Le saviez-vous ?

2700 têtes sont tombées place de la Révolution

Mise à jour le 19/09/2022
"Thomas Arthur de Lally, condamné par arrêt du Parlement de Paris à avoir la tête tranchée, en place de Grève, le 8 mai 1766". Estampe anonyme. Paris, musée Carnavalet.
Cris de douleurs, suppliques des condamnés, couperet qui tombe et cadavres qui s’entassent… Vous n’êtes pas devant le dernier Wes Craven, mais bien à Paris, où les crimes les plus sordides ont été commis sous les auspices de la justice et sous l’œil amusé du bon peuple. Balade sur la piste de ces lieux emblématiques qui font aussi l'histoire de Paris… Âmes sensibles s'abstenir !

En place de Grève (4e), on torture et on exécute

L’actuelle place de l’Hôtel de Ville n’a pas toujours abrité le pouvoir municipal. Depuis le Moyen Âge et la mort de la femme de lettres et libre penseuse Marguerite Porette, sur le bûcher le 1er juin 1310, la place de Grève fut pendant des siècles le lieu des exécutions capitales.
C’est là que le célèbre bandit Cartouche fut roué en 1721. Ici aussi qu’officia Charles-Henri Sanson à partir de 1757, quand il assista son oncle, le bourreau Nicolas-Charles-Gabriel Sanson, dans l’exécution de Robert-François Damiens. Chez les Sanson, on exerçait la charge d’exécuteur des hautes œuvres en famille. On avait l’habitude de ce qu’on faisait et l’on mettait du cœur à l’ouvrage. Mais les bourreaux aussi ont leurs moments de faiblesse, et l’exécution de Damiens fut si horrible qu’elle hanta longtemps le jeune Charles-Henri. Son oncle renonça quant à lui à exercer sa charge.
Rendu coupable du crime de lèse-majesté sur la personne de Louis XV le 5 janvier 1757, Damiens avait été condamné à être écartelé.
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Exécution de Robert François Damiens, place de Grève, le 28 mars 1757. Gravure, B.N.F.
Exécution de François-Robert Damiens le 26 mars 1757 en place de Grève
Crédit photo : Roger-Viollet / Roger-Viollet
Un procès à charge et un séjour de deux mois à la Conciergerie, pendant lequel il est abondamment torturé, sont le prélude de l’exécution la plus sanglante de tous les temps. Elle a lieu le 26 mars 1757. Entravé par des chaines, le malheureux Damiens est tenaillé aux mamelles, aux bras, aux cuisses et au gras des jambes où du plomb fondu, de la cire chaude et de l’huile bouillante sont jetés. On lui attache à la main droite le couteau avec lequel il a poignardé le Roi, après l’avoir préalablement brûlé au fer rouge. Mais le pire est à venir : l’écartèlement.
Cette dernière opération fut très longue, raconte la Gazette d’Amsterdam. Les chevaux n’étant pas accoutumés à tirer, au lieu de 4 il en fallut 6. À plus de 60 reprises, ils tirèrent… Cela n’y suffisant pas encore, on fut obligé, pour démembrer les cuisses du supplicié, de lui couper les nerfs et de lui hacher les jointures. Les quatre membres détachés des cordages des chevaux et le tronc furent ensuite jetés sur un bûcher installé dans l’axe de l’échafaud.
Un supplice identique avait été infligé à Ravaillac le 27 mai 1610, régicide du bon roi Henry IV le 14 mai 1610, rue de la Ferronnerie (Paris Centre). Mais contrairement à Damiens, et après avoir subi des sévices identiques, il eut la chance d’expirer à la deuxième ou troisième tirade des chevaux…
L’exécution de Damiens fut la dernière condamnation par écartèlement en France.
Sur le sujet, on conseille la lecture de l’incipit de Surveiller et Punir, de Michel Foucault (1975) : les détails y foisonnent…

Au gibet de Montfaucon (10e), on pend et on expose les dépouilles

Situé à 150 mètres de l’actuelle place du Colonel Fabien, le gibet de Montfaucon a de quoi faire frémir. Aujourd’hui fréquenté par les aficionados du canal Saint-Martin, ce sordide endroit fut pendant des années une potence où les condamnés étaient pendus et les dépouilles exposées.
Véritables distractions publiques, les pendaisons s’y sont enchaînées pendant 6 siècles, depuis celle d’Enguerrand de Marigny, bras de droit de Philippe le Bel, tombé en disgrâce et pendu le 30 avril 1315, jusqu’en 1760. Aux XIVe et XVe siècles, l’activité du gibet battait son plein et il arrivait que 50 cadavres soient exposés en même temps. Si l’on considère un temps d’exposition de plusieurs mois dans certains cas, on peut aisément imaginer les Parisiens d’antan se retrouvant sous le célèbre parallélépipède pour jouer à « qui est qui ? »…
Charles Daubigny (1817-1878). "Gibet de Montfaucon - Notre-Dame de Paris", édition Perrotin, 1844, page 482. Estampe. Paris, maison de Victor Hugo.
Charles Daubigny (1817-1878). "Gibet de Montfaucon - Notre-Dame de Paris", édition Perrotin
Crédit photo : Maisons de Victor Hugo / Roger-Viollet
Pour une description détaillée, on conseille Notre-Dame de Paris : Victor Hugo y décrit très bien le lieu à la fin du roman.

