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Actualité

Les librairies parisiennes à l'heure de la réouverture

Mise à jour le 05/10/2021
La librairie le Divan - 203 rue de la Convention
Autorisées à rouvrir leurs portes le 11 mai dernier, les librairies indépendantes sont loin d'être restées en veille durant le confinement. Adaptation à la fermeture forcée, reprise de l'activité, fréquentation et conseils de lecture, on fait le point après trois semaines de réouverture en compagnie de la crème des libraires de la capitale…
Trois libraires ont répondu avec générosité à nos questions: Aurélie Garreau du Monte en l'air dans le 20e, Mathilde Guiraud de la librairie Delamain dans le 1er, ainsi que Mickaël Kobler de l'Usage du monde dans la 17e. Qu'il et elles en soient remercié·e·s.

La vie de la librairie pendant le confinement

Aurélie Garreau: La librairie a été fermée complètement du 22 mars au 16 avril, puis à partir du vendredi 17 avril, et jusqu'au 10 mai, nous avons proposé le système de click & collect, qui a été accompagné d'une communication massive sur les réseaux sociaux sur la richesse se notre fonds. Pendant le confinement, les clients étaient perdus, l'impossibilité de flâner en librairie risquait de leur faire perdre leur appétence, il fallait leur donner envie à distance avec des sélections singulières et de l'enthousiasme. A raison de plusieurs posts par jour (des milliers de photos au total): photo de l'intégralité des fonds de la lettre A à la lettre Z (littérature française, histoire, philo, bande dessinée…), sélections thématiques, mise en avant d'un titre dans tous les domaines (jeunesse, littérature, art, sciences humaines, bande dessinée…) nous avons réussi, Guillaume et moi [tous les deux sont cogérants, ndlr], à atteindre 65% du chiffre d'affaire habituel.
Mathilde Guiraud : La librairie Delamain est restée complètement fermée du 16 mars au 11 mai. Nous n’avons pas voulu pratiquer le click & collect pour plusieurs raisons, en premier lieu parce que c’était aller contre les consignes sanitaires. De plus, nous n’étions pas équipés pour limiter suffisamment les risques ; nous le sommes aujourd’hui: masques, gel, vitre plexi en caisse… Mais surtout, nous voulions protéger l’équipe et ne pas faire prendre de risques aux libraires, qui vivent tous loin de la librairie. Pendant deux mois, la librairie a été très présente sur les réseaux sociaux (instagram et facebook) en proposant des conseils de lecture, des jeux autour de la littérature, etc. Cela nous a permis de maintenir le contact avec nos clients et amis. Il est un peu tôt pour mesurer l’impact économique de cette fermeture sur le long terme. En revanche, l’impact émotionnel a été réel pour nous et nos clients fidèles : la librairie nous a manqué et les retrouvailles ont été intenses. La reprise est enthousiasmante à plus d’un titre !
Livres dans une librairie
Crédit photo : Guillaume Bontemps / Ville de Paris
Mickaël Kobler : La fermeture de la librairie a été très brutale. Nous avons fermé le samedi 14 mars au soir sans savoir qu’il nous serait impossible de rouvrir le lendemain. Après un mois, la question de la réouverture s’est posée. Fallait-il rester fermé coûte que coûte ? Devions-nous ouvrir partiellement ? Nous avons pris en compte les nombreuses sollicitations émanant des lecteurs du quartier. Je pense qu’une librairie de proximité doit pouvoir s’adapter aux demandes et aux besoins des clients. La mise en place d’un accueil de retrait des réservations à partir du 21 avril a été très bien accueillie. Cela nous a permis de recommencer à travailler et de montrer que nous sommes là pour nos lecteurs.

L'adaptation aux contraintes sanitaires

Gel à disposition à l'entrée d'un commerce
Gel à disposition à l'entrée d'une librairie
Crédit photo : Joséphine Brueder / Ville de Paris
AG : Un aquarium en plexi à la caisse, des masques et du gel à l'entrée, maximum 10 personnes simultanément dans la librairie, des bancs et des chaises à l'extérieur… Et toujours, pour ceux qui le préfèrent, la possibilité de réserver et commander pour juste venir retirer sa commande. On est tous enchantés, l'équipe et les clients je crois.
MG : Ce qui a changé, ce sont surtout les contraintes matérielles : la librairie est ouverte 10 heures par jour sans interruption, et porter un masque tout le temps n’est pas évident. Je n’ai jamais pensé qu’un jour j’accueillerais mes clients en leur demandant de se désinfecter les mains au gel avant d’entrer ! La librairie Delamain dispose d’un espace très contraint, les mesures de distanciation sociale sont particulièrement difficiles à appliquer, c’est pourquoi nous demandons à tous nos clients de porter un masque à l’intérieur. Il y a toujours quelques râleur·se·s, mais ça c’est habituel ! Globalement, ça se passe très bien, nos clients comprennent et la joie de retrouver la librairie prend le dessus. Au début, nous avons eu peur que la pratique de notre métier soit bouleversée, mais finalement, une fois qu’on s’est fait au masque, on a tous repris nos habitudes de libraires. On range, on conseille, on accueille. Le plaisir d’exercer ce métier n’est pas gâché par le dispositif sanitaire.

