Exposition de Saïda Berbour
Cette exposition, à l’image de la série photographique
« Regards » lorsque l’auteur tente spontanément de capter le regard des riverains, convie ainsi le visiteur qui parcourt les différents étages à aiguiser son propre regard, à se mouvoir dans l’espace, à se questionner sur ce qu’il voit, ce qu’il ressent, ce qu’il partage en parcourant les différentes œuvres exposées.
D’abord
autodidacte par le dessin, j’ai pu aiguiser mon regard par le biais de visites
d’expositions de grands artistes peintres (Edgar Degas, Pablo Picasso),
photographes (Edward Steichen, Willy Ronis, Saul Leiter), affichistes (Michel
Bouvet, Michal Batory, Catherine Zask, Philippe Apeloig).
Par la
pratique collective, j’ai souhaité m’initier aux différentes techniques
artistiques à travers des stages photo, les Cours Municipaux pour Adultes et Ateliers
Beaux-Arts organisés par la ville de Paris ainsi qu’au Centre Verdier Photo.
Par ces différentes structures, j’ai pu expérimenter le dessin, la peinture, la
communication visuelle et graphique, la photographie argentique et numérique,
complétée par une immersion au sein du mythique Studio Rouchon.
Ma démarche
artistique consiste alors à développer une approche de la photographie
expérimentale en abordant les thématiques du vide et de la matière et explorer
la relation entre contenant/contenu à travers notamment les problématiques de
l’accrochage.
De belles
opportunités m’ont permis de présenter mes travaux lors de diverses expositions
collectives de 2015 à 2019 dans le 10ème arrondissement de Paris en
expérimentant des jeux de lumières, d’ombres, de couleurs, de transparences, de
reflets, de mise en scène, d’installations d’objets photographiques, de mobiles
et de sculptures, notamment à l’IMMIX Galerie et durant les Rencontres
Photographiques du 10eme.
Carte
blanche m’a été donnée avec l’exposition « Expérimentations artistiques et points de vue photographiques » pour investir la bibliothèque
Louise Walser-Gaillard, ce lieu atypique, chargé d’histoire, ouvert sur la
culture, la littérature dans son ensemble et plus spécifiquement jeunesse et des
rencontres diverses promouvant le monde des sourds et la diffusion de la langue
des signes.
Cette
nouvelle exposition convie ainsi le visiteur à explorer et questionner l’art et
l’espace environnant en présentant d’anciens et nouveaux travaux, avec notamment
l’installation in situ « R-Compositions ».
La Bibliothèque Louise Walser-Gaillard ex Bibliothèque Chaptal est un lieu
chargé d’histoire.
Elle abrite le « Grand Salon » habillé de boiseries et de
moulures dorées de l’ancien Hôtel particulier de Sérigny (1780), ancienne
demeure de l’illustre fondeur Thiébaud. On peut y admirer une très belle
cheminée inspirée du Château de Fontainebleau, les peintures de Claude
Bourgonnier « Les Quatre Saisons » entourant une magnifique verrière
zénithale polychrome, en son milieu est suspendu un superbe lustre.
Cette prolifération artisanale d’éléments divers, multiples, répétitifs et
épars et la contemplation de cette beauté architecturale des temps anciens vaut
le détour. Bien qu’au final le tout semble surchargé et à l’opposé du design épuré
de notre époque, cet ensemble se marie pourtant très bien avec un mobilier
contemporain, moderne et design disposé çà et là. Fauteuils multicolores. Chaises,
tables et lampadaires sur pied avec abat-jour transparents. Suspentes et
lustres design constitués d’un tube de métal déployé, avec à l’intérieur des
tubes néons formant des lettres lumineuses colorées. Ce lieu regorge également
de multiples coins et recoins, à s’y perdre parfois et est parsemé d’ouvertures
vitrées, d’anciens grands miroirs, de longues verrières zénithales, d’escaliers
et d’un ascenseur qui permettent d’accéder aux différents étages.
A côté de tous ces éléments artisanaux et artistiques, se construit une vie
sociale, culturelle, de spectacles et d’animations pédagogiques et artistiques
grâce aux multiples services offerts aux
lecteurs entendants comme aux lecteurs sourds et malentendants par le biais de la
LSF, la langue des signes.
Carte blanche m'a donc été donnée pour exposer mes travaux artistiques au sein
de ce lieu prestigieux pouvant entrer en résonance avec le travail que j'ai
effectué jusqu'à présent : expérimentations de plusieurs techniques artistiques
(dessin, peinture, photographie et installations diverses) ainsi qu'une
démarche qui propose de voir le monde sous différents angles : parfois visibles,
parfois invisibles. Parfois de manière concrète, parfois de façon plus
abstraite.
Ma première visite du lieu en compagnie de Nora, bibliothécaire et conteuse,
a été riche et source de créativité pour mettre en lien la présentation de mes
anciens travaux avec l’opportunité de proposer un nouveau projet à travers
cette exposition.
Le projet d’exposition a mûri et s’est consolidé quelques semaines plus
tard en souhaitant dans un premier temps exposer un univers tout en couleurs,
plus terre à terre, à travers les dessins et peintures sélectionnés, me
permettant de retourner aux sources et à l’essentiel et de concevoir l’autre
projet, encré et dédié au lieu d’exposition lui-même. Se met alors en place un
travail de décortication, déconstruction, décomposition avant de pouvoir relier
des éléments dispersés, à l'image d'un puzzle ou d'une mosaïque qu'il faut
reconstituer avec d'autres éléments plus évidents, pas à pas, afin de
construire de nouvelles compositions, autrement-dit, proposer un regard multiple sur le monde
environnant.
La série « Doudou », version noir et blanc, créée en août 2014,
jamais exposée constitue un élément clé dans la réalisation de cette
exposition, qui a pour rôle de faire le pont entre mes anciens travaux et les nouveaux
projets réalisées : la prise de vue de la série « Doudou », version
en couleurs, créée en février 2022, et intégrée à l’installation
« R-Compositions ».
« R-Compositions » prend la forme d’une structure en volume
disposant de creux et de reliefs ajourés de part et d’autre, assemblés sur 3
niveaux. Tout le long de la structure sont apposés des éléments graphiques et
des décors entrant en résonnance avec les activités proposées par la
bibliothèque à ses lecteurs, avec une architecture atypique à la fois ancienne
et moderne, un lieu de vie, de rencontres et d’échanges multiples.
Cette exposition, à l’image de la série photographique
« Regards » lorsque l’auteur tente spontanément de capter le regard
des riverains, convie ainsi le visiteur qui parcourt les différents étages à
aiguiser son propre regard, à se mouvoir dans l’espace, à se questionner sur ce
qu’il voit, ce qu’il ressent, ce qu’il partage en parcourant les différentes
œuvres exposées.