Les commerçants témoignent à l'heure du déconfinement

Actualité

Mise à jour le 20/05/2020

Après des semaines de fermeture, plusieurs commerces rouvrent leur porte. Institut de beauté, librairie, salon de coiffure ou magasin de décoration, chacun s'est adapté aux nouvelles consignes sanitaires, et tous se disent plutôt confiants quant à cette reprise, tant que les mesures barrières sont respectées. Témoignages.

« En esthétique, l'hygiène est la base de tout, nous avons déjà les réflexes »

Elisabeth Castanet a rouvert son institut de beauté « Tout un Monde… » (37, rue Lamarck, 18e) où elle accueille ses clientes avec Perrine, son employée en contrat de professionnalisation.
Elisabeth et Céline de "l'Institut tout un monde..." 18e
« Nous avons ouvert le 11 mai au matin et nous sommes déjà complets jusqu’à fin mai. Je suis contente d'avoir repris ! J’avais un peu d’appréhension car il fallait tout préparer, mais aujourd’hui je suis rassurée. Financièrement, cela devenait un peu compliqué, même si j’ai pu avoir des aides. Ma propriétaire a accepté que je paye en plusieurs fois. J’ai décalé EDF et mes charges sociales ont aussi été reportées. J’ai mis mon employée au chômage partiel et obtenu un prêt de l’ Etat car il faut assurer nos arrières, au cas où. Par ailleurs, j’ai suivi une formation en visio-conférence pour avoir des conseils pour garder un lien avec mes clientes.
Aujourd’hui je suis contente de les revoir ! Nous suivons scrupuleusement les mesures barrières et les protocoles de protection, à la lettre, en fonction des prestations : masques, visières, gants, charlotte ou cheveux attachés, pas de bijoux, tablier jetable… L’hygiène en esthétique, c’est la base de tout, alors nous avons déjà des réflexes. Les clientes doivent porter un masque et se laver les mains en entrant et en sortant avec les gels qu’on met à leur disposition. On a prévu des sacs plastiques pour mettre les vêtements. On ne propose plus de magazines ou de boissons. Et c’est uniquement sur rendez-vous. Je laisse une demi-heure entre chaque cliente pour bien tout nettoyer et désinfecter : pas d’aspirateur, je lave tout au balai et à la serpillière. J’ai même enlevé des éléments de décoration pour faire place nette. Cela me fait perdre quelques rendez-vous, mais c’est nécessaire pour que tout se passe bien.
Je veux que les clientes se sentent à l’aise et protégées. On a affiché toutes nos consignes pour que ce soit clair pour tout le monde. Si chacun prend ses responsabilités, ça va aller. Il faut que cela reste un moment de détente. »

« On ne voit pas cela comme une contrainte, juste comme une nouvelle organisation »

Jeremy Derny a rouvert sa librairie indépendante « L'Impromptu » (48, rue Sedaine, 11e) avec sa collaboratrice Candice.
« Optimiste de nature, je reste positif sur cette reprise. On aura sûrement des conséquences financières, mais on va mettre le paquet sur la rentrée littéraire de septembre et les six mois à venir. Et puis par rapport aux bars et restaurants qui n'ont pas notre chance, on ne va pas se plaindre ! Il faut mettre en place certaines choses, mais nous sommes tellement contents de rouvrir qu'on ne voit pas cela comme une contrainte, juste comme une nouvelle organisation.
On a affiché nos consignes. La boutique fait 70m2, alors on limite à 3 personnes en même temps (on est déjà deux vendeurs). Nous demandons le port du masque aux clients (on en donne, si besoin) et ils doivent aussi se laver les mains en entrant et en sortant. Nous avons mis le gel qu'il faut. Ainsi, on peut laisser les personnes feuilleter ou même toucher les livres. C'est difficile d'empêcher ce rapport aux livres. Mais on est là et on joue peut-être encore plus notre rôle de conseil en leur présentant nous-mêmes les livres.
C'est d'ailleurs une chose qui était agréable pendant le confinement. Comme nous avons un système de click and collect, on a fait beaucoup de mise en avant d'ouvrages ou de conseils de lecture et on donnait rendez-vous, en toute sécurité, pour le retrait des livres, tout étant payé sur le site. Cela nous a permis de faire la moitié de notre chiffre d'affaires de l'an passé, à la même période. Aujourd'hui, c'est paiement sans contact et si ce n'est pas possible, on désinfecte à chaque fois la machine. Et comme il fait beau, on laisse la porte ouverte.
Les clients étaient au rendez-vous dès lundi. On a fait de bonnes journées. Les gens sont conciliants, ils comprennent les mesures. Ce qui est agréable, c'est que nous sentons un vrai élan de solidarité et de soutien du commerce de proximité. Nous pouvons compter sur nos lecteurs et cela fait vraiment plaisir. »

