Que peuvent les villes pour le climat ? Bruno Gouyette, urbaniste, nous répond

Interview

Mise à jour le 11/12/2025

végatalisation dans le 13e
Dix ans après la signature de l’Accord de Paris sur le climat, et au lendemain de la COP30 à Belém (Brésil), de nombreux pays continuent leurs efforts, tandis que d’autres reviennent en arrière. Si le problème concerne toute la planète, quel est le rôle des maires dans l’action climatique ? Réponse avec Bruno Gouyette, urbaniste et chargé de mission à la direction de la Transition écologique et du Climat (DTEC) de la Ville de Paris.

Quel est le rôle des maires dans l’application des objectifs de lutte contre le changement climatique ?

Ce sont les États qui s’engagent et qui organisent la marche à suivre sur leur territoire. En France, cela passe par la Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC), qui fixe les grandes orientations. Mais les villes n’attendent pas que ces documents soient actualisés pour agir, car elles ont un conseil élu et un pouvoir réglementaire. Elles possèdent donc une autonomie et une liberté d’action.
Le rôle des maires est très important et ils ont de nombreuses compétences qui concernent les enjeux du changement climatique : les transports et la mobilité, l’habitat, les espaces verts et les espaces publics, l’eau, l’assainissement ou encore le patrimoine bâti – écoles, mairies, équipements culturels et sportifs…

Quels types d’actions peuvent-ils mettre en place ?

On en distingue deux : l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. Avec l’atténuation, il y a la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre et l’utilisation d’énergies fossiles. Quant à l’adaptation au changement climatique, il peut s’agir d’améliorer des situations du quotidien, comme le confort thermique des habitants dans la rue ou dans leur domicile. Mais les maires doivent aussi prévenir des situations de crise – crue, canicule, sécheresse, etc. – en produisant un plan communal de sauvegarde.

Avec un climat similaire à celui de Montpellier d’ici 2050, Paris peut s’inspirer de nombreuses villes proches de la Méditerranée.

Bruno Gouyette
urbaniste, chargé de mission à la direction de la Transition écologique et du Climat (DTEC)
Concrètement, les collectivités peuvent mener des actions directes, comme végétaliser et promouvoir les mobilités douces – le vélo, la marche – et décarbonées en réaménageant l’espace public, rénover énergétiquement le logement social et aider à la rénovation des logements en copropriété, proposer du chauffage urbain sans énergie fossile…
Les actions des maires touchent aussi des domaines variés, comme la bonne gestion des eaux de pluie, qui permet de conserver des sols perméables plus frais. Mais également la sauvegarde de la biodiversité, très importante, car une faune et une flore plus diverses grâce à la présence de l’eau dans la ville participent à un meilleur équilibre climatique. Sans oublier la réduction des nuisances sonores qui est primordiale pour la santé et le bien-être.

Quels sont les résultats des actions climatiques menées par les villes ?

Jusqu’à peu, il était compliqué d’avoir des éléments quantifiables au niveau international. Si cela reste difficile, des initiatives émergent, c’est le cas de la Convention mondiale des maires pour le climat et l’énergie (regroupant près de 14 000 villes principalement européennes) représentant 1,4 milliard d’habitants. Cette plateforme s’est donné les moyens d’évaluer les résultats des villes membres, et des progrès tangibles sont constatés.

Cela montre que l’action paie, mais il est clair qu’un plus grand nombre de villes doit pouvoir s’engager dans cette démarche et qu’elles doivent être beaucoup plus aidées par leur État et par des financements internationaux, tournées vers les villes du Sud.

Bruno Gouyette
urbaniste, chargé de mission à la direction de la Transition écologique et du Climat (DTEC)
Par exemple, dans le dernier rapport réalisé sur ces villes par l’association internationale Climate Chance, on apprend que les 1 640 villes européennes ayant transmis leur inventaire des émissions de gaz à effet de serre ont pratiquement atteint leurs objectifs pour 2020. On mesure une réduction de 19,5 % des émissions (la cible initiale étant une réduction de 20 %) par rapport à leur année de référence.

Quelles sont les limites de l’action d’un maire ?

Les communes ne peuvent pas agir sur ce qui n’est pas de leur propriété. Elles peuvent inciter en apportant des aides ou une assistance, mais le propriétaire d’un bâtiment est par exemple libre de le rénover ou non. De même, elles ne peuvent pas contraindre à utiliser un mode de transport, mais plutôt favoriser, par des aménagements, les moyens de transport qui consomment peu ou pas d’énergies fossiles et qui n’émettent pas de gaz à effet de serre.

À l’étranger, de quelles villes peut-on s’inspirer ?

À l’horizon 2050, le climat parisien sera similaire à celui de Montpellier (Hérault). Paris peut donc s’inspirer de nombreuses villes proches de la Méditerranée. Barcelone, qui a des quartiers aussi denses que Paris, a de l’avance sur les questions de lutte contre les îlots de chaleur et pour le bien-être estival, car cela fait des décennies que les étés y sont chauds. La capitale de la Catalogne a par ailleurs considérablement réduit la place de l’automobile dans les centres d’îlots bâtis, a installé plusieurs rues végétalisées avec des espaces dédiés aux vélos et à la marche. Cela se traduit par des quartiers plus calmes, plus frais et sans risque d’accident pour les enfants et les personnes fragiles.
Dans une autre mesure, il est intéressant de regarder du côté du Japon, avec de nombreuses villes exposées aux risques de typhons et de tsunamis. Leurs habitants ont développé une véritable culture du risque que nous n’avons pas – encore – à Paris, alors que la capitale pourrait faire face à une crue centennale ou des épisodes de chaleur à 50 °C. C’est pourquoi la mise en place d’exercices de crise avec les habitants est primordiale pour développer cette culture des risques à venir.
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