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« Le Louxor fonctionne comme un cinéma de Province »

Mise à jour le 04/10/2021
Le Louxor
Cinéma unique par son histoire rocambolesque et son architecture égyptienne, le Louxor fêtait ses 100 ans le 6 octobre 2021. Emmanuel Papillon, directeur du Palais, et son équipe, avait concocté pour l'occasion un programme regroupant avant-premières et rencontres de haut vol. Un événement à l'image du « plus jeune des vieux cinémas ».

Quelle série d'événements l'équipe du Louxor a-t-elle prévue pour ces 100 ans ?

Emmanuel Papillon : Du 6 au 11 octobre, le cinéma propose une semaine d'avant-première avec plusieurs films représentatifs de notre travail. On démarre pile le jour anniversaire, le mercredi 6 octobre [le Louxor a ouvert le 6 octobre 1921, ndlr] avec Les Olympiades, le dernier Jacques Audiard, sélectionné à Cannes. Parce que ça parle de Paris, des jeunes, et qu'il y a des similitudes avec notre quartier, Olympiades c'est plutôt des personnes d'origine asiatique et ici d'Afrique du nord. Le lendemain, on enchaîne avec Tre Piani, un film 100 % à l'image de son réalisateur Nani Moretti, très subtil. Toujours côté metteur en scène confirmé, la version restaurée de Thérèse, le 11 octobre, en présence d'Alain Cavalier.
Emmanuel Papillon, Directeur du Louxor
Emmanuel Papillon
Crédit photo : Nathalie Joyeux
Nous reprenons aussi du 8 au 10 octobre la sélection cannoise ACID, avec entre autres, Down with the king de Diego Ongaro, Grand Prix du Festival du cinéma américain de Deauville. C'est un événement qu'on propose chaque année pour valoriser un cinéma jeune et novateur, toutes les équipes des films seront présentes. Le 13 octobre, place à Debout les femmes, en présence du réalisateur François Ruffin. C'est un très bon film, très fort. Enfin, le 10 octobre, nous avons programmé un ciné-concert de 3 courts métrages pour le jeune public, avec Charlie Chaplin, Buster Keaton et Laurel et Hardy.
En parallèle, une exposition initiée par l'association Les amis du Louxor, retraçant de façon très pédagogue l'histoire du cinéma, sera installée dans le salon. Et une exposition photo des spectateur·ice·s sera présentée en avant-séance tout au long du mois d'octobre. Nous avons demandé à la photographe Karen Assayag, dont le précédent travail sur la jeunesse marocaine avait été exposé à l'Institut du Monde arabe, de réaliser ces portraits. Elle habite le 18e et vient souvent au Louxor, c'était important qu'il y ait ce lien.

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Le Louxor et le quartier, une longue histoire d'amour, donc ?

L’histoire du Louxor ne commence pas le jour de l'inauguration le mercredi 6 octobre 1921, mais en 1919, quand Henri Silberberg achète cet immeuble haussmannien du 170 boulevard de Magenta. L'architecte Henri Zipcy le transforme alors en un palais égyptien dévolu au cinéma En 1930, Pathé le rachète, la programmation reste de qualité. À partir des années 70, le Louxor ne projette plus que des films exotiques ou égyptiens sous-titrés en arabe, et des comédies musicales de Bollywood.
La famille Ouaki, propriétaire de Tati, rachète le cinéma pour en faire un commerce, mais le projet échoue, car la façade, classée monument historique, est intouchable. Au milieu des années 80, Tati cède la gérance à des projets d’exploitation de boîtes de nuit. Tout d'abord boîte de nuit antillaise, le Louxor devient en 1987 le Megatown la plus grande discothèque gay de la capitale. Finalement fermée pour cause de nuisance sonore.
Le bâtiment tombe peu à peu en décrépitude, la façade tombe en ruine, c'est quasiment une verrue dans le paysage. Sous l'impulsion de l'association Action Barbes et des habitant·e·s du quartier qui ne veulent pas que leur palais soit détruit, la Ville de Paris rachète le bâtiment en 2003. elle ne sait pas trop quoi en faire. Comme la façade était classée, elle décide de suivre le projet de Philippe Pumain, architecte qui se bat pour faire revivre Le Louxor de 1921, celui d'Henri Zipcy. À l'intérieur il n'y avait plus rien à part l'escalier. Ce fut un travail titanesque et il faudra attendre dix ans pour que le cinéma rouvre ses portes. J'ai parlé du plus jeune des vieux cinémas, car il y a plusieurs centenaires en France. Le plus vieux est l'Eden Théâtre à La Ciotat, inauguré tout d'abord en tant que théâtre en 1889, et qui a connu les premières projections des frères Lumières.
Le Louxor
Le Louxor
Crédit photo : ©Mairie de Paris

