Reportage

À Belleville, une colocation solidaire pour exilé·e·s LGBTQI+

Mise à jour le 24/09/2020
Réfugié LGBT
Depuis mi-août, trois réfugiés LGBTQ+ partagent un appartement à Belleville, mis à disposition par la Ville de Paris. Dans ce quatre pièces, les locataires peuvent souffler, à l’abri des violences dues à leur orientation sexuelle qui les ont fait fuir leur pays.
« C’est joli, c’est beau, c’est grand. Ça donne envie d’inviter des amis », s’enthousiasme Michel. Trois chambres, un salon lumineux avec un canapé, quelques fauteuils et même une terrasse avec vue sur les toits pour « faire des barbecues ». « C’est un truc de dingue, je m’attendais pas à ça, c’est incroyable », appuie le jeune homme de 18 ans, le regard plissé par l’émotion.
Depuis plus d'un mois, il partage cet appartement du quartier de Belleville (20e) avec M. et Y., demandeurs d’asile. Ce logement de soixante-dix mètres carrés a été mis à disposition à l’association Basiliade par la Ville de Paris via son bailleur social Elogie-Siemp. Les six premiers mois de loyers sont payés par l’association Abbé-Pierre.
« Chez nous, être homosexuel, ce n’est pas pareil qu’ici. C’est une abomination », explique Michel, demandeur d’asile depuis janvier 2020. « J’ai quitté la Côte d’Ivoire pour rejoindre mon père en Ile-de-France en 2015. J’ai eu des soucis avec mes parents quand ils ont découvert mon orientation sexuelle. Mon père m'a bastonné. Il a découvert une application de rencontre, Grindr, sur mon téléphone. Il m'a mis à la porte. Je ne savais pas où aller. J'ai dormi à la rue, j'ai squatté en échange de relations. »

Je pensais que j’allais passer le reste de ma vie d’un endroit à l’autre. J’avais la rage. »

Michel
DEMANDEUR D'asile
Il trouve alors un contact auprès d’une structure Africa Arc-en-Ciel qui le met en relation avec Basiliade, association médico-sociale d’accompagnement des personnes en situation de précarité, notamment celles atteintes du VIH. « Ils m’ont dit, tu restes où tu es, nous allons chercher pour toi un hébergement. J’étais un peu perturbé dans ma tête. Je mangeais, sans appétit, juste parce qu’il fallait survivre. Je suis resté à l’hôtel dans le 17e un mois, puis dans un autre dans le 20e pendant le confinement. Je ne savais pas qu’il y avait ce projet d’appartement. Je pensais que j’allais passer le reste de ma vie d’un endroit à l’autre. J’avais la rage. »
Comme Michel, les colocataires gardent en mémoire les situations difficiles qu’ils ont vécues. Alors, cet appartement, c’est un endroit « safe ». Pour M., Sénégalais détenteur du statut de réfugié en Grèce, le chemin vers l’apaisement est encore long. Avec l’aide de Basiliade et ses psychologues, il tente de se défaire des flashs qui le prennent encore la nuit, seul dans sa chambre. Celles de ses trois années au camp de Moria, à l’île de Lesbos, en Grèce.
Réfugié LGBT
Crédit photo : François Grunberg/ Ville de Paris
Les yeux rougis, il raconte la fuite de son pays, le Sénégal, fin 2014 « ma famille n’a pas accepté mon orientation. Ils m’ont dit, si tu n’arrêtes pas, tu vas être tué. » Il rejoint la Gambie. « Même si la situation est la même, là-bas, personne ne me connaissait. » Puis la Turquie, avant d'arriver en Grèce, au camp de refugiés. « Là-bas, il y a des gens avec des couteaux, des barres de fer qui veulent te faire du mal. » En France, il passe des nuits à la rue, puis dans les hôtels sociaux. « Quand tu vis dehors, quand les gens connaissent ce que tu es, ils sont capables de te faire du mal », poursuit le jeune homme de 20 ans.

« Dans les centres d’hébergement partagées, ceux qui n’arrivent pas à cacher leur orientation sexuelle, cela peut être source d’ennui, d’agression. Ils peuvent subir des violences, des brimades »

Noemi Stella
doctorante à l’origine du projet
Noemi Stella, doctorante à l’origine du projet, accompagne les trois hommes dans le cadre de sa recherche-action avec Basiliade sur la précarité des personnes LGBTQ+ en Ile-de-France. Elle suit 37 personnes, la majorité originaire d’Afrique subsaharienne, dont certains pays interdisent ou répriment l’homosexualité. « Dans les centres d’hébergement partagé, pour ceux qui n’arrivent pas à cacher leur orientation sexuelle, cela peut être source d’ennui, d’agression. Ils peuvent subir des violences, des brimades », souligne la doctorante. Dans cette colocation, « je me sens en sécurité », assure M. « Mon homosexualité, ici, tout le monde s’en fiche », poursuit-il alors que Michel opine.
Au quotidien, l'association les accompagne afin qu'il puisse devenir autonome. La chargée du projet, Noemi, veille sur eux, leur rend visite de temps en temps. Les colocataires ne lui cachent pas leur gratitude. Elle a orienté M. vers Kabubu, une structure qui veut faciliter l'inclusion des personnes réfugiées à travers le sport, pour des séances de foot et de basket. Un accompagnement psycho-social avec des médecins, des psychologues, des travailleurs sociaux et des chargés d’insertion est mis en place. Basiliade aimerait ouvrir prochainement une colocation pour femmes, puis une troisième mixte. Parce qu'ici, conclut Michel, « on s'ouvre les uns aux autres, c'est comme une famille, on s'entraide ».

Avec Kabubu, réfugié·e·s et bénévoles se rencontrent le temps d'un match

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