Focus

La tour Jean-sans-Peur, souvenir du Paris médiéval

Mise à jour le 28/01/2022
Vue extérieure, en contre plongée, de la Tour Jean-sans-Peur
Dernier vestige du palais parisien des ducs de Bourgogne, la tour Jean-sans-Peur témoigne de la puissance d'une dynastie. À présent transformée en musée, elle retrace la vie quotidienne médiévale.
Quand on franchit la porte qui mène à la tour Jean-sans-Peur, on consent à voyager six siècles en arrière. De la fin du Moyen Âge à aujourd'hui, la tour a traversé les âges, sans fléchir. Reculée dans la cour qui donne sur la rue Etienne-Marcel, elle a autrefois surplombé Paris, côtoyant les hauteurs du pouvoir divin, symbolisé par la cathédrale Notre-Dame, et celles du pouvoir régalien, représenté par le Louvre. Sa façade, bien qu’étroite d’apparence, cache en son sein les derniers vestiges des constructions civiles du Moyen Âge.

La puissance inscrite dans la pierre

Construit à la fin du XIIIe siècle, l’hôtel autrefois collé à la tour a d’abord appartenu à la famille d’Artois, avant de devenir la propriété des ducs de Bourgogne, après le mariage de la comtesse d’Artois et du duc Philippe le Hardi en 1369. Leur fils, le futur Jean-sans-Peur, est à l’origine de la tour. Il l'a construite en 1409, juste après l’assassinat de son cousin et rival, Louis d’Orléans, symbolisant ainsi sa prise de pouvoir. Dans ce contexte, il est amené en 1408 à réprimer violemment une révolte dans ses pays du nord à Othée, près de Liège. Deux ambassadeurs anglais à la cour du roi de France lui donnent alors le surnom de « sans Peur ».
À peine passé le pas de la porte de la tour, le ton est donné. Chaque détail, gravé dans la pierre ou inscrit sur les vitraux, rappelle aux passants l’importance du propriétaire des lieux. Car Jean sans Peur n'a rien fait par hasard… Des armoiries à la solidité de la pierre utilisée, le liais, la tour manifeste sa toute-puissance.
En son sein, l’escalier, clou principal du spectacle, est surmonté d’une voûte végétale. « Le secret de la voûte ? », interroge Agnès Lavoye, chargée de communication et des publics de la Tour, « c’est qu’elle représente un arbre généalogique. » Le chêne, qui prend racine à l’extrémité de l’escalier, représente le père du propriétaire, tandis que les rameaux d’aubépine symbolisent la mère. Au centre, les lianes de houblon incarnent le fils, Jean sans Peur, qui vient s’enrouler autour des branches familiales.
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Une tour fonctionnelle

À l’époque, la tour se trouvait sur les remparts fortifiés du Paris moyenâgeux. L'édifice a été construit sur l'extérieur du rempart de Philippe Auguste, premier rempart à avoir fait le tour de la ville, dont il reste de nombreux vestiges. Cette place stratégique permettait à Jean sans Peur d’accéder aux autres demeures des nobles, en empruntant les remparts : « C’était une sorte de coulée verte avant l’heure, qui lui évitait de traverser la rue médiévale, sale et nauséabonde », explique Agnès Lavoye.
Si la tour témoigne de son importance politique, elle possède aussi une fonctionnalité quotidienne : sur cinq niveaux, les salles sont réfléchies pour apporter le plus de confort possible au maître des lieux et à ses invités. Étage après étage, les pièces révèlent la richesse de l’édifice, avec des chambres dotées de cheminée, d’étroites fenêtres avec des vitraux…
Chose rare à l'époque, la tour disposait de latrines, avec un conduit d’évacuation inséré dans les murs ainsi qu'un système de chauffage : « S’il y a une chose à retenir de la visite, c’est que la vie au Moyen Âge était plus moderne que ce que l’on pourrait penser. »
Plan du Paris médiéval
Plan de la Gouache, 1535 (BHVP)
Crédit photo : BHVP

Sauvée in extremis

De l’ancienne propriété des ducs de Bourgogne, il ne reste aujourd’hui que la tour comme seul témoin. Coup de chance ou du destin, il s’en est fallu de peu pour qu’elle ne soit pas détruite avec le reste. Au XVIe siècle, lorsque François 1er hérite de l'hôtel, il organise une grande vente « à la découpe » dans le cadre de la transformation du quartier ou réformation des Halles, qui voit apparaitre l'église Saint-Eustache.
La tour a été épargnée en grande partie grâce à l’importance fonctionnelle de l’escalier principal, pivot de circulation dans la demeure. Longtemps tombé dans les oubliettes, l'édifice devient tour à tour un lieu de théâtre, un repaire de vagabonds, des appartements privés… C’est en 1868, lors du percement de la rue Etienne-Marcel, que ce bijou architectural est redécouvert et attire la curiosité des historiens. La tour, acquise par la Ville de Paris en 1874, est classée aux Monuments historiques dix ans plus tard.
Après des travaux de consolidation, le lieu est ouvert au public. Depuis 1999 l’association des Amis de la tour Jean-sans-Peur, sous la direction de Rémi Rivière, s’occupe de l’accueil des visiteurs et de la programmation des expositions.

(Ré)apprendre l'histoire médiévale

« Visiter la Tour est aussi un prétexte pour s’intéresser de plus près à ce que pouvait ressembler la vie médiévale », s'enthousiasme Agnès Lavoye. Grâce à un parcours ludique et des explications détaillées, la visite du monument est faite pour que chacun s’y retrouve. Nul besoin de connaître ses cours d’histoire sur le bout des doigts pour parcourir l’édifice.
De la première pièce, où la maquette de la tour est détaillée, à la dernière, où des éléments insolites de la vie de Jean-sans-Peur sont racontés, chacun peut aller à son rythme. Pour les enfants, un parcours de jeux est offert, avec une série d’énigmes à déchiffrer. Grâce à l’implication des membres de l’association des Amis de la Tour, des objets ont pu être faits sur mesure, comme des costumes ou le siège du duc, afin de reconstituer un décor médiéval.
Deux expositions viennent compléter la visite de la tour Jean-sans-Peur. La première, sur la jeunesse au Moyen Âge, est commissionnée par Danièle Alexandre-Bidon, de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Elle aborde la vie de l’enfant de la naissance jusqu’à la période pré-adulte. Contrairement aux idées répandues, cette présentation montre l’intérêt des parents pour leurs enfants, leurs émotions et leur bien-être, mais aussi leur mort, souvent précoce.
Une des représentations favorites d’Agnès Lavoye est celle d’un fœtus dans le ventre de sa mère, dessiné en train de jouer. En effet, on pense à cette époque que le fœtus peut prier, exprimer des sentiments, avoir peur dans le noir… Et c’est pour cela qu’il détient une existence juridique avant même d’être né. La deuxième exposition, intitulée « Gamins et poupardes », s’intéresse aux enfances parisiennes du XIXe siècle. Une approche ludique qui permet de déconstruire les clichés sur cette époque.
Infos pratiques
20, rue Étienne Marcel, Paris Centre
Tél. : 01 40 26 20 28
En savoir plus.

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