Quelles sont les spécificités du Louxor ?

C'est un cinéma art et essai, de quartier et municipal. Il est exploité depuis huit ans par la société CinéLouxor, dont je fais partie, avec à mes côtés Carole Scotta ; productrice au sein de la société Haut et Court, distributrice et exploitante ; et Martin Bidou, exploitant. Trois salles diffusent des films arts et essai, parfois de façon « mainstream » comme le Dune de Denis Villeneuve. Je souhaite que les habitant·e·s du quartier puissent voir près des chez eux des films d'auteurs·ices au sens large.
Nous collaborons avec les associations et les écoles du quartier, nombreuses. C'est très important pour nous qui adhérons au Dispositif « Éducation à l'Image ». Nous recevons chaque semaine des classes de maternelle, collège et lycée. Nous leur proposons des films, ils peuvent aussi choisir via un catalogue préétabli.

D'autres particularités ?

Oui, un certain philanthropisme de répertoire. Nous projetons de vieux films, ce qui est plutôt l'apanage des cinémas de quartier historique comme le Quartier latin. Notre Ciné-club du dimanche matin fonctionne très bien, propose des films anciens, notables, ou réédités, certains très connus, d'autres pas du tout.
Le Louxor
Le Louxor
Crédit photo : Joséphine Bruder / Ville de Paris
Autre aspect très important, recevoir beaucoup d'équipes de cinéma, des réalisateurs·ices acteurs·ices, mais pas que, pour le jour de la sortie ou lors d'avant-première. C'est ma manière de voir les choses. Le public est curieux, satisfait et au rendez-vous. Les gens nous font confiance et nous suivent, c'est une grande satisfaction. Enfin, on accueille aussi des festivals, tel que Mon Premier festival, destiné au jeune public, Le Panorama du Maghreb, la reprise de l'ACID, etc.

Comment êtes-vous arrivé à la tête de ce cinéma ?

La Ville de Paris a lancé un appel d'offres, je me suis rapprochée de Carole et Martin. Je ne pensais pas avoir le meilleur dossier, mais je connaissais bien le quartier pour y avoir habité. C'était un challenge de rouvrir ce lieu fermé depuis plusieurs années, mais j'étais persuadé que ce coin de Paris manquait de cinéma. Le Studio 28 aux Abbesses n'a qu'une salle, le Pathé Wepler, comprenant le studio des cinéastes de la place Clichy, est assez loin, idem pour les MK2 Quai de Seine et Quai de Loire.

En 1960, le quartier comptait 41 cinémas, nous ne sommes plus que 4

Emmanuel Papillon, Directeur du Louxor
Le Louxor se trouve à la croisée des 9e, 10e et 18e arrondissements. Le 18e est une véritable ville à lui seul, rassemblant toutes les catégories socioprofessionnelles. Ici les habitant·e·s sont très attaché·e·s à leur quartier, y compris Barbès et la Goutte-d'Or où le climat est parfois compliqué. Ce qui nous intéressait dans ce projet, c'était le cinéma et l'environnement, car le Louxor fonctionne comme un cinéma de Province. On est seul dans le quartier et à Paris, ça reste atypique.

Vous avez été exploitants de cinéma pendant 20 ans, puis prof à la Femis, pourquoi avoir repris la tête d'un cinéma ?

