Rencontre

« Les bistrots sont les vraies lumières de Paris, où l'on peut venir sans distinction de classe »

Mise à jour le 15/03/2024
Alors que Paris célèbre ses bistrots du 15 au 24 mars - 62 d’entre eux ont reçu la médaille de Vermeil de la Ville de Paris -, rencontre avec Pierrick Bourgault, écrivain, journaliste et photographe, amoureux de ces lieux de vie qu’il voit comme des « lieux du possible ».

Pour les Montmartrois, pas de doute possible, le mot « bistro » est né chez la Mère Catherine, petit restaurant de la place du Tertre fondé en 1793… Qu’en est-il vraiment ?

On raconte en effet qu’en 1814, au moment où Paris est occupée, les Cosaques fréquentent le lieu et pour être servi rapidement, ils répètent « bistro ! bistro ! » qui se traduit par « vite ! vite ! ». Mais si l’histoire est sympathique, cette étymologie est fantaisiste et l'origine réelle du mot n'est pas connue avec certitude.

Quand le mot « bistro » apparaît-il réellement ?

Le mot apparaît en 1884 dans les « Souvenirs de la Roquette » de l’abbé Moreau, où il est même doté d'une note de bas de page qui explique « marchand de vin ». À ma connaissance, il n'y a pas de citation écrite plus ancienne, et le mot devait être assez nouveau pour que l'auteur éprouve la nécessité de l'expliquer. Ainsi le « bistro » désigne d’abord le propriétaire de l’établissement. Il viendrait du Poitou où le « Bistraud » désigne un petit domestique ou un marchand de vin. Le bistro avec ou sans T (on parlait d’ailleurs de bistrote si c’était une femme) désignait donc le tenancier du bistrot aussi bien que l'établissement où l’on sert du vin.

Ce sont les Auvergnats qui ont transformé le bistrot en petit restaurant ?

Lors de la Révolution industrielle, les Auvergnats - les fameux bougnats - quittent leurs terres pauvres du Massif central et montent à Paris. Après avoir exercé la profession de porteur d'eau et de chiffonnier, ils s'orientent vers le commerce du bois, de la ferraille, du charbon (livré à domicile) et des boissons (vin, spiritueux, limonade). On appelait alors ces lieux les cafés-charbons. Voulant élargir leur clientèle, ils proposent peu à peu une petite restauration.
Journaliste de formation agricole et anthropologique, écrivain, Pierrick Bourgault (à gauche) est à côté d’Alain Fontaine président de l’association des bistrots et cafés de France. À la droite d' Alain, Pierre Josse, « vagabond professionnel », a sillonné le monde pendant 40 ans comme rédacteur en chef des Guides du Routard.
Crédit photo : Joséphine Brueder / Ville de Paris

Et aujourd’hui, c’est quoi un bistrot pour vous ?

On peut distinguer le bistrot du restaurant ou de la brasserie. Le bistrot propose des boissons et une restauration rapide qui peut être servie au bar. C’est un lieu ouvert à toute heure où l'on peut venir manger des petits plats typiques, voir mythiques, comme les œufs-mayo, le steak tartare, la bavette de bœuf, la blanquette de veau ou le croque-monsieur. Et finir par une île flottante ou une crème brûlée…

Il faut un comptoir pour faire un bistrot ?

C'est indispensable, oui ! Un bistrot a toujours un comptoir, qu’on appelle souvent le zinc. Même s'il n’a jamais été fait de zinc, mais d’étain ou simplement de bois, parfois recouvert de formica. En 1930, Marcel Nectoux ouvre un atelier de comptoir, rue de Charonne à Paris. Depuis, ce savoir-faire s'est transmis sur trois générations. Il raconte d’ailleurs que cette étymologie du zinc remonte à la Seconde Guerre mondiale. Les Allemands ont démonté les comptoirs en étain. Ils le recherchaient pour réaliser les soudures de leurs radios et autres appareils électroniques à lampes - déjà, l'importance de la télécommunication ! L’étain se traduisant en allemand « Zinn », ces fameux comptoirs en étain vont alors prendre le nom populaire de « Zincs ».

C'est d'ailleurs au comptoir que les rencontres et les mélanges de population sont possibles…

Oui, c'est un peu la clé de voûte du bistrot, car les gens s’y côtoient de façon informelle. Toutes les catégories sociales se mêlent au bistrot, c'est ce qui fait leur richesse. C'est un lieu où l'on peut venir sans distinction de classe ou d'origine. Comme dit Alain Fontaine, le président de l'association pour la reconnaissance de l’art de vivre dans les bistrots et cafés de France en tant que patrimoine culturel immatériel, « les bistrots sont d'utilité sociale et ce sont elles les vraies "lumières de Paris" ». Pour moi qui aime particulièrement la musique, ce sont aussi des lieux du possible. On peut venir y chanter facilement, au bon vouloir du bistrotier, et de façon plus simple que dans une salle.

Si vous deviez recommander un bistrot ?

Mon quartier général c'est le Vaudésir dans le 14e, car il est à deux pas de chez moi. En fait, j'ai surtout envie de recommander le bistrot que chacun trouvera au coin de sa rue, toujours intéressant à observer et à vivre aux différentes heures de la journée. Entre l'ambiance du matin, l'effervescence des repas, le calme de l'après-midi, l'affluence du soir…
Pierrick Bourgault anime des rencontres dans des bistrots pour raconter leur histoire, lors de la semaine des cafés du 16 au 23 mars.
La Semaine des cafés arrive en mars à Paris
Adresse
Date(s)Du samedi 16 mars 2024 au samedi 23 mars 2024
Ambiance
Les photos de cet article sont extraites de l’exposition « Au bonheur des bistrots » que Pierrick Bourgault présentait avec Pierre Josse sur les grilles et dans la boutique de l’Hôtel de Ville de Paris, en 2023.

L'info en plus : êtes-vous bien assis ?

La première chaise bistrot est devenue une vraie pépite pour les chineurs et un élément incontournable du design. C’est la fameuse chaise bistrot, ou « chaise n° 14 », inventée par Michael Thonet, ébéniste et industriel germano-autrichien, et fabriquée depuis plus de 160 ans. L'entreprise avait même imaginé ce meuble en kit facilement exportable partout avec « six éléments, deux écrous et dix vis… ».
La chaise Thonet meuble encore les cafés parisiens comme on la voit ici, dans le restaurant le Mesturet d'Alain Fontaine.
Crédit photo : Emilie Chaix / Ville de Paris
Plus de 50 millions de chaises d’origine auraient été vendues, sans compter les innombrables copies. Alors attention, pour reconnaître une authentique, elle doit comporter sur le dessous de l’assise ou du cadre de l’assise, le logo de l’entreprise, estampillé en creux sur les anciens modèles et marqué au fer rouge sur les modèles actuels.
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