Née en Guadeloupe et vivant actuellement à Paris, après avoir passé trois ans à Berlin et dix-huit ans aux États-Unis, dont une décennie à La Nouvelle-Orléans, Claire Tancons est curatrice, critique et chercheuse en art contemporain.

Elle mène une carrière internationale depuis vingt ans, notamment dans le monde des biennales d'art contemporain, comme celles de La Nouvelle-Orléans, de Gwangju, du Cap ou encore de Sharjah, mais aussi avec des musées et centres d'art (Faena Art, Tate Modern, Haus der Kulturen der Welt…). Ses champs d'intérêt incluent les pratiques diasporiques, la culture publique cérémonielle, la performance processionnelle et les rituels civiques.

Nuit Blanche est un événement incroyable, qui produit des images saisissantes tout d’un coup au détour d’une rue. Ce sont des expériences artistiques en terrain urbain, ce qui n'est pas usuel ! Et des propositions qui se veulent populaires, mais ardues. J’ai réalisé par le passé, dans le cadre de mes participations à des biennales d’art contemporain, des événements grand public séduisants, inspirés par des défilés carnavalesques inclusifs, attractifs, toujours par le truchement de l’art contemporain. Ce qui m’intéresse, c’est la rencontre du monde des idées et de la culture populaire.

Alors, pour cette thématique ultramarine, j'invite à penser à la dimension insulaire de Paris et archipélique de l’Île-de-France. Paris, qui sera capitale culturelle et olympique cet été, est une ville singulière, diasporique avec ses différentes cultures, dont sont porteurs certains des artistes invités. Je précise que les créateurs les mieux à même de porter cette thématique ne sont pas uniquement ultramarins, mais leur point commun est d'être portés par des réflexions sensibles sur l'histoire de la colonisation, de ces diasporas et leur rapport au pouvoir…

Ce sera d'abord l'occasion de mieux faire connaître les pratiques artistiques des onze « pays ultramarins » de la France dans les océans Pacifique, Atlantique et Indien… De Tahiti à La Réunion, en passant par la Guadeloupe ! J’aimerais qu'à Paris à 19 heures en été, on se rende compte qu’il est 7 heures du matin à Papeete, mais déjà 4 heures le lendemain à Nouméa, dans une relation située entre dissonance et connexion. Les spectateurs vont ainsi réaliser l’immensité que cela représente d’être un Français au-delà de l’Hexagone !

Même si j'ai vécu longtemps à l'étranger, j'ai eu la chance d'assister à plusieurs Nuits Blanches, et notamment à l'édition 2023 qui, pour la première fois, se déroulait au mois de juin. Je redécouvre en quelque sorte Paris – où j'ai fait mes études de 17 à 21 ans – et j’ai donc cette vision « insider-outsider » qui peut être un atout.

Mon rôle est d'imprimer une direction, une vision, et de réfléchir à celles et ceux les mieux à même de la porter. Mais la directrice artistique ne décide pas seule, elle est dans un rapport collégial, avec une équipe très importante – incluant l'administration, la production, la communication –, et en lien avec les élus.

Il y aura énormément de nouvelles productions, ce qui ajoute un défi particulier, car notre temps de réalisation est court. Il y aura notamment des performances individuelles et collectives, des projections de films, des sculptures et installations monumentales… J’ai une responsabilité auprès des artistes dont je dois soutenir la vision qui va enrichir celle que j’ai posée en amont.

J'espère parvenir à rendre sensibles et perceptibles les réalités culturelles que tous les Parisiens ne connaissent pas nécessairement, cette image d’un Paris en lien avec ce monde de l’au-delà des océans.

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