Refugee Food Festival : Salimatou Diallo, une passion mijotée depuis l’enfance

Portrait

Mise à jour le 18/06/2025

Salimatou Diallo,  cheffe formée par Refugee Food, assise au restaurant les Marmites Volantes (Paris 19e).
Du 8 au 29 juin, le Refugee Food Festival permet à des personnes réfugiées de passer derrière les fourneaux d’un restaurant le temps d’un service. Associée à Célia Guadarrama, la cheffe des Marmites volantes (19e), Salimatou Diallo va préparer un menu pour près de 200 convives le 24 juin. Et celui-ci sera à l’image de cette femme née en Guinée, qui a vécu au Sénégal et a obtenu l’asile en France.
« La première fois que j’ai rencontré Salimatou, on a beaucoup parlé de cuisine. Car la cuisine, c’est universel. Lorsque tu fais un mijoté de bœuf, si tu mets du vin rouge, c’est un bourguignon. Mais si tu ajoutes du beurre de cacahuète, c’est un mafé. C’est ça qui permet d’échanger aussi facilement avec les autres », sourit Célia Guadarrama, la cheffe du restaurant Les Marmites volantes (19e), où elle et Salimatou Diallo sont attablées en ce début d’après-midi.

« C’est mon plaisir de les voir apprécier mes plats »

La première travaille ici depuis trois ans en tant que cheffe. La seconde est arrivée en France en 2020 pour y demander l’asile en tant que réfugiée politique. Celle qui est née en Guinée et a longtemps vécu au Sénégal détaille : « Mon arrivée en France a été très compliquée : j’étais enceinte, je ne connaissais personne, je ne savais pas comment faire pour déposer une demande d’asile. Tout ça en pleine pandémie de coronavirus. Je n’avais pas rencontré d’assistante sociale, donc cela a complexifié les démarches. J’ai dû dépenser beaucoup d’argent pour me loger, accéder à des soins à l’hôpital. »
Finalement, Salimatou Diallo est prise en charge et hébergée au CADA (Centre d’accueil pour demandeurs d’asile) de Bercy (12e). Elle vit alors seule avec 200 euros par mois, loin de son mari et de leurs quatre enfants restés en Afrique. Pour subvenir à ses besoins, elle travaille ensuite comme femme de chambre. Un métier à mille lieues de son précédent emploi en Guinée, dans le commerce de vêtements, et qu’elle n’apprécie pas. Mais à l’époque, Salimatou n’a pas vraiment le choix. Tout a changé grâce à l’association Metishima, qui œuvre à l’insertion professionnelle de personnes exilées en France.
« Lorsqu’on m’a demandé ce que j’aimerais faire comme travail, j’ai répondu cuisinière. Car la cuisine est une vraie passion pour moi. J’ai commencé à cuisiner avec ma mère, lorsque j’avais 9 ou 10 ans. Nous cuisinions à la maison et nous vendions la nourriture dehors. Et j’ai gardé cette envie-là. Quand je vois mes amies, c’est toujours moi qui cuisine, parce que je me réjouis de les voir apprécier mes plats. Ça les amuse, elles disent : "Quand on vient chez toi, c’est toi qui cuisines, mais quand tu viens chez nous, c’est toi aussi qui cuisines" », lâche-t-elle dans un éclat de rire.

« Ce sera son grand jour de cheffe »

Formée pour devenir commis de cuisine via le programme de Refugee Food, Salimatou Diallo travaille depuis sept mois à la cantine de la Cité des réfugiés (13e), un lieu géré par l’association. Chaque jour, elle et ses collègues préparent des repas pour près de 350 personnes. Un volume qui n’effraie pas la femme de 41 ans, désormais entourée de sa famille, et qui souhaiterait trouver un emploi dans la restauration collective une fois son contrat terminé.
« C’est pour répondre à son envie que nous avons été mises en contact. L’objectif du festival est d’accueillir un chef réfugié pour cocréer un menu. Aux Marmites volantes, outre le restaurant, nous faisons traiteur et nous proposons des livraisons de repas. On s’est dit que cela pourrait très bien s’y prêter ! C’est pourquoi, le mardi 24 juin, les gens pourront venir au restaurant ou commander : on compte servir environ 200 repas. Ce jour-là, il y aura uniquement le menu de Salimatou et moi à la carte, et toute l’équipe travaillera pour ça. Ce sera son jour de grande cheffe ! » s’enthousiasme Célia Guadarrama.

Pour Salimatou, tout se fait à l’œil : elle est capable de dire à sa couleur si la sauce est cuite ou non !

Célia Guadarrama
Cheffe du restaurant « Les marmites volantes »
Pour préparer cette carte qui fait la part belle aux spécialités guinéennes et sénégalaises, les deux femmes se sont déjà retrouvées à deux reprises au restaurant. D’abord pour réfléchir au menu, puis pour expérimenter certaines recettes. « J’apprends beaucoup au côté de Salimatou, assure la cheffe des Marmites volantes. Par exemple, pour vérifier la cuisson des sauces, en France, on passe plus de temps à goûter qu’à regarder. Pour Salimatou, tout se fait à l’œil : elle est capable de dire à sa couleur si la sauce est cuite ou non ! »
Pour concocter ce menu spécial du mardi, les deux femmes et l’équipe du restaurant seront à pied d’œuvre dès le lundi. Notamment pour préparer – et soigneusement plier – les 200 pastels (beignets farcis) ou pour faire mijoter les bouillons permettant de réaliser la sauce gombo (composée de crevettes, de bœuf, de maquereaux et d’une épice « magique » : le soumbala). « Proposer ce repas dans un restaurant me rend fière, même si c’est stressant, confie Salimatou Diallo. Mais avec Célia, je sais que ça va aller. »
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