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Yves Sintomer: «Paris est une source d’inspiration»

Mise à jour le 05/04/2019
Yves Sintomer, professeur de science politique (Université de Paris 8) et chercheur au Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris, livre son regard sur la participation citoyenne dans la capitale.

Yves Sintomer est professeur de science politique (Université de Paris 8) et chercheur au Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris.
Crédit photo : CNRS / Cyril Fresillon

Existe-t-il une tradition de participation démocratique parisienne?

Le tissu associatif parisien extrêmement dense contribue à la forte implication des citoyens à la vie de la cité. Par ailleurs, depuis 2014, une tradition de participation institutionnelle a commencé à se développer de façon forte par rapport à d’autres villes. C’est une dynamique qui s’est fait sur des services assez différents, mais plutôt sur des projets de proximité ou de moyenne ampleur.

Quels sont les enjeux de la participation citoyenne?

Nous arrivons à un moment d’épuisement de nos systèmes représentatifs, qui avaient été stables en Europe occidentale depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous traversons une crise de la confiance dans la représentation politique et dans les partis politiques. La participation citoyenne permet potentiellement de retrouver une légitimité politique des institutions, de dessiner un autre modèle que celui auquel nous sommes habitués. Les citoyens, lorsque les dispositifs mis en place sont de qualité, peuvent avoir la sensation de peser sur les cadres de leurs propres vies. En revanche, si la qualité des dispositifs n’est pas au rendez-vous, cela peut renforcer la frustration, compte tenu de l’énergie et le temps consacré qui ne sont pas couronnés par des résultats.

Quelles sont ses difficultés propres?

La première n’est pas négligeable: il s’agit de réussir à transformer des pratiques, des fonctions administratives pour qu’il y ait un engrenage entre l’administratif et la participation citoyenne. Ces deux univers parallèles ne se rencontraient guère. La deuxième difficulté réside dans le choix des instruments : ils doivent être bien pensés, bien utilisés. Cela ne s’improvise pas, cela passe par des formations ou une délégation à des bureaux d’études spécialisés. Ensuite, la participation doit toucher tous les publics, notamment les populations les plus précarisées et les jeunes. Les dispositifs qui se déplacent dans les lieux où ces populations résident, le recours à des modes de participation plus ludiques et le ciblage de thèmes peuvent être employés pour susciter l’intérêt de ces publics plus éloignés de la participation politique. Enfin, pour réussir, il ne faut pas la cantonner à des petites questions, mais, même s’il s’agit d’affaires de proximité, remettre celle-ci dans un contexte d’enjeux plus globaux.

Au niveau international, quelles sont les autres villes comparables à Paris?

Paris est aujourd’hui une des villes en pointe sur ces thématiques. A Barcelone et Madrid, les personnes qui gèrent la municipalité sont issues des mouvements civiques. Ce qui entraîne une porosité entre la société civile, le monde associatif, les mouvements citoyens et l’action municipale. Par exemple, à Madrid, une assemblée citoyenne est tirée au sort pour assurer le co-pilotage du système participatif. A l’échelle municipale, le référendum d’initiative citoyenne a été mis en place. Dans les villes nordiques, l’administration fonctionne au quotidien avec les habitants dans une démarche de co-construction. Les villes suisses, aussi, sont à citer : elles disposent d’instances de démocratie directe.

Quel regard vous portez sur l’action de Paris sur le Budget Participatif ? Sur la démocratie participative en général?

Le Budget Participatif est un exemple de bonne pratique, innovant et largement réussi. Il a suscité un élan à d’autres villes comme Rennes, Montreuil ou Grenoble qui l’ont adapté sur leur territoire. L’exemple de Paris a été une source d’inspiration et suscite des attentes à l’échelle européenne et internationale. Il a permis de transformer les pratiques administratives, d’avantager la commande citoyenne et d’amener la réussite d’un grand nombre de projets.
Pour passer l’épreuve du temps et rester en pointe, il faudrait cependant continuer d’innover à une échelle supérieure, par exemple avec des assemblées citoyennes ou des référendums municipaux.

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