Rencontre

Coup de jeunes au Théâtre 14 : « Remettre le texte et l’acteur au centre du jeu »

Mise à jour le 20/01/2020
Après un an de fermeture pour rénovation, le Théâtre 14 rouvre ses portes ce lundi 20 janvier, avec une toute nouvelle direction. Mathieu Touzé et Édouard Chapot, deux jeunes trentenaires, ont repris les rênes de ce théâtre municipal avec une idée en tête : s’ouvrir sur le quartier, sur le public, et remettre le texte et l’acteur au centre du jeu. Avec une thématique prédominante pour cette année : l’amour au théâtre. Entretien avec Mathieu Touzé.

Le théâtre 14 rouvre ce lundi 20 janvier après une année de travaux. En quoi ont consisté les rénovations ?

Les travaux ont d’abord concerné des remises aux normes: climatisation, aménagement du hall, des bureaux et une remise à neuf des loges. Le gros du chantier a porté sur le réaménagement des gradins, qui ont été remplacés. Ensuite, nous avons voulu décorer l’intérieur comme un intérieur d’appartement ancien, intime. Nous avons voulu un endroit cosy où les gens se sentent bien, comme chez eux.

Quelle ligne directrice avez-vous souhaité donner à ce théâtre rénové ?

Il y a d’abord une continuité avec ce qu’a fait notre prédécesseur, Emmanuel Dechartre, parti à la retraite l’année dernière, qui a dirigé le théâtre pendant près de 30 ans. Nous sommes toujours un théâtre de textes et poursuivons notre réflexion sur la théâtralité. En clair, revenir à l’essence même du théâtre, que sont le texte et l’acteur. Notre ligne directrice est de rendre accessible à tous et de faire connaitre le théâtre d’art.
Mathieu Touzé (à gauche) et Édouard Chapot (à droite), sont les deux nouveaux directeurs du Théâtre 14.
Crédit photo : Stéphane Pitti

Vous dites vouloir faire un théâtre ouvert sur le quartier… Qu’entendez-vous par là ?

En tant que théâtre municipal, nous pensons que nous avons une mission de service public donc que nous devons aller à la rencontre d’un public qui ne vient pas forcément de lui-même au théâtre, et aussi d’amener le public fidèle du Théâtre 14 à découvrir d’autres théâtres. Par exemple, comme le théâtre était en travaux, nous avons mis en place un parcours spectateur pour découvrir des spectacles de danse, de théâtre, de spectacles musicaux passant de Robert Wilson à Christiane Jatahi ou encore Daniel Larrieu…
Nous avons la chance d’être voisin d’un centre d’animation foisonnant. Nous avons décidé d’aller vers eux en programmant des pièces dans le hall. Le théâtre sera un lieu toujours ouvert, un café la journée où tout le monde peut venir travailler ou boire un café. Nous aimerions créer un accueil inconditionnel, ce que réussissent très bien les bibliothèques. Il n’y a pas de barrière psychologique pour rentrer dans un café alors qu’il en existe pour entrer dans un théâtre.

En tant que théâtre municipal, nous avons une mission de service public, et nous devons donc aller à la rencontre de ce public qui ne vient pas forcément de lui-même au théâtre.

Mathieu Touzé
Codirecteur du théâtre 14

À quoi peut s’attendre le public pour 2020 ? Une programmation plus contemporaine ?

C’est vrai qu’on a voulu mettre en avant des figures très importantes de la création actuelle, les têtes de file que sont Pascal Rambert, Olivier Py ou Anne Théron, par exemple. Pascal Rambert nous fait un gros cadeau en ouvrant la saison les 20, 21 et 22 janvier avec un triptyque de spectacles : « Le début de l’A » (le 20 janvier) qu’il avait écrit pour la Comédie-Française, « Clôture de l’Amour » (le 21 janvier), créé pour le festival d’Avignon il y a 10 ans, et on boucle le mercredi 22 janvier avec « La Reconstitution de l’Amour », le dernier en date. C’est la première fois que ces trois spectacles seront présentés ensemble. En artiste phare, Anne Théron présente « Supervision » dès la semaine suivante, une création sur-mesure pour le Théâtre 14. C’est d’ailleurs notre toute première création ! C’est une artiste que nous connaissons depuis longtemps, que nous aimons beaucoup et c’est une femme. C’est incroyable, mais faire attention à programmer des femmes reste en 2020 un geste politique.

C’est assez rare pour être signalé ? Un manque de mixité dans le théâtre en général ?

Evidemment ! Et c’est encore plus préoccupant quand on regarde les personnes racisées. Regardez les programmations, elles sont dominées par des hommes blancs d’un certain âge. Le théâtre c’est un lieu qui parle de la société à la société. Si la société n’est pas représentée alors ce n’est pas un théâtre. C’est autre chose. Nous faisons de la programmation aujourd’hui donc nous sommes responsables face à la « non-mixité du théâtre ». Mais ce sont des questions que les personnes plus âgées que nous se posent mais qu’ils ont du mal à gérer. Notre chance, c’est que nous venons de différents milieux sociaux, nous ne venons pas du théâtre, nous avons grandi avec une société mixte en tout point.
Quand nous avons créé la programmation, nous avons fonctionné au coup de cœur. Car nous avons des visions du théâtre différentes, des envies différentes, mais nous sommes tous tournés vers un désir de textes et de performances de l’acteur au centre du plateau. Nous avons programmé nos coups de cœur, nos « maîtres à penser », nos metteur.ses. en scène qui ont construit les artistes que nous sommes et aussi les artistes que l’on désire rencontrer. A la fin, il y avait des femmes metteuses en scène, des hommes, des blancs, des noirs. La programmation est à l’image de notre entourage. Malgré tout, nous travaillons encore sur la déconstruction, cette programmation est loin d’être représentative de toute la société. Rien n’est acquis. Nous faisons des tentatives, nous espérons qu’elles participeront à changer le monde.
La nouvelle équipe d'artistes associés apportera un vent de renouveau à la programmation du Théâtre 14
Crédit photo : Cédric Rouillat

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