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Vivre ensemble à Paris en 2018

Mise à jour le 29/05/2018
Rencontre avec Sophie Corbillé, maître de conférences au CELSA Université Paris-Sorbonne et chercheuse au GRIPIC (Groupe de recherches interdisciplinaires sur les processus d’information et de communication) sur les questions liées au monde urbain en contexte globalisé.

Paris est-elle une ville où il fait bon vivre ensemble en 2018?

La réponse doit être nuancée car des processus contradictoires peuvent être observés. Paris est une ville de plus en plus bourgeoise, mais de nombreuses personnes sont en situation de pauvreté; Paris est cosmopolite et socialement diverse mais des processus de ségrégation forts existent, notamment dans l’espace scolaire; etc. Reste que le «bon vivre ensemble» est un objectif de la mandature actuelle dont le projet, aux élections de 2014, insistait sur l’ambition de faire une ville «bienveillante» et solidaire. De nombreuses initiatives ont été menées dans ce sens: transformation des espaces publics, encouragement des pratiques associatives, mise en place de budgets participatifs, etc. Il faudra évaluer leurs effets et être attentifs à qui ces politiques bénéficient.

Peut-on toujours parler de gentrification de la capitale?

La gentrification, qui désigne l’embourgeoisement des quartiers populaires touche particulièrement depuis une vingtaine d’années les quartiers du nord-est. Il se poursuit aujourd’hui et, dans certains lieux bien localisés, on peut même parler d’hypergentrification tant le processus est intense. Il existe néanmoins encore des quartiers populaires, notamment là où le parc de logement social est important. Reste que la question des classes sociales et de leur présence dans la ville est un enjeu clé pour les grandes villes et Paris.

Constate-t-on à Paris ces dernières années une tendance au communautarisme, au repli sur soi, plus qu’à d’autres époques?

L’histoire est faite d’ouvertures et de replis et la «question identitaire» est régulièrement activée dans l’espace politique, ravivant la fabrication du «nous» et du «eux». Dans le contexte français, caractérisé par l’importance de la «République», il y a souvent une méfiance à l’égard de la notion de «communauté». Pourtant, elles peuvent constituer des espaces sociaux, économiques et symboliques positifs et riches en ressources pour les personnes, surtout dans les grandes villes. Mais, il est vrai aussi que l’usage qui en est parfois fait, peut conduire à une remise en cause du projet collectif.
Quand on regarde Paris, on observe toutes sortes de relations : des relations «blasées» comme les a qualifiées le sociologue Georg Simmel et qui se caractérisent par une certaine indifférence à la différence, qui explique à la fois la liberté mais aussi la solitude parfois ressentie en vivant à Paris; des relations fortes de voisinage, d’amitié ou construites dans le cadre associatif et qui peuvent faire lien par-delà les appartenances sociales et culturelles; et des relations d’entre-soi, sur la base d’appartenances sociales et culturelles que l’on peut, dans certains cas, qualifier de «repli» et de «communautarisme».
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Crédit photo : Henri Garat/Mairie de Paris

Quel est l’impact de la politique en matière d’urbanisme et de la transformation de l’espace public en faveur des piétons sur l’assentiment des Parisiens à partager harmonieusement le lieu de vie?

La ville est un espace politique par excellence : c’est là où concrètement la vie collective et publique s’élabore. Cela implique un va-et-vient constant entre une vision du vivre-ensemble et des intérêts, des modes de vie, des usages divers, parfois concurrentiels et difficilement conciliables. Cela apparait nettement quand il s’agit de piétonniser des espaces de circulation automobile. Au cours de ces transformations, les paradoxes auxquels font face les villes se cristallisent et des tensions se font jour. Le rôle des politiques est alors de trancher, en cohérence avec le projet et en veillant à accompagner les changements.
D’autres fois, la transformation implique davantage les Parisiens. Cela a été le cas de la rénovation de la Place de la République à laquelle tous les conseils de quartier concernés ont été associés. Cet espace est devenu une vraie place publique où toutes sortes de gens participent à toutes sortes d’activités, permettant des usages et des appropriations variés : jeux, loisir, repos, débats et manifestations, etc. Ces nouveaux espaces participent-ils à un meilleur vivre ensemble? En tout cas, il ne fait aucun doute que les Parisiens (et pas seulement eux) s’en saisissent massivement.

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