Le premier radeau végétalisé du canal Saint-Martin

Actualité

Mise à jour le 14/01/2021

Le 18 février 2019, la Ville de Paris a dévoilé le premier radeau végétalisé du canal Saint-Martin. Le projet a été imaginé par Katarina Dear et plébiscité par les habitants du 10e arrondissement dans le cadre du budget participatif. Sa réalisation a été confiée aux services de la Ville de Paris. Reportage lors de son installation.
Mardi 12 février, le canal Saint-Martin était en ébullition. Katarina Dear était enthousiaste de voir la concrétisation de son projet, face au 94, quai de Jemmapes : installer sur l'eau du canal un radeau végétalisé, véritable jardin flottant, îlot de verdure et refuge pour la biodiversité.

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« C’est vraiment fidèle à mon idée, en termes de dimensions et l’emplacement est bien choisi dans ce coin de canal un peu bétonné. En plus, il y aura des frayères (lieux où se reproduisent les poissons et les amphibiens et aussi des mollusques ou des crustacés). Elles vont être installées en dessous, donc le projet est encore plus abouti. Je suis ravie et j’espère que cela va porter ses fruits en termes de biodiversité mais aussi de sensibilisation des citoyens. »

Comment est composé cet îlot ?

Paris est la première ville au monde à tester ce type de structure qui couple deux technologies. Sur une surface de 40 m2, la structure se compose d’un jardin flottant développé par Biomatrix Water, société écossaise, et des « Biohut » de la société française Ecocean, qui les a inventés. Le nombre de plantes est de 15 par m², soit au total environ 620 plantes. Cela permet d’une part de végétaliser les berges du canal et d’autre part, de favoriser la biodiversité dans l’eau et hors de l’eau.

Les « biohut », qu'est-ce que c'est ?

Gilles Lecaillon, président de la société Ecocean, explique : « Biohut, c’est un nom que j’ai inventé et c’est aussi un brevet, cela allie hutte et biodiversité. Il y a des modules remplis de coquilles d’huîtres qui servent d’habitat et de support de nourriture, qui alternent avec des espaces vides permettant le refuge. Il y a aussi des modules avec de la brande de bruyère naturelle qui permettent aux poissons de pondre, complétés de caissons grillagés vides dans lesquels les jeunes pourront se protéger. Nous avons surtout développé ces modules en milieu marin pour le moment. On en a déjà installé 2 000 exemplaires. Mais depuis deux, trois ans, on commence à apporter cette technologie en eau douce. On en a d’ailleurs en test dans le bassin de l’Arsenal, depuis un an. Et c’est la première fois qu’on travaille avec Biomatrix Water. Nous avons travaillé de concert et ils ont adapté leur îlot pour permettre d’accrocher nos biohut. »

Du coco pour la flottaison

Du côté de Galen Fulford de Biomatrix Water, qui a déjà réalisé de semblables radeaux un peu partout dans le monde, cela fait partie des projets « living water cities ». Les plantes composant l’îlot sont toutes endémiques de l’Île-de-France. Choisies pour leur capacité à résister au froid, plantes pérennes et adaptées à l’eau, elles nécessitent peu d’entretien (coupe annuelle ou biannuelle en fonction de la croissance observée).
Le support du radeau est constitué de matières recyclées et recyclables, tapis de coco, géotextile, tube et maille polyéthylène pour assurer rigidité et flottaison. Le radeau est fixé au quai par des pitons et des câbles en inox gainés pour permettre de supporter les fluctuations du niveau de l’eau du canal dont le marnage est peu prononcé. Et cela va vraiment favoriser la biodiversité ? « Vu qu’on part de zéro dans ce coin du canal, depuis dix minutes, on vient d’améliorer la biodiversité de 100 % », sourit Galen.

Corridor écologique et rendez-vous des poissons

Le canal Saint-Martin n’a pas été choisi au hasard. C’est même un véritable corridor écologique et un parfait refuge pour la biodiversité avec la présence de l’eau, d’arbres et de parcs à proximité. Ces îlots de biodiversité deviennent des espaces de transition voire de refuge pour les espèces ayant un bon potentiel de déplacement (oiseaux et insectes particulièrement) avant de migrer d’un espace à un autre.
Par ailleurs, dans l’eau du canal évoluent beaucoup d’espèces aquatiques, et notamment des poissons : perches, brochets, gardons, carpes, sandres, silures, anguilles… On observe aujourd’hui une vingtaine d’espèces de poissons (25 espèces intra-muros) dans Paris et une trentaine dans la Seine en Île-de-France (32 espèces). À cela, s’ajoutent de nombreuses espèces de mollusques, crustacés, algues, etc. On compte également près de 90 espèces d’oiseaux sur l’ensemble des 130 kilomètres des canaux.

Le service des canaux à la manœuvre

Sandra, de la Direction de la voirie et des déplacements qui gère les canaux de la Ville, revient sur les différentes étapes de la réalisation. « Une fois que le projet de Katarina Dear a été voté par les habitants et validé par la Ville, nous avons reçu un budget de 20 000 euros pour le faire exister. On travaillait déjà avec Ecocean qui nous a installé ses "biohut" dans le bassin de l’Arsenal, l'an dernier. On savait par ailleurs que ce principe d’îlot végétalisé existait déjà, car il y en a à Rennes (un de plus de 100 m2) et aussi à Londres ou dans d’autres villes dans le monde. On a donc passé un marché avec Ecocean qui a travaillé en lien avec Biomatrix Water. »
Des repérages ont ensuite été faits pour trouver le lieu du canal le plus approprié en fonction du nombre de poissons, de la luminosité et aussi en fonction d’un lieu qui ne soit pas accessible, car il faut bien le mentionner, les Parisiens ne pourront pas monter dessus. « Ce n’est pas le but, insiste Sandra, c’est un îlot de biodiversité, de nature, de verdure, non un lieu de loisirs. On espère vraiment que les Parisiens vont respecter ce coin de nature et en comprendre son enjeu. »
Ce qui n'empêchera pas les nombreux amateurs de pêche du canal de s'y donner rendez-vous et aux badauds de venir humer un peu de nature. Par ailleurs, on pourra peut-être y croiser Katarina Dear qui, avec son association Nature & Us, organisera sur place des ateliers pédagogiques pour parler des enjeux du climat, de la pollution et de la préservation de la biodiversité. En somme, valoriser ce pour quoi elle a créé son association : démontrer comment la nature a un rôle à jouer et comment on peut l’utiliser en la réintégrant dans les villes.
Les services des canaux se chargeront d'entretenir le radeau et de voir comment il se comporte. Et si cette phase de test est concluante, pourquoi ne pas imaginer en voir fleurir ailleurs sur le canal…

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