C'est simple, j'aime ça ! Enseigner, être au contact de jeunes passioné·e·s à la Femis, c'était intéressant et vivifiant intellectuellement. Mais j'aime particulièrement l'exploitation qui englobe la relation avec le public, c'est un métier du commerce si je puis dire. J'ai très mal vécu le confinement, car, pour moi, un cinéma est fait pour être ouvert. Ironie du sort, l'année 2019 avait été une année de fréquentation exceptionnelle.
La sortie du Covid n'est en tous cas pas si évidente que ça. Cet été, c'était compliqué à cause du passe sanitaire et les Parisien·ne·s et les touristes avaient déserté la capitale. Les chiffres ont beau progresser de semaine en semaine, on est toujours à moins 15 % par rapport à 2019. On sent que les gens sont encore un peu choqué·e·s. Ce n'est pas si évident de passer de son canapé au fauteuil de cinéma. Il va falloir un peu de temps.
Façade du Louxor - Palais du Cinéma
Façade du Louxor - Palais du Cinéma
Crédit photo : ©LucBoegly
Je reste optimiste quoique vigilant, car le public continue d'aller au cinéma, malgré les plates-formes de vidéo à la demande, les séries, la télé… Le lien culturel et social de la sortie cinéma est un besoin, c'est comme pour le restaurant, le théâtre, les concerts. Une nécessité de vivre un moment intense, ensemble, avec des ami·e·s ou en famille. Ce lien est d'autant plus vital et nécessaire que les gens sont comme atomisés par l'extérieur. Le cinéma reste un moment privilégié d'isolement au monde, où on ne sort pas son téléphone. Chacun·e a besoin de ça, sortir d'une hyperactivité parfois stérile, où nous sommes constamment sollicité·e·s.

Il n’y a pas de cinéma sans le « voir ensemble »

Emmanuel Papillon, Directeur du Louxor

Comment est né votre amour du cinéma ?

Il a éclos assez tard. J'ai grandi à la campagne, nous allions peu au cinéma. Ma mère était cinéphile, mais le fait d'habiter en milieu rural restreignait drastiquement les choix. J'ai vraiment (re)découvert le cinéma au lycée auprès de professeur·e·s pédagogues et passionné·e·s. Avec un groupe d'ami·e·s très cinéphiles, nous allions dans les cinémas parisiens, dont un ouvert 24 heures sur 24. Nous loupions souvent le dernier train de banlieue, alors on y passait la nuit, en attendant de pouvoir repartir. Je suis devenu un peu boulimique ; je découvrais le cinéma américain, Scorsese, De Palma, Coppola,… J'adore les États-Unis et le cinéma américain, même si actuellement, il n'est pas très en forme. La télé y a aussi contribué avec la dernière séance, le ciné-club, l'arrivée du magnétoscope. En enregistrant nos VHS, on avait l'impression de s'approprier les films.
Le Louxor
Le Louxor
Crédit photo : ©Mairie de Paris
Concernant le 7e art, Paris reste une ville incroyable. À l'étranger, dans les grandes villes, il n'y a pas d'équivalent en termes de salles de cinéma. À Londres, il faut faire une demi-heure de métro pour trouver une salle. Les Parisien·ne·s ne se rendent pas bien compte, mais la capitale compile la Cinémathèque, le Forum des images, les salles du Quartier latin… La programmation est pléthorique, on peut visionner des films des années 30 ou très récents. Les médiathèques possèdent un fond inépuisable, on y trouve tout. À l'étranger, l'offre est à la fois beaucoup plus pauvre et moins accessible. La France est de toute façon à part. Ici, la cinéphilie est forte, on a des revues de cinéma dynamiques, le festival de cannes, il y a une exception française et c'est tant mieux !
Programme
Le Cinéma Le Louxor fête ses 100 ans: le programme !
Adresse
Date(s)Du mercredi 6 octobre 2021 au mardi 12 octobre 2021

Du mercredi 6 octobre 2021 au mardi 12 octobre 2021

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