Rue de Béthizy (4e), prélude du massacre de la Saint-Barthélemy

En cette fin du mois d’août 1572, Paris suffoque. Les princes de France et de Navarre sont réunis pour célébrer le mariage du roi de Navarre, le futur Henri IV, avec la princesse Marguerite de Valois. Dans une France en proie aux guerres de religion, les tensions entre catholiques et protestants ne demandent qu’à éclore…
Le 22 août, un peu avant midi, l’Amiral de Coligny, le chef des protestants, est blessé d’un coup d’arquebuse tiré par Maurevert, un fidèle de la reine Catherine de Médicis. La tentative d’assassinat met le feu aux poudres. Les protestants crient au meurtre et réclament vengeance. C’en est trop pour des catholiques chauffés à blanc. « Tue, Tue… », entend-on déjà çà et là dans la ville.
François Dubois (1790-1871). "Massacre de la Saint-Barthélemy". 1810-1870. Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts.
François Dubois (1790-1871). "Massacre de la Saint-Barthélemy". 1810-1870. Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts.
Crédit photo : Heritage Images / TopFoto / Roger-Viollet
Le lendemain, malgré la promesse faite par le Roi Charles IX de venger l’Amiral, le tocsin résonne : le massacre de la Saint Barthélemy commence. « Tue, tue… ». À bas l’engeance hérétique, à mort les protestants ! Il faut les tuer, tous ! « Pour ne pas qu’un seul d’entre eux puisse me reprocher la mort des autres », aurait dit Charles IX. Un commando dirigé par le duc de Guise se rend au domicile de l’Amiral, au 144 rue de Béthisy dans le 4e arrondissement. Coligny est dagué dans son lit par un dénommé Besme, avant d’être défenestré.
Le corps décapité de l’Amiral sera éviscéré et émasculé, puis trainé dans les rues et jeté dans la Seine, où il pourrira trois jours avant d’être retrouvé et exhibé au gibet de Montfaucon. La mort de Coligny annonce celle de plus de 3000 personnes les jours qui suivent à Paris, et de plusieurs dizaines de milliers partout en France.
Sur le sujet : Paris ma bonne ville, de Robert Merle
La Reine Margot d’Alexandre Dumas et, bien sûr, le chef-d’œuvre éponyme de Patrice Chéreau

Place de la Révolution (8e), ascenseur pour l’échafaud

Énumérer précisément les têtes tombées sur l’actuelle place de la Concorde relève de l’impossible. Et si nul n’y est tenu, au moins de la gageure !
Sous la Révolution, c’est Charles Henri, dit le « grand Sanson », qui officie. On l’a vu plus haut, il a du métier, puisqu’il l’exerce depuis l’effroyable exécution de Damiens en 1757.
Beau / Fious "Fin tragique de Louis XVI exécuté le 21 janvier 1793 sur la place Louis XV dite place de la Révolution". Estampe. Paris, Musée Carnavalet.
Beau / Fious "Fin tragique de Louis XVI exécuté le 21 janvier 1793 sur la place Louis XV dite place de la Révolution". Estampe. Paris, Musée Carnavalet.
Crédit photo : Musée Carnavalet / Roger-Viollet
Le 25 avril 1792, Charles Henri Sanson actionne le couperet de la guillotine pour la première fois. Il tombera des milliers de fois jusqu’en 1795. Pas moins de 2700 têtes ont roulé dans le panier en 3 ans. On retiendra celles de Louis XVI, Marie-Antoinette, des montagnards en général (Robespierre, Danton, Saint-Just, Desmoulins), des Girondins en particulier (Mme Roland, Olympe de Gouges), et d’autres personnalités telles Charlotte de Corday et Fouquier-Tinville, l’accusateur public du Tribunal révolutionnaire « institué pour punir les ennemis du peuple » le 10 juin 1794, en grande partie responsable de l’amputation de toutes les autres.
Ce n’est qu’en octobre 1795, à la chute de la Convention et à l’installation du Directoire, que les têtes cesseront de tomber et le sang de couler. Place de la Concorde en tout cas…

Devant le Mur des Fédérés (20e), la fin d’un rêve

C’est devant l’enceinte du cimetière du Père-Lachaise que meurt « la Sociale » le samedi 27 mai 1871, à la fin d’une semaine sanglante de combats acharnés entre les communards et l’armée versaillaise. Ce jour-là, aux cris de « Mort aux bourgeois » et de « la Commune ou la mort », 147 soldats de la Commune sont fusillés devant l’enceinte, dos au mur. Les corps sont jetés dans une fosse commune creusée à son pied. La vermine rouge est écrasée et les espoirs d’une république sociale s’envolent définitivement.
Le Cri du Peuple, le chef-d’œuvre de Tardi-Vautrin, met en exergue cet épisode tragique et les symboles qu’il emporte avec lui.
La Commune. Le mur des Fédérés. Paris, 28 mai 1871.
La Commune. Le mur des Fédérés. Paris, 28 mai 1871.
Crédit photo : Roger-Viollet / Roger-Viollet
Notre balade sanglante s’achève ici. Il est des lieux moins connus dans Paris, des lieux narrés par les bons écrivains où l’Histoire et les histoires se rencontrent… Des lieux qui ont fortement inspiré l’imaginaire des grands romanciers et que nous aurons bientôt l’occasion de partager avec vous.

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