Les client·e·s de retour à la librairie

AG : Nous avons beaucoup plus de monde qu'avant dans la librairie (mais c'est fluide et étalé sur la journée) et énormément de commandes et de réservations via Place des libraires. On sent que les photos du fonds pendant les 2 mois de confinement ont amené une nouvelle clientèle et que les gens ont grand plaisir à nous retrouver. Du 11 mai au 24 mai, notre chiffre a progressé de 130 %, on n'est donc vraiment pas à plaindre, et on pense tout particulièrement aux librairies récentes pour qui c'est très dur.
Une Librairie de Paris
Librairie de Paris
Crédit photo : Guillaume Bontemps / Ville de Paris
MG : La fréquentation est en baisse, mais c’est normal : la librairie Delamain est au cœur du centre culturel de Paris, entre la Comédie-Française, le Louvre et le ministère de la Culture, trois institutions qui fonctionnaient au ralenti ou pas du tout à cause de la crise sanitaire. En revanche, nous voyons beaucoup de Parisiens qui méconnaissent le quartier et le fréquentent peu d’habitude à cause de l’afflux de touristes. Là, ils redécouvrent un arrondissement superbe, calme, et s’y baladent volontiers, visitant la plus vieille librairie de la capitale au passage [Delamain a été fondée en 1708, ndlr]. Après deux mois de confinement, on a tous besoin de retrouver ces rapports humains qui nous ont manqué. Et les lecteurs sont avides de conseils, on a l’impression qu’ils redécouvrent le plaisir de lire du fonds, des classiques, qu’ils ont eu le déclic pour enfin se lancer dans la lecture de ce livre auquel ils pensent depuis longtemps, etc… D’ailleurs, ils sont nombreux à se lancer dans A la recherche du temps perdu, une de nos meilleures ventes post-confinement !
MK : Depuis la réouverture la librairie ne désemplit pas. Les habitants du quartier des Épinettes sont très attachés au lieu, et ils nous témoignent quotidiennement leur plaisir de retrouver leur librairie indépendante. Ils respectent les gestes barrières et les consignes mises en place lors de leur venue. Et il y a beaucoup de sourires, de messages de soutien et d’encouragements. En ce qui concerne notre métier de libraires, nous sommes heureux de pouvoir à nouveau échanger autour des livres et conseiller nos clients. Je note aussi que les pratiques mises en place lors de l’ouverture partielle qui concernent la réservation des livres perdurent. Les clients ont acquis ce réflexe et pensent davantage à préparer leurs commandes à l’avance.

Une mini rentrée littéraire ?

La librairie le Divan - 203 rue de la Convention
Crédit photo : Henri Garat / Ville de Paris
AG : Ce que je peux dire, c'est qu'une trêve des offices, c'est enfin la possibilité pour les libraires de travailler un peu plus sereinement, et de laisser le temps aux livres nouveaux d'exister (Pleine de grâce de Gabriela Cabezon Camara, Croc fendu de Tanya Tagaq, Ça fait longtemps qu'on s'est jamais connu de Pierre Terzian) tout en faisant une place sur table à d’indispensables livres de fonds : Les Saisons de Maurice Pons, La Gana de Fred Deux, Annie Ernaux, Joseph de Marie-Hélène Lafon, Grisélidis Real, Le Suppléant de Fabrizio Puccinelli…
MG : Les premiers offices se sont concentrés essentiellement sur des titres forts et très attendus, mais nous continuons à vendre les nouveautés de mars. C’est rassurant car il y a eu une inquiétude que ces livres de début mars soient les grands « sacrifiés », mais les lecteurs ont retrouvé le chemin des librairies, et les livres ont du même coup trouvé leurs lecteurs. Cette pause dans la course aux nouveautés nous amène à nous interroger sur l’avenir du marché du livre. En tant que libraire, on touche au cœur de notre métier qui consiste aussi (surtout ?) à connaitre et mettre en valeur les fonds éditoriaux que nous n’avons d’habitude pas assez le temps d’explorer, car nous sommes abreuvés de nouveautés de façon ininterrompue. Retrouver le temps et le plaisir de conseiller du fonds, des titres qu’on n’a parfois pas pu laisser, quel plaisir !

3 conseils de lecture avec Mathilde Guiraud

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