Journées des arts plastiques : quand l’imaginaire s’enracine dans la Ville

Au bord du canal de l’Ourcq, une jungle urbaine émerge peu à peu. Cartons d’emballage, papier crépon, tissus bariolés… À partir de matériaux réutilisés, des groupes d’écoliers issus de trois écoles de l’arrondissement imaginent et bâtissent une maquette géante de paysage urbain. Les enfants construisent, décorent, relient. Ils tissent la ville à leur manière. Des silhouettes familières s’y dessinent : tour Eiffel, opéra, jardins, forêt de tours fleuries, ponts, canaux… Cette année, le thème des Journées des arts plastiques (JAP), « Cultiver la ville », allie création artistique, conscience écologique et imaginaire partagé.

À la Maison des Canaux (19^e), rien ne se perd, tout se transforme. « Le mobilier et la décoration ont été détournés, réinventés à partir de matériaux récupérés », explique Marjorie Chatry, en charge de la programmation de ce lieu dédié aux économies solidaires et innovantes.

Comme au Grand Parquet – l’espace du Théâtre Paris-Villette (19^e) installé dans le jardin d’Éole – ou dans la salle des fêtes de la mairie du 19^e, le projet repose sur l’esprit de groupe. « Les JAP permettent aux enfants de découvrir les lieux de leur arrondissement, de rencontrer d’autres classes et de créer ensemble des œuvres collectives, éphémères et de grande ampleur », souligne Cyril Lambert, professeur d’arts plastiques de la Ville de Paris (PVP). Au total, dans le 19^e arrondissement, plus de 300 élèves, du CP au CM2, ont participé à cette aventure artistique et circulaire.

Au musée de la Mode (16^e), la création monte à la tête. Sur la terrasse qui surplombe le jardin, les élèves s’affairent, ciseaux en main. Leur mission : inventer des chapeaux fantastiques. Hauts-de-forme fleuris, chapeaux melon à feuillage, coiffes printanières… tout un jardin d’imagination.

« Grâce au partenariat avec le musée, les enfants ont visité l’exposition consacrée à Stephen Jones, grand chapelier contemporain, et participé à des ateliers de création en classe et au musée », explique Amandine Schwoerer, PVP d’arts plastiques. Inspiré par l’architecture urbaine, Stephen Jones crée des couvre-chefs spectaculaires – une démarche qui a libéré l’imaginaire des enfants.

Sous l’œil complice d’une plasticienne du musée, les élèves ont exploré un éventail de matériaux : mousse, tulle, attaches parisiennes, rubans et tissus issus de la confection. « En découvrant l’exposition, les enfants ont compris que l’artiste s’amusait en créant. Cela les a décomplexés et poussés à sortir des sentiers battus », raconte Laura de Sanctis, également PVP d’arts plastiques.

Sa collègue Stéphanie Rivray salue leur inventivité : « Travailler autour d’un artiste vivant a rendu leur démarche très concrète. Certaines classes ont même eu la chance de le rencontrer. Au final, nous avons des créations très originales : des chapeaux burger, des chapeaux lapin ou encore des chapeaux à traîne. »

Moment fort de la journée, le défilé festif a vu fleurir ces créations sur les marches du musée. Une expérience que Joshua, élève en CM2 à l’école des Belles-Feuilles (16^e), n’est pas près d’oublier : « C’était très original d’imaginer des chapeaux. Les créations de Stephen Jones m’ont donné plein d’idées pour créer des formes fleuries. J’ai aussi adoré le défilé ! »

Au cœur du jardin du musée Picasso (Paris Centre), entre fleurs, palmiers, bananiers et lianes en papier, surgissent les maquettes d’immeubles déstructurés créées par les enfants. Une nature exubérante jaillit de cette ville rêvée et poétique.

« Les équipes du musée ont imaginé une visite sur mesure retraçant les différents ateliers successifs de Picasso à Paris, raconte Lou Montfourny, PVP. Puis, chaque classe s’est emparée du thème "Cultiver la ville" à sa manière : à partir de photos d’archives de l’artiste ou en détournant les formes géométriques de panneaux de signalisation pour en faire des créations végétales et surréalistes. »

« Chaque année, nous accueillons des classes parisiennes dans le cadre des JAP. C’est l’occasion pour elles de découvrir le musée, ses œuvres et de s’en inspirer. Cette année, la restitution dans le jardin a pris un tour festif, car les familles ont été invitées à partager ce moment », ajoute Alexandre Therwath, responsable de la médiation du musée.

Robin, élève en CM2 à l’école Daniel-Cordier (Paris Centre), en sort enthousiaste : « La visite du musée m’a donné envie de créer moi aussi. » Une envie et une audace que Picasso, éternel expérimentateur, aurait sûrement saluées.