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Rencontre

Hadrien «Duke» Forestier : «Offrir un cadre sain aux esportifs dès le plus jeune âge»

Mise à jour le 12/02/2020
Hadrien «Duke» Forestier est headcoach de l’équipe européenne de League of Legends « Splyce » et commentateur esportif pour la webTV O’Gaming. Il revient sur sa fonction primordiale et souligne le besoin d’encadrement des juniors et amateurs d’esport, à l’instar du sport traditionnel.

Comment avez-vous démarré les jeux vidéo? Et l’esport?

J’ai débuté à 4-5 ans, sur les genoux de mon père. J’ai grandi avec. Le premier jeu compétitif qui m’a conduit à l’esport, c’était Warcraft 3, puis j’ai pris conscience du phénomène avec Starcraft, avec Pomf&Thud, puis Chips&Noi sur League of Legends. J’ai mis beaucoup de temps à rentrer dans l’esport. Au début, c’était plus un loisir pour moi, jusqu’à il y a 4 ans environ où j’ai eu envie de me lancer. J’ai fait mes premières armes comme commentateur chez O’Gaming. Plus tard, en réalisant que c’était limité par rapport à mes intérêts et compétences, je me suis orienté vers les équipes. J’ai pu me lancer grâce à Bora (Bora «Yell0wStaR » Kim) en intégrant le PSG esports comme coach.

J’accompagne les joueurs pour qu’ils adoptent une bonne attitude, professionnelle dans l’approche du travail et de sa pénibilité, et humaine les uns envers les autres.

En quoi consiste le rôle de coach dans l’esport et plus précisément sur League of Legends?

Mon travail de HeadCoach aujourd’hui consiste essentiellement à gérer les entraînements. Ce qui implique évidemment une gestion stratégique sur les jeux collectifs, technique, mais aussi et surtout humaine. J’accompagne les joueurs pour qu’ils adoptent une bonne attitude, professionnelle dans l’approche du travail et de sa pénibilité, et humaine les uns envers les autres. Il y a beaucoup de travail à faire sur les joueurs, les joueurs de LoL (League of Legends) sont plus « bruts » que les joueurs de sports traditionnels… Ils n’ont pas forcément l’attitude et les acquis d’un joueur de foot qui aura été encadré depuis son jeune âge. C’est un travail d’en faire des pros et des adultes de manières générales.

Quelles sont selon vous les principales différences entre un coach de sport traditionnel et un coach esportif?

Les joueurs sont différents, les profils et les parcours sont différents. Il y a de la stratégie dans le sport, mais c’est certainement en plus grande proportion sur LoL. Il faut une implication incroyable pour maîtriser la stratégie et son évolution. Les conditions de victoire sont plus liées à la stratégie d’équipe qu’à la performance individuelle. Et le jeu évolue… Une des missions visibles du coach est de s’occuper des drafts.

Pour les non-initiés, qu’est-ce qu’une draft?

C’est une phase de dix minutes environ qui précède le début de chaque match. Chaque équipe, avec chaque coach, choisi les cinq champions sur lesquels les cinq joueurs vont évoluer pendant la partie. La composition de chaque équipe se fait en choisissant tour à tour, et avec des bannissements de champions également. Chaque équipe va faire cinq bans et prendre cinq champions, sur les presque 150 champions disponibles. C’est une sorte de jeu d’échec en dix minutes, chaque équipe aboutissant à une composition de joueurs avec des synergies, en fonction des possibilités de chacun d’entre eux et en fonction des choix adverses. Cette composition définit les conditions de victoires et a un énorme impact sur la partie qui va suivre.

On vous appelle « L’homo draftus » dans le milieu. Que veut dire ce surnom? D’où vient-il?

De mes amis d’Ogaming, suite à notre run dans les championnats du monde, un très bon parcours du point de vue des attentes envers notre équipe. J’étais le seul et dernier représentant français en course dans les worlds. Les commentateurs d’O’gaming, ce sont des amis, ils ont un peu forcé et ça a été une blague de créer ce personnage « d’homo draftus » lié à mes performances lors des phases de draft. C’était plus une blague, les drafts se sont bien passées, mais ça reste une petite partie du boulot du coach…
Crédit photo : Wojciech Wandzel/Riot Games

Est-ce qu’être joueur professionnel est une condition sine qua non pour devenir coach?

