que de la vente à emporter. Au début, ça n’a pas très bien marché mais ça commence à reprendre progressivement. Nous avions déjà l’habitude d’en faire pour les clients du milieu de journée. D’ailleurs, leurs retours étaient positifs, les gens étaient curieux de découvrir la cuisine afghane. De plus, nous avons pu installer des terrasses depuis le 2 juin et pouvons accueillir une dizaine de clients sur place.
Quand ça ira mieux, nous pourrons reprendre les distributions de nourriture aux réfugiés que nous avions l’habitude de faire avant la crise. Cela fait partie de notre projet : lorsque nous nous sommes lancés dans l’aventure, nous ne voulions pas uniquement faire un restaurant, nous voulions aussi venir en aide à des personnes dans le besoin. Redistribuer les fruits de notre travail et tendre la main à l’autre. »
Kabul Kitchen
2, rue Saint-Sauveur (2e)
Tél. : 07 51 31 45 45
Le site internet
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