« Pétrus, Mouton Rothschild, Romanée Conti, Dom Pérignon, Krug, toutes les grandes stars du monde viticole dorment ici » s'amuse Xavier Thuizat, chef sommelier de l'hôtel de Crillon, en nous accueillant dans la Cave d'Exception. Cette cave rassemble les plus grands crus, soit près de 2 000 bouteilles, sur les 40 000 que compte l’hôtel et qui dorment, elles, dans un lieu tenu secret des Hauts de Seine.

Après être sorti de l’école hôtelière de Tain l’Ermitage (26), Xavier entre directement dans les grandes maisons Bernard Loiseau à Saulieu, le Meurice, et Pierre Gagnaire. À 28 ans, il devient chef sommelier au Peninsula Paris, palace du 8^e et y crée la cave. Fort de cette expérience, il rejoint le Crillon où il exerce depuis 6 ans.

« J’ai été recruté avec cette mission incroyable de recréer la cave qui avait été vendue aux enchères avant les quatre ans de rénovation de l’hôtel. » Xavier met alors à profit ses 17 ans de visites dans les régions et se fixe pour règle de faire entrer dans sa cave uniquement les domaines qu'il a visités. Il rappelle l’ensemble des producteurs, soit 450 domaines pour 2 300 références et 40 000 bouteilles.

Xavier raconte qu'il cherche avant tout « un jus de terroir », une identité locale dans laquelle la main de l’homme et la technologie sont les moins perceptibles. « Par exemple, est-ce que je suis bien dans l’Hérault quand je goûte cette clairette du Languedoc ? Il y a une aromatique qui correspond à la vraie âme du cépage et du lieu et c’est quelque chose que perçois absolument. »

Par ailleurs, quand Xavier se décide pour un achat, c’est à 80 % motivé par la philosophie du vigneron ou de la vigneronne. Qu’il soit en Bordeaux, en Rhône ou en Bourgogne, c’est un peu secondaire parce que, comme il dit : « Je ne recrute pas l’appellation mais bel et bien une personne. » Ainsi, sa carte est assez atypique. Une grande place est faite, par exemple, à la Corse ou à l'Alsace avec pas moins de 90 Rieslings. « Pour moi c’est le cépage emblématique de la gastronomie ! »

Ce passionné se voit comme un prescripteur de plaisir. En plus d’acheter les boissons et les conseiller pour les vendre, il est là pour être une parenthèse dans la vie des gens et leur faire passer un moment unique. « Ma carte est comme un carnet de route, j'emmène en Corse, en Alsace ou en Italie. J’ai vu le domaine, j’ai senti le lieu et je peux raconter la vie et le travail du vigneron ou de la vigneronne. »

Le sommelier cherche aussi l’alliance parfaite pour créer l’émotion avec un plat et ses propositions doivent être en accord avec la cuisine du chef. Mais à l’Écrin, le restaurant étoilé de l'hôtel, à l’inverse d’autres établissements, c’est le vin qui dicte le menu. Le client n’a que la carte des vins sous les yeux, il choisit avec Xavier plusieurs vins et en fonction, le sommelier crée un menu sur mesure.

Tant de passion et de savoir-faire ont valu à Xavier le rare doublé d'être à la fois Meilleur Sommelier de France 2022 et Meilleur Ouvrier de France. Si le premier distingue un savoir encyclopédique et une technicité excellente, le deuxième récompense un savoir-faire et un savoir-être. C'est un titre à vie, avec un décret dans le Journal Officiel. « C’est une reconnaissance nationale du savoir-faire français, en France mais aussi à l’étranger, donc une grande responsabilité. »

Il y a quatre ans, Pascaline Lepeltier, cheffe sommelière, réussissait elle aussi ce doublé de Meilleure Sommelière de France 2018 et Meilleure Ouvrière de France. C'est elle qui représentera la France au concours du Meilleur Sommelier du monde, qui se déroule à Paris du 7 au 12 février.

Une jeune femme que Xavier a rencontrée et même entraînée pour le concours. « On lui avait préparé quelques pièges mais elle est très perspicace. C'est une vraie chance pour la France d’être représentée par Pascaline car à ce jour, pour moi c'est la meilleure ! Attention aux Pays baltes qui sont aussi très forts, mais je pense que c’est son année ! »

Organisée tous les trois ans par l’Association Internationale de la Sommellerie (ASI) la compétition voit se rencontrer près de 70 candidats représentant 67 pays lors de 4 jours d’épreuves de haut niveau, les mettant en situation professionnelle.

Cette édition a lieu à Paris, 34 ans après le dernier concours tenu en France. Pendant la semaine du concours, les délégations internationales sont reçues au Pullman Montparnasse où se tiennent les quarts et les demi-finales. L’annonce des demi-finalistes se fait dans le cadre prestigieux de l’Hôtel de Ville de Paris.

La finale et la cérémonie de clôture, organisées à Paris La Défense Arena sont ouvertes au grand public.

Cet événement est orchestré avec l’association de sommellerie du pays hôte, pour cette édition avec l’UDSF (Union de la Sommellerie Française) présidée par Philippe Faure-Brac, lui-même Meilleur Sommelier du Monde 1992.