Non, ce n’est pas mon cas, je pense même que cela est un poids en général. L’avantage d’avoir été joueur, c’est la connaissance du jeu, une condition nécessaire mais pas suffisante. Il y a un énorme écart dans la connaissance du jeu d’un amateur ou semi-pro à un professionnel. Il y a un palier à franchir. En revanche, les joueurs qui veulent devenir coach vont manquer d’autres connaissances personnelles, professionnelles, et même académiques. Un joueur devenu coach va par exemple reproduire des schémas, être coincé dans les modèles qu’il a connu joueur. En tant que coach, on doit être un modèle, un leader, mais aussi avoir du recul et avoir un avis extérieur.

Le 8 octobre, vous avez enchaîné les victoires avec l’équipe Splyce, défiant tous les pronostics et en éliminant la grande équipe Chinoise RNG de la compétition. Que s’est-il passé entre les premiers matchs et cette journée?

Pas grand-chose, on a continué de s’entraîner, on se faisait confiance, on savait qu’on avait les moyens. Le jour J, on était prêts, on avait les moyens, c’était un bon jour. Ça faisait neuf mois qu’on était lancé, c’était juste un nouveau jour de boulot. On a tout fait pour que les étoiles s’alignent et elles se sont alignées.

Vous êtes en « off season »… Que fait un coach dans cette période? Vous cherchez une nouvelle équipe? De nouveaux joueurs?

Il y a plein de choses à faire : commenter le championnat du monde, répondre à des interviews (rire)… Au-delà de ça, il y a le mercato : mon contrat se termine dans une semaine, je regarde les offres que je peux avoir, pour choisir une équipe. Le choix final dépendra de plein de choses, notamment des joueurs avec qui je souhaite travailler. Mi-décembre, on pourra partir sur le premier bootcamp (session d’entrainement dans un centre) avec ma future équipe.

Il faut pouvoir offrir un cadre sain aux esportifs dès le plus jeune âge, et ne pas nier non plus les dérives et risques possibles.

Vous avez-déjà évoqué dans une précédente interview le besoin d’encadrement des juniors et amateurs, à l’instar du sport traditionnel. Est-ce que les collectivités ont un rôle à jouer selon vous?

Oui, je pense que c’est là qu’il y a le plus de chantier à faire. Il faut pouvoir offrir un cadre sain aux esportifs dès le plus jeune âge, et ne pas nier non plus les dérives et risques possibles. Le sujet est clivant aujourd’hui, il y a des détracteurs, mais aussi des gens « sur-hypé » qui nient en bloc les problèmes qu’il peut y avoir dans la pratique… D’une part, il faut différencier la pratique purement ludique et la pratique qui demande un travail et une réflexion poussée. Un cadre offert pour les jeunes par les collectivités pour développer l’aspect « équipe » propre à certains jeux, qui demande des qualités qu’on ne peut pas développer tout seul. Cela peut aussi à terme augmenter le professionnalisme et permettre de prévenir certains dangers. Un joueur à fond, et qui veut se lancer dans l’esport, peut parfois s’y consacrer jusqu’à 12 heures par jour, abandonner ses études ou les négliger, alors que ce sera 6 heures d’entrainement pour ceux qui veulent se lancer dans le foot. Se lancer sans cadre, c’est un parcours qui peut parfois porter ses fruits, mais qui va être dangereux.

Un mot sur la finale de dimanche?

Ça va être une super finale pour nous, avec G2, les champions d’Europe. Je me suis entraîné contre eux toute l’année donc j’ai envie de les voir la remporter. FPX (Chine) est une équipe qui a été sous-estimée tout au long du tournoi, par Fnatic (Europe) notamment, mais G2 est supérieur en terme d’individualité et de jeu d’équipe.

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