« S'il y a la queue, on peut aisément faire des marquages au sol dans la rue, le trottoir le permet »

Céline et Yann ont rouvert « été 85 », leur boutique indépendante de déco et lifestyle (38, rue Notre-Dame-de-Nazareth, 3e).
« On a ouvert dès le 11 mai, aux même horaires qu'avant. Nous avons eu des clients dès les premiers jours et nous avons fait deux très belles journées ce week-end. Nous avons eu un peu plus de monde samedi, mais nous avons géré correctement les flux. Le dimanche, c'est toujours plus calme car notre rue n'est pas commerçante. Pour la protection des clients, nous portons des masques et nous avons fait un sens de circulation. Il y a du gel hydroalcoolique à l'entrée et on limite le nombre de personnes à 3 dans la boutique. Et s'il y a la queue - ce qu'on aimerait bien ! -, on peut aisément faire des marquages au sol dans la rue, le trottoir le permet.
Nous sommes heureux de rouvrir car nous sommes un jeune magasin et nous n'avons pas encore de site internet. Du coup, nous n'avons pas pu faire de la vente en ligne pendant la fermeture. C'était assez frustrant, avec le sentiment de ne pas avancer. Nous avons bénéficié des 1 500 euros d'aide de l'Etat, mais nous avons un peu peur pour les mois à venir. Nous avons ouvert il y a un an, et heureusement, nous avions été prudents avec notre trésorerie. Notre première année s'est bien passée mais cela risque d'être difficile de progresser. Nous avons un peu le sentiment de recommencer à zéro et nous allons devoir remettre certains projets pour la boutique à plus tard.
Avec la consigne de ne pas trop s'éloigner et le soleil, les gens vont peut-être plus se balader dans les quartiers et nous découvrir. En tout cas , aujourd'hui, on sent que les clients ont envie d'acheter et ils ont envie de vert. Nous avons eu beaucoup d'achats de plantes, de vases et aussi de cadeaux pour rattraper les moments qu'ils n'ont pas pu fêter, comme Pâques par exemple. On a hâte de retrouver tous nos clients du quartier et d'en accueillir des nouveaux !"
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« Nous avons dû investir dans du matériel jetable : serviettes, peignoirs, gants, etc. »

Patrick Augustin, coiffeur visagiste a rouvert son salon de coiffure du même nom (23, rue Lavoisier, 8e).
Patrick Augustin et Stéphane
« Les clients sont vraiment contents de nous retrouver, et nous aussi ! Nous allons redémarrer tranquillement. Pour le moment, nous ouvrons à mi-temps et en effectif réduit : nous ne sommes que deux. Notre collègue a attrapé le Covid-19. Elle est encore en suivi médical chez elle. Dans mon entourage, beaucoup de personnes ont été touchées par ce virus. Pour moi, c'est un sujet sensible et je suis très reconnaissant envers le personnel soignant. D'ailleurs, je fais 20% de réduction pour tous les soignants. C'est ma façon de les soutenir.
Evidemment, nous suivons toutes les précautions que nous recommande notre profession. Gestes barrières en premier. J'ai aussi espacé les fauteuils, mis des paravents entre les personnes et nous espaçons aussi dans la zone de shampoing. Nous avons dû investir dans du matériel jetable : serviettes, peignoirs, gants, etc. Nous portons masques et visières et nous demandons le port du masque aux clients. Mais on ne facture pas 5 euros en supplément pour les fournir. On préfère que les gens viennent avec le leur, et si vraiment ils n'en ont pas, on leur donne. Les rendez-vous peuvent se prendre sur notre page Facebook et nous organisons au mieux.
Nous allons sortir un peu la tête de l'eau. C'était déjà difficile avec les manifestations, car on est dans un quartier de passage, donc on devait fermer. Puis il y eu les grèves et le confinement. Mais nous sommes de retour. Nous allons bien nous occuper de nos clients qui sont devenus bien touffus ! Il y a quelques catastrophes capillaires, notamment par rapport aux couleurs qu'ils se sont faites eux-mêmes. Alors en ce moment, on répare plutôt les dégâts ! »