En Europe, se sont déployés deux régimes distincts de discours : un discours selon l’ordre des raisons, qui s’abstrait du sensible, conceptualise, démontre, et un discours qui enquête, décrit, raconte : la philosophie (et la Science) d’un côté, la Littérature de l’autre. Chacun son rôle. La Littérature récupère alors ce que la philosophie et les sciences, qui visent à l’universel, laissent de côté : le sensible, le singulier, l’événement. Certes, il y a aussi des savoirs qui dansent d’un pied sur l’autre, « entre science et fiction », témoins l’écriture de l’histoire, ou l’ethnologie française. Alors que le roman se tient au plus près de l’expérience vécue, décrit les linéaments et les transformations d’« une vie », les infléchissements et les basculements, la philosophie propose des concepts. Mais que serait une philosophie qui ne viendrait pas éclairer « vivre » ? Que faire du roman en philosophie ? Qu’est-ce que la poésie donne à penser ? Comment l’écriture philosophique peut-elle s’ouvrir au possible littéraire ? En retour, comment les concepts permettent-ils de lire autrement la littérature ? En d’autres termes, il s’agit de penser la manière dont la littérature et la philosophie peuvent coopérer, jusque dans la trame d’une écriture philosophique qui puisse mettre en tension l’universel du concept et le singulier de l’expérience, de telle manière que la philosophie en